Sortie le 7 novembre
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Presque oubliée avec la crise du coronavirus, la réforme des retraites ressurgit. Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire l'a qualifiée de « priorité absolue », avant d'être tempéré par Jean Castex.
La réforme des retraites avait particulièrement agité la France à l'automne 2019. Le gouvernement avait alors lancé un projet de « retraite universelle », qui prévoyait notamment l'instauration d'un système par points et la fin des régimes spéciaux. Le sujet avait vivement inquiété les syndicats ainsi que de nombreux actifs, salariés, fonctionnaires, indépendants et professions libérales. Outre la réforme elle-même, beaucoup pointaient son manque de préparation et l'impossibilité de mesurer les conséquences sur le niveau des futures pensions. Ce projet de réforme avait ainsi provoqué de grandes grèves à travers le pays, dont la paralysie des transports pendant près d'un mois. Certains qualifient aujourd'hui ce mouvement social comme le plus important de l'Histoire de France par sa durée. A l'Assemblée nationale, l'opposition avait déposé plus de 40.000 amendements, paralysant le processus de vote. Le texte avait finalement été adopté en force, avec le recours à l'article 49.3* de la Constitution. Conformément aux procédures de vote des lois, la réforme des retraites devait ensuite être débattue au Sénat en avril 2020, et les premières mesures entrer en vigueur en 2025. Mais le calendrier n'a pas pu être maintenu à cause de l'épidémie de Covid-19.
La réforme des retraites avait donc été mise entre parenthèses pendant plusieurs mois, voire même presque oubliée face à la situation sanitaire et économique hors normes. Le sujet a cependant été relancé samedi 28 novembre par le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, qui, dans une interview donnée au journal Le Parisien, l'a qualifié de « priorité absolue ». Le projet de loi, qui avait fait naître de si grandes tensions à travers le pays, peut-il être relancé alors que la crise sanitaire n'est pas achevée et que la crise économique ne fait que commencer ? Le sujet a en tous cas immédiatement fait bondir les syndicats. Laurent Berger, à la tête de la CFDT, dit redouter une « explosion sociale » si le gouvernement persiste dans cette voie. « C'est complètement inapproprié », a-t-il indiqué mardi sur Europe 1, « on ne va pas rajouter des tensions ».
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Tous les membres du gouvernement ne sont pas pour une relance immédiate de la réforme des retraites. Interrogée dimanche 30 novembre sur France 3, la ministre du Travail Elisabeth Borne n'est pas convaincue. « La priorité absolue, c'est de sortir de la crise sanitaire, économique, social, de protéger les emplois, c'est la vie unanime des partenaires sociaux ». Un avis que partage le ministre des Relations avec le Parlement Marc Fesneau : « Que les gens puissent sortir de la précarité dans laquelle ils sont en train de s'enfoncer, c'est ça la priorité et pas autre chose », a-t-il expliqué lundi sur France Inter. Face au désaccord qui fracture publiquement son gouvernement, le Premier ministre a dû se prononcer mardi. Il présente néanmoins un avis mitigé. Selon les informations recueillies par Le Figaro, Jean Castex pense que la priorité est de lutter contre la crise, bien que la réforme des retraites reste nécessaire.
La réforme du système de retraites et le financement de la dépendance devaient être les réformes phares du quinquennat d'Emmanuel Macron. À 15 mois de l'élection présidentielle, il doit donc choisir entre continuer sa politique conformément aux engagements qu'il avait pris (programme sur lequel il a été élu mais qui reste l'objet de nombreuses contestations), ou ménager la société à l'aube d'une période délicate. Dans ce contexte, Bruno Le Maire a-t-il été envoyé pour tester l'opinion ? La technique du « ballon d'essai » est en effet courante en politique. Elle consiste à envoyer un message repris par de nombreux médias, afin de recueillir rapidement les avis sur une question qui fait débat et mesurer le degré de crispation. L'objectif étant ensuite de prendre une décision en fonction des réactions suscitées. A ce stade, la réforme a officiellement été reportée et n'est en aucun cas abandonnée. Compte tenu des levées de boucliers et des démentis de la part des membres du gouvernement, le projet pourrait être profondément modifié.
La réforme du système de retraite est un sujet qui revient très régulièrement depuis des années. En France, il fonctionne « par répartition ». L'argent cotisé par les actifs sert à financer la pension des retraités. Lorsque le nombre d'actifs est beaucoup plus important que le nombre de retraités, le système est stable et pérenne. Dans les années 1960, la pension de retraite d'une personne était financée par 4 actifs. Le problème est que le nombre d'actifs n'a cessé de baisser tandis que le nombre de retraités a continuellement augmenté. En 2019, il n'y avait plus que 1,7 actif pour financer la pension d'un seul retraité. Et cela ne va pas en s'arrangeant : en 2050, les prévisions sont de 1,2 actif pour 1 retraité. Autrement dit, les cotisations d'une seule personne devront financer presque intégralement la retraite d'une autre personne. Dans les faits, c'est difficilement tenable. Face à ce constat, la plupart des acteurs de l'économie (État, syndicats, entreprises, particuliers...) s'accordent sur la nécessité d'une réforme. Mais les immenses divergences qui subsistent concernent la manière de modifier le système pour le pérenniser.