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Des épargnants qui avaient placé de l'argent dans un « livret garanti » à 3% par an risquent de ne jamais revoir leur fonds après la faillite de la fintech Swoon.
Seriez-vous séduit par un livret rémunéré 3% par an « garantis » dans une banque en ligne ? Cette offre a en tout cas convaincu quelques centaines de particuliers lors du lancement de la fintech* lilloise Swoon en 2018. On peut les comprendre, face au 0,5% de rendement du livret A. Sauf que l'histoire n'était pas si belle. Un temps, les intérêts ont bien été versés aux épargnants même si certains rapportaient quelques problèmes ici et là. Cela a convaincu certains d'entre eux de placer une grande partie, voire toutes leurs économies. Puis les délais de versement et de remboursement se sont allongés. A l'été 2021, c'est la douche froide : la société Swoon SAS est mise en liquidation judiciaire. Aujourd'hui, plus d'une centaine d'épargnants ne savent pas s'ils pourront récupérer leur argent. L'un d'entre eux témoigne dans Maddyness qu'il n'a pu récupérer que 17.500 euros sur les 80.000 placés « On parle d'années d'économies, d'une vie d'économies en fait (...) Ça fait très mal quand vous prenez ça en pleine tête ». Dans la Voix du Nord, un autre s'inquiète de ne jamais pouvoir récupérer les 60.000 euros qu'il a placés.
Pour distribuer 3% de rendement par an à des épargnants et rémunérer l'intermédiaire financier, il faut que le placement génère beaucoup plus. Aujourd'hui, cela n'est possible qu'en plaçant l'argent à risque. Dans ces conditions, il est difficile pour n'importe quel acteur d'apporter une garantie sur le capital, à moins qu'il dispose d'une énorme trésorerie et qu'il choisisse de prendre le risque de tout perdre. Les sociétés financières, banques et compagnie d'assurance ne s'y risquent pas. C'est pourtant la promesse qu'avait formulée Swoon. Son schéma consistait à prêter l'argent collecté auprès des épargnants à des entreprises au taux de 5% par an sous forme obligataire. Un système qui est celui du financement participatif spécialisé dans le prêt (« crowdlending »). Pour cela, les fonds déposés par les épargnants étaient orientés vers une autre société gérée par le même dirigeant : la Financière de garantie (parfois nommée « Swoon Asset Management »). Une fois les prêts arrivés à échéance, les intérêts devaient être partagés entre les clients (3%) et la société (2%). Sauf que ni la société Swoon, immatriculée en tant qu'éditeur de logiciels, ni la Financière de garantie ne disposaient des autorisations légales qui leur auraient permis de pratiquer ce genre d'activité financière pour le compte de particuliers.
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En France, les activités financières sont très encadrées. Les sociétés qui collectent l'argent d'épargnants pour le placer doivent obtenir une autorisation, voire un agrément des autorités : ACPR* pour le secteur bancaire, AMF* pour les produits financiers, ORIAS pour les plateformes de financement participatif. Elles doivent aussi se soumettre à des règles en matière de transparence de l'information et exposer clairement les risques du placement. Elles doivent s'assurer de l'adéquation du profil de l'investisseur avant qu'il ne verse des fonds. Sans avoir obtenu les autorisations adéquates, jamais Swoon n'aurait dû lancer son « livret ». Un nom qui peut d'ailleurs s'avérer trompeur pour les épargnants, pour qui les livrets sont synonymes de placements sûrs et liquides. « La Financière de garantie, intervenant sous le nom de Swoon, a exercé de façon illégale », résume l'ACPR au Parisien. « Elle n'avait pas les agréments nécessaires pour commercialiser un compte épargne ou proposer de prêter à des entreprises, activité qui aurait nécessité d'être intermédiaire en financement participatif. Et elle n'avait pas le droit de garantir un rendement. » En clair, Swoon n'était juridiquement ni une « plateforme de crowdfunding », ni une « néobanque », ni une société de gestion, ni un prestataire de service d'investissement habilité.
Si le cadre légal de l'activité n'était pas en place, l'information dispensée aux clients restait elle aussi assez floue. Ce qui n'a pas manqué de soulever des questions chez quelques épargnants avant même le lancement du produit. « Quel groupe est derrière ? Sans groupe solide, très peu pour moi de leur confier mes deniers... », s'interrogeait un Internaute en juin 2019 sur le forum de Moneyvox. « Dans quoi ils placent pour obtenir ce rendement ? Quelle garantie de capital ? Je trouve pas ça très transparent... faut avoir confiance », exprimait un Internaute le 13 octobre 2020. A cela sont venues s'ajouter des informations contradictoires. Un Internaute a par exemple relevé que la société indiquait un capital social de 100.000 euros sur son site alors que le BODDAC indiquait seulement 1000 euros... Sur le forum, Swoon est taxée « d'amateurisme ». Jusqu'à ce qu'une personne en vienne à se demander s'il n'est pas victime d'une « l'escroquerie financière », alors que début 2021 il peine à récupérer son argent, à obtenir une réponse de Swoon et que le numéro de téléphone du médiateur fourni par la société sonne dans le vide. Reste que la société a pu opérer pendant au moins 2 ans, sans que le régulateur n'intervienne. Un fait d'autant plus surprenant que des Internautes, non-professionnels du secteur financier, avaient décelé des signaux d'alerte. Le gendarme des banques avait par exemple épinglé la fintech Morning (fermée après avoir été reprise par le groupe Leclerc) pour « manque de protection des fonds de la clientèle » et avait sévi au printemps 2021 pour limiter l'appellation « néobanque » aux seuls établissements de crédit.
Une société financière est une société comme une autre : elle peut aussi faire faillite. Pour protéger les clients (et le système bancaire lui-même), les comptes d'épargne ouverts dans des établissements régulés bénéficient de la garantie des dépôts bancaires de l'État, soit 100.000 euros maximum par compte. Mais dans le cas de Swoon, cette garantie ne peut pas intervenir. Sans autorisation, sans établissement tiers valablement régulé recevant les fonds de ses clients, cette « fintech » n'est pas éligible. Selon le dirigeant de la structure, les épargnants seront remboursés. « Pas 10 ans », explique-t-il, « mais pas 10 jours non plus, ce serait malhonnête de ma part. Dans les semaines à venir, certains clients seront rassurés ». L'argent a bien été prêté à des entreprises, explique-t-il. Il faut donc attendre que celles-ci remboursent leur prêt à échéance. C'est une vraie possibilité, car la société Financière de garantie, qui a vraisemblablement géré les fonds, est toujours active. Évidemment, le spectre d'une pyramide de Ponzi effleure les esprits. Un procédé frauduleux dont le dirigeant se défend dans son interview dans Moneyvox : « J'ai un peu l'impression qu'on cherche le nouveau Madoff, on est à des années-lumière de cela (…). Nous avons toujours agi de manière honnête et la plus transparente possible. » Reste à savoir si les épargnants vont pouvoir récupérer leur mise. Aujourd'hui, une cinquantaine d'entre eux se sont regroupés, aidés par l'association de consommateurs France Conso Banque.
Le monde de l'épargne et de la finance est complexe et les pièges nombreux. Plusieurs actes simples peuvent permettre de se prémunir contre la plupart des placements hasardeux et arnaques. - Toujours se méfier des promesses de rendements alléchants et au-dessus du marché, surtout lorsque ceux-ci sont présentés comme étant « sans risque », - Vérifier la solidité de l'entreprise auprès des greffes en ligne (existence, capital, date d'immatriculation, activité déclarée...), - Vérifier son immatriculation auprès des autorités sur REGAFI, auprès de l'Orias ou sur le site de l'AMF, - Ne pas hésiter à fréquenter les forums pour recueillir l'avis de personnes qui sont déjà clientes, - S'abstenir d'investir dans la précipitation, sous la pression d'un commercial et/ou dans des produits que l'on ne comprend pas.
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