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En 6 ans, la chaîne Youtube Vilebrequin a fait bien plus que réunir 2,5 millions d'abonnés autour de la passion de l'automobile. Elle a aussi permis à Sylvain Levy et Pierre Chabrier, ses fondateurs, de créer et d'exploiter une société commerciale autour de laquelle le conflit se cristallise aujourd'hui. Au cœur du conflit, des rachats d'actifs et la séquestration de la trésorerie de l'entreprise.
La chaîne Vilebrequin s'est arrêtée fin 2023, marquée par une vidéo d'adieu de ses fondateurs. Mais derrière leur volonté affichée de voguer vers de nouvelles aventures chacun de leur côté, se cache en réalité une série de conflits entre associés.Car au-delà des vidéos, les youtubeurs avaient créé une société commerciale pour porter toute l'activité de Vilebrequin : la SAS AMP Holding. Leur succès leur a permis aux deux vidéastes de réaliser un chiffre d'affaires de près de 2,3 millions d'euros en 2023, pour un bénéfice de plus d'un million d'euros, selon les informations publiques. Mais comme pour beaucoup d'entrepreneurs, il arrive un moment où les associés voient leurs vues diverger. Parfois, ils ne s'entendent carrément plus. Comme dans les divorces, si certaines personnes arrivent à régler leurs différends rapidement et sans heurts, généralement en négociant la vente des parts d'un des associés à l'autre ou à un tiers, des conflits éclatent dans beaucoup de cas. Un phénomène qu'illustre parfaitement le conflit public de Pierre et Sylvain.
L'aventure Vilebrequin avait pris fin en décembre 2023 par une vidéo intitulée sans équivoque « C'est fini ». Les deux trublions de l'automobile devaient, semblent-ils, rester en bons termes. Mais dans le courant de l'été 2024, Pierre Chabrier a publié une vidéo dans laquelle il accuse Sylvain Levy d'une certaine malhonnêteté. Le 10 janvier, après un long silence, ce dernier a publié une longue réponse. Celle-ci a rapidement enflammé les réseaux sociaux, totalisant plus de 8 millions de visionnages en trois jours. Pierre a répondu à son tour dans un live sur Twitch quelques heures plus tard.Mais que se reprochent les deux associés ?Dans cette série de vidéos, chacun des deux protagonistes a présenté sa version des faits sur leur séparation et surtout sur leur conflit d'associés à la tête de la société AMP Holding, mêlant les fans de Vilebrequin à leurs enjeux financiers, juridiques et relationnels.En août, Pierre Chabrier avait ainsi accusé publiquement Sylvain Levy de comportements abusifs, aggravé à la suite du rachat litigieux du « 1000tipla » de 1000 chevaux, le véhicule emblématique financé par leur communauté à hauteur d'un million d'euros en 2020. Pierre affirme que Sylvain a acquis la voiture à un prix qu’il estime inférieur à sa véritable valeur, sans qu’il ait été consulté ou informé au préalable. Ce geste, qualifié de « trahison », est présenté comme une manœuvre unilatérale et injuste.Dans sa réponse, Sylvain réfute ces accusations, expliquant avoir racheté le véhicule 132 000 euros en s'appuyant sur une expertise réalisée par un professionnel indépendant. Selon lui, l'acquisition était justifiée par la nécessité de préserver cet actif stratégique, alors que Pierre avait déjà racheté une Volkswagen Phaeton à la société. Il conteste fermement les affirmations de Pierre selon lesquelles ce rachat aurait été dévalué ou malveillant.Dans sa réponse sur Twitch, Pierre maintient qu'il se sent lésé, car après intégration des taxes et une fois la répartition du montant entre actionnaires réalisée, le montant net qui lui revient s'élève à seulement 55 000 euros. Un phénomène normal : compte tenu du fait que les 2 associés sont propriétaires de 50 % de la société chacun, la somme est partagée à parts égales. Il faut en effet bien comprendre que c'est à la société en tant qu'entité juridique séparée que Sylvain a racheté la voiture. Pierre reproche cependant à son associé de ne pas avoir communiqué clairement sur ces ajustements.
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Un autre point de tension majeur concerne un chèque de banque, représentant vraisemblablement l’intégralité de la trésorerie d’AMP Holding. Sylvain accuse Pierre d’avoir retiré les 232.000 euros, mettant l’entreprise dans une position critique et empêchant notamment le règlement d’une dette fiscale de 92 000 euros. Un chèque de banque permet en effet de séquestrer de l'argent sur un compte détenu par la banque, et seul le bénéficiaire inscrit sur le chèque peut l'encaisser. Dans ce cas, le bénéficiaire est semble-t-il AMP Holding elle-même : Pierre n'a donc pas volé l'argent, celui-ci reste séquestré à la banque au nom de la société. Reste qu'en attendant de trouver une issue au conflit, personne ne peut y toucher.Sur Instagram, Pierre apporte plus de précisions, mais porte de nouvelles accusations contre son associé : « le siège social a reçu le chèque suite des mouvements bancaires initiés par Sylvain que notre banque a estimé comme suspect et celle-ci a clôturé notre compte », explique-t-il. « Sylvain a donc exigé un virement de l’intégralité de la somme du compte Vilebrequin sur notre nouveau compte créé par ses soins sans m'en informer. Notre banque a refusé d’effectuer ce virement en le déclarant non légitime et a décidé sans nous laisser le choix d’envoyer un chèque au siège social (redirigé chez moi depuis 5 ans, en accord avec Sylvain). » Pierre ajoute que ce chèque est resté en sa possession et qu’un nouveau compte devra être ouvert d’un commun accord pour permettre son dépôt.Un document bancaire présenté par Pierre sur Twitch apporte davantage de contexte. Ce courrier du LCL indique que les mouvements bancaires enregistrés révèlent un « fonctionnement anormal » du compte, en raison « d’instructions contradictoires liées au désaccord entre associés ». Mais un élément troublant relevé par les internautes est que ce chèque aurait été « rejeté pour signature non conforme », un détail qui illustre le degré de dysfonctionnement dans la gouvernance de la société. Ce rejet met en lumière l’incapacité des deux associés à parvenir à un accord sur la gestion des fonds, aggravant ainsi le conflit.
Cette série d’accusations croisées, accompagnée de preuves documentaires et de contre-arguments, illustre la complexité d’un partenariat qui s’est détérioré jusqu’à devenir ingérable. L’absence de communication claire, les décisions unilatérales et le manque de mécanismes pour résoudre les désaccords ont transformé ce différend interne en une crise publique, compromettant non seulement leur relation, leur image publique mais aussi la stabilité de leur entreprise.Ce conflit est particulièrement révélateur des tensions qui peuvent survenir au sein de la gouvernance des sociétés. Au cœur de cette querelle se trouve AMP Holding, la structure juridique qui porte les activités de Vilebrequin. Cette société, une SAS (Société par Actions Simplifiée), a été créée avec une répartition égalitaire des pouvoirs et des responsabilités entre ses deux associés.Sylvain Levy, président d’AMP Holding, et Pierre Chabrier, directeur général, disposent, selon les statuts de la société, des mêmes pouvoirs exécutifs. La structure sous forme de SAS, qui permet une grande flexibilité, leur donne, en l'absence de précision contraire dans les statuts, la possibilité d’engager la société individuellement sans avoir à consulter l’autre. Cette liberté, bien qu’efficace dans un contexte de confiance mutuelle, s’est révélée être une source de conflit lorsque les visions des deux dirigeants ont commencé à diverger. Le conflit s’est cristallisé autour du « 1000tipla », une Fiat Multipla modifiée, financée par leur communauté, et devenue un symbole de la chaîne, puis de la gestion des fonds de l'entreprise.
Cette situation met en évidence plusieurs erreurs structurelles dans la gestion d’AMP Holding. Tout d’abord, l’absence apparente d’un pacte d’associés clair a privé les deux dirigeants d’un cadre formel pour régler leurs différends. Un tel document aurait permis de définir des règles précises sur la gestion des actifs stratégiques, la prise de décisions financières majeures et les procédures à suivre en cas de désaccord. Mais à côté de cela, la transparence financière semble avoir été insuffisante, comme en témoignent les accusations de retrait de fonds et l’absence de communication préalable autour des décisions clés. La confiance entre les deux associés, essentielle dans toute entreprise, s’est progressivement érodée au point de devenir un véritable point de rupture.L’affaire Vilebrequin illustre les risques inhérents à une gouvernance partagée sans garde-fous, mais elle offre aussi des leçons importantes pour les entrepreneurs. Dès la création d’une société, il est important de clarifier les statuts et de définir des responsabilités adaptées à la vision et aux objectifs des associés. Dans une structure comme une SAS, où les dirigeants peuvent disposer de pouvoirs équivalents, des mécanismes de concertation doivent être mis en place pour éviter les décisions unilatérales sur des sujets stratégiques. Un pacte d’associés peut compléter les statuts en apportant une structure plus détaillée sur la prise de décisions et en introduisant des procédures d’arbitrage en cas de désaccord.
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