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Habités d'une fibre philanthropique, les dirigeants sont toujours plus nombreux à reverser une partie des bénéfices de leur entreprise au profit de causes d'intérêt général. Plusieurs dispositifs permettent d'engager de telles stratégies, vertueuses à divers titres. Article extrait du magazine print Idéal Investisseur n°3.
En France, le mécénat se porte plutôt bien. Dans l’édition 2024 de son baromètre de référence, l’association Admical recense quelque 172 000 entreprises engagées dans cette démarche. Deux ans plus tôt, elles n’étaient « que » 108 000, soit une progression de près de 60 % sur la période. Quant au montant estimé des dons versés, il est passé, depuis 2022, de 2,3 milliards d’euros environ à 3,8 milliards d’euros (+ 65 %). Ces performances reflètent, selon Yann Queinnec, délégué général d’Admical, « l’ancrage de plus en plus fort du mécénat dans les stratégies d’engagement des entreprises, grandes et petites, et leur volonté d’agir pour l’intérêt général ».
Il faut dire qu’elles ont beaucoup à y gagner. Sur un plan humain, d’abord. De fait, la mise en œuvre d’actions philanthropiques se traduit le plus souvent par une implication des salariés, de nature à les fidéliser. Récemment éditée par Les entreprises pour la Cité, le Centre français des Fonds et Fondations et EY Services France, la sixième édition du Panorama des fondations et fonds de dotation créés par des entreprises mécènes souligne en effet que, pour ces dernières, le mécénat représente un enjeu d’engagement des collaborateurs « fort » ou « moyen » dans respectivement 51 % et 32 % des cas. « Vis-à-vis des jeunes générations, en quête de sens et de plus en plus en attente de telles initiatives, le mécénat constitue un formidable levier pour travailler sa marque employeur et, ainsi, retenir des talents et en attirer de nouveaux », estime Kathleen Mc Leod Tremaux, avocate, directrice associée du département Économie sociale et solidaire d’EY Société d’Avocats. De même, il peut aussi peser favorablement auprès des prospects et des partenaires commerciaux, clients comme fournisseurs. Enfin, l’intérêt est également fiscal. Que l’entreprise soit soumise à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés, elle bénéficie d’une remise correspondant à 60 % du montant du don pour la fraction inférieure ou égale à 2 millions d’euros, et à 40 % pour la part du don supérieure à 2 millions d’euros – dans la limite, cependant, sur un même exercice, d’un plafond de 20 000 euros ou de 0,5 % du chiffre d’affaires annuel hors taxe.
Pour un chef d’entreprise désireux de déployer une politique de mécénat, le champ des possibles est, en France, particulièrement large. Privilégiée par la plupart des dirigeants de start-up, de TPE et de PME, la première voie, classique, repose sur l’octroi de dons aux associations et/ou sur le lancement d’actions spécifiques au profit d’une association. C’est l’approche qu’a par exemple retenue la société de restauration Compose - Cantine sur mesure (11 millions d’euros de chiffre d’affaires). Très engagée en matière de RSE et soutenant déjà une association depuis quelques années, celle-ci vient de nouer un contrat de mécénat avec l’Union pour l’Enfance. Un menu spécial a ainsi été élaboré, dont 30 centimes du prix de vente sont reversés à l’association. « J’ai trouvé intéressant de lancer une telle opération qui, non seulement participe à un projet sociétal, mais permet aussi à nos clients de le soutenir – un code QR présent sur le menu renvoie vers le site internet de l’Union pour l’Enfance », témoigne Yann Tanguy, directeur général de Compose. Cette approche basée sur les dons directs a le mérite de la simplicité. Toutefois, en fonction des ambitions du mécène, elle peut rapidement atteindre ses limites, que ce soit en matière de visibilité sur les actions menées, d’évaluation de leurs impacts ou de communication. Ce faisant, un nombre croissant d’entrepreneurs et de groupes soit complète ce modus operandi, soit lui préfère la création d’un véhicule dédié. Selon le Panorama des fondations et fonds de dotation créés par des entreprises mécènes, l’Hexagone compte près de 7 400 structures de ce type, dont 861 créées par des entreprises. Dans ce domaine, les options sont multiples puisqu’« il n’existe pas moins de huit déclinaisons de fondations permettant à une entreprise de faire du mécénat, dont chacune a ses propres caractéristiques juridiques », informe Stéphane Couchoux, avocat-directeur associé, responsable national du secteur « Fondations, Mécénat & Entreprises à impact » au sein du cabinet Fidal Avocats. Sur ces huit options, certaines sont très spécifiques, à l’instar des Fondations engagées pour l’accès à l’enseignement supérieur ou des Fondations reconnues d’utilité publique (FRUP). Dans les faits, trois d’entre elles ont dès lors les faveurs d’une majorité d’entreprises mécènes.
La première est la « fondation abritée », également appelée « fondation sous égide ». Moins lourde à créer, elle opère, comme son nom l’indique, sous l’égide d’un établissement dit « abritant » qui est le seul à posséder la personnalité morale. « Dans la mesure où elle est totalement assujettie au régime de la fondation abritante, la fondation abritée dispose d’une liberté et de moyens de contrôle limités », fait remarquer Stéphane Couchoux. « Pour autant, cette solution est intéressante dans le sens où elle permet à l’entreprise mécène de tirer profit de l’expertise de la structure qui l’héberge et des services qu’elle fournit, par exemple en matière d’administration et de gestion des flux d’argent. » Alors que la fondation abritée peut être créée pour une durée pérenne ou déterminée, sa dotation s’établit en règle générale dans une fourchette comprise entre 150 000 et 200 000 euros. En 2024, le nombre de ces structures fondées par des entreprises avoisinait 130, d’après le décompte du Panorama. Parmi les principales fondations abritantes sur lesquelles les entreprises peuvent s’appuyer, on retrouve par exemple la Fondation de France, l’Institut de France, la Fondation Caritas France ou encore la Fondation du patrimoine. La deuxième forme juridique la plus prisée est le fonds de dotation (FDD). Apparu en 2008, celui-ci est également aisé et rapide à déployer. « Les modalités sont identiques à celles d’une association loi de 1901 », pointe Kathleen Mc Leod Tremaux. Ce faisant, une déclaration en préfecture suffit, tandis que les exigences sur le front de la gouvernance sont restreintes. « Le fonds de dotation doit uniquement être doté d’un conseil d’administration, comprenant au minimum trois membres », ajoute Stéphane Couchoux. Une somme plancher de 15 000 euros doit être versée au titre de la dotation initiale. Facteur important, le FDD peut percevoir, au même titre que la FRUP, toutes formes de dons, y compris venus de l’externe. Le panorama 2024 dressé par Les entreprises pour la Cité, le Centre français des Fonds et Fondations et EY Services France en dénombre 274. Enfin, la troisième structure en vogue chez les entreprises concerne la fondation d’entreprise, dont le nombre s’établit à 442 selon l’étude précitée. Celle-ci ne peut être mise en place que pour une durée minimale de cinq ans – pour aller au-delà, une demande de prolongation de la durée d’existence doit être effectuée – et doit reposer sur un programme d’action pluriannuel d’au moins 150 000 euros. « Ce montant doit par ailleurs être sécurisé au travers de garanties bancaires », précise Stéphane Couchoux. Contrairement au FDD, la fondation d’entreprise ne peut financer des projets d’intérêt général qu’avec l’argent de son ou de ses fondateurs. « Tout comme le fonds de dotation, la fondation d’entreprise peut en compter plusieurs », relate Kathleen Mc Leod Tremaux. « Ouvrant la possibilité de faire du mécénat collectif, cette flexibilité est particulièrement bienvenue pour les entreprises de petite taille qui s’engagent dans une démarche philanthropique. » Le recours à cette structure tend enfin à être plus contraignant, la présence d’au moins un tiers de personnalités qualifiées au sein du conseil d’administration étant requise. De plus, la fondation d’entreprise a l’obligation d’établir chaque année un bilan, un compte de résultat et une annexe, et l’impératif de nommer au moins un commissaire aux comptes.
En fonction de l’approche entérinée par le mécène, les marges de manœuvre et les contraintes pourront donc varier sensiblement. Mais avant de déterminer le dispositif choisi, les praticiens recommandent de focaliser les réflexions sur l’objectif recherché par le dirigeant et les moyens qu’il entend allouer. Ce n’est qu’à l’issue de ce travail de fond que la forme la plus pertinente se dégagera. « Rêvez votre projet de mécénat. Charge ensuite aux techniciens de le mettre en musique », résume Kathleen Mc Leod Tremaux.
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