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Les levées de fonds spectaculaires continuent à faire rêver : pourtant, loin d'être la norme, elles constituent en réalité une exception. Et si l'on repensait notre rapport à l'entrepreneuriat et notre vision du succès ?
Précipitée par le resserrement des politiques monétaires, la chute des levées de fonds entamée à l’été 2022 a mis fin à une longue période d’argent facile. Ainsi, à la fin de l’année 2023, seules 36 levées de fonds ont dépassé la barre des 100 millions de dollars en Europe, contre 163 en 2022 et 198 en 2021. L’augmentation des taux d’intérêt a rendu l’argent plus cher et accentué la frilosité des investisseurs, qui préfèrent désormais se tourner vers des placements moins risqués.L’occasion de se tourner vers un modèle différent, qui ne serait pas basé sur la recherche de la croissance et de la rentabilité à tout prix. En effet, le schéma qui a longtemps prévalu dans le milieu de l’entrepreneuriat se concentre presque uniquement sur un horizon court terme, parfois aux dépens de toute perspective de pérennité économique. Combien de licornes (startups valorisées à plus d’un milliard de dollars) ont-elles malheureusement fait faillite, comme WeWork ou Convoy ?Selon l’Insee, 1 051 500 nouvelles entreprises ont été créées en France en 2023. Un signe positif de dynamisme et d’innovation, qui ne doit pas faire oublier le revers de la médaille : 40 % des entreprises échouent dans les cinq premières années de leur vie. Pour les startups, le taux d’échec serait même situé entre 75 et 80 % !
Le slow entrepreneuriat vise donc à développer son activité en conscience, sans objectifs démesurés de croissance ou de rentabilité, en se concentrant sur la création de produits et de services qui répondent à un véritable besoin.Cette approche encourage à faire « moins, mais mieux », tout en reconsidérant son impact (sur les consommateurs, sur l’environnement, sur le territoire…). Ici, la performance n’est plus seulement mesurée par le chiffre d’affaires, mais aussi au regard de critères sociétaux et environnementaux. L’entreprise se construit sur le long terme, dans une logique de qualité plutôt que de rentabilité à tout prix.C’est l’occasion de trouver de nouveaux leviers de croissance et d’innovation, qui ne se traduisent pas nécessairement par une performance financière, mais aussi par l’acquisition de compétences, la construction d’une réputation solide, ou encore l’amélioration des relations avec les partenaires commerciaux.
Les levées de fonds ne sont pas les seuls moyens, pour une jeune entreprise, de se financer. Love money (argent collecté auprès des proches), aides, prêts d’honneur, prêts bancaires, ou tout simplement autofinancement, les solutions ne manquent pas. Certes, la croissance de l’entreprise sera probablement moins rapide, et sa trajectoire moins linéaire. Mais cela ne veut pas dire que celle-ci sera moins solide ou moins pérenne. Maîtriser sa croissance, c’est aussi garder la maîtrise de sa société (puisqu’il n’y a pas de dilution du capital), et limiter les risques d’implosion.À ce titre, une étude réalisée par la plateforme ScaleX Invest a montré que 70 % des startups françaises ayant fait faillite en 2023 avaient levé des fonds au cours des trois dernières années. On peut donc en tirer la conclusion suivante : une croissance trop rapide n’est pas nécessairement bénéfique (au contraire ?), et les levées de fonds n’ont rien d’un passage obligé, puisqu’elles ne constituent pas une garantie de succès.Le bootstrapping, terme qui désigne le fait d’utiliser ses propres ressources pour financer le développement de son entreprise, ne doit donc pas être considéré comme un pis-aller, mais bien comme une véritable opportunité. Celle de développer son activité sans pression accrue ni incitation à développer des stratégies de croissance agressives, et de se concentrer non pas sur la quantité, mais sur la qualité.Mais aussi, et c’est peut-être le plus important, d’envisager une potentielle levée de fonds une fois que l’entreprise s’est stabilisée et dispose de belles perspectives de croissance.
A propos de l'auteur Juriste de formation, Caroline Février est rédactrice spécialisée en droit et finances personnelles.