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Ce n'est pas la première fois que les dispositifs fiscaux favorisant l'investissement immobilier sont remis en cause par un rapport officiel. Cette fois, c'est au tour de la Commission Action Publique 2022 (CAP 22) de préconiser la suppression des régimes d'exception.
La remise en cause des avantages fiscaux liés à la pierre est une thématique récurrente. Néanmoins les lois fiscales se succèdent, chacune avec leurs subtilités propres, prolongeant chaque fois le sursis. Jusqu'à ce qu'un jour, le couperet finisse par tomber. Composée d'une quarantaine d'experts et présidée notamment par Valérie Bedague, secrétaire générale du promoteur Nexity, la commission CAP 22 a notamment été chargée à l'automne dernier par le Premier ministre Edouard Philippe d'effectuer des préconisations quant à la baisse des dépenses publiques. Dans son rapport publié fin juillet, la politique du logement fait l'objet d'un volet et de préconisation spéciales. L'objectif de la commission sur ce point : économiser environ 3 milliards d'euros d'ici 2022 et donner un cadre juridique et fiscal clair et stable à l'investissement. Dans le viseur : la loi Pinel (héritière d'une longue série de lois de défiscalisation), le principe du déficit foncier, ou encore la location meublée non professionnelle (LMNP).
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Le déficit foncier permet de déduire les charges notamment liées à la rénovation des biens immobiliers anciens. En cas de lourdes charges, ce dispositif permet de créer un déficit jusqu'à 10.700 euros sur la catégorie des revenus fonciers, et donc de faire baisser son revenu global et l'impôt à payer. Dans ce cadre, la commission CAP 22 propose d'interdire « l’imputation des déficits fonciers sur les autres revenus catégoriels ». Dans le même temps, « ces déficits resteraient imputables uniquement sur les bénéfices fonciers ultérieurs ». Autrement dit, exit la création d'un déficit foncier. Les charges seraient toujours imputables sur les revenus fonciers jusqu'à déclarer 0 euros, mais il ne serait plus possible de venir réduire son revenu global.
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La commission estime que dans les zones tendues, les lois de défiscalisation ont pour effet majeur d'augmenter les prix plus que d'augmenter l'offre. « Dans ces zones, les propriétaires fonciers ou immobiliers peuvent augmenter le prix de vente de leurs terrains car la demande est abondante et solvabilisée par l’aide publique. Ainsi, d’un côté, ils captent l’aide publique qui se transforme pour eux en rente et de l’autre, ils créent de l’inflation. L’empilement des dispositifs, qu’ils visent à soutenir l’offre ou la demande, vient alors alimenter la hausse des prix immobiliers et fonciers qu’ils sont censés compenser », peut-on lire dans le rapport. La commission propose donc de supprimer les régimes d'incitation fiscales dédiés à l'investissement locatif. Première visée, la loi Pinel. Rappelons que cette loi, en vigueur depuis 2014, permet de bénéficier sous conditions d'une réduction d'impôts pouvant aller jusqu'à 21% du prix d'un bien immobilier acheté neuf, étalée sur 12 ans. Comme toutes les lois la précédant, un des objectifs est de créer un « choc de l'offre » afin d'augmenter le nombre de logements et mécaniquement de baisser les prix. Néanmoins les zones tendues souffrent par définition de la raréfaction des opportunités foncières... et donc de la cherté des terrains constructibles et des prix élevés. Sous les deux quinquennats précédents, les gouvernements avaient déjà tenté de réduire les aides à la pierre. Dès 2011, la loi Scellier avait été revue et la réduction avait subi un coup de rabot. En 2014, la loi Duflot, plus contraignante, avait littéralement fait fuir les particuliers investisseurs. D'après les chiffres de la fédération des promoteurs immobiliers, les ventes d'immobilier neuf pour de l'investissement locatif avaient baissé de moitié entre 2010 et 2013.
La baisse des ventes d'immobilier neuf provoquée par les changements de dispositifs fiscaux pose toujours un casse-tête au sommet de l'Etat. D'une part, les logements neufs sont imposés à la TVA au taux de 20%. Or, des ventes en moins, ce sont des recettes fiscales immédiates en moins. D'autre part, le BTP se trouve toujours impacté lourdement par des mesures restrictives. Secteur clé pour l'économie française, la filière construction représente 8% du PIB français et 1,8 millions d'emplois d'après la Fédération Française du Bâtiment. Moins de recettes fiscales et plus de chômage, voici une équation redoutée qui mène à la succession des lois de défiscalisation. C'est probablement pour compenser ces éventuels effets néfastes que la commission propose de procéder à « la création d'un régime de droit commun unique pour les investisseurs autorisant la déduction des charges de propriété et d'un amortissement ». L'amortissement est un principe comptable notamment utilisé en immobilier dans le cadre de la location meublée. Assez compliqué à mettre en place sans expert-comptable, il n'en reste pas moins un mécanisme intéressant puisqu'il permet de réaliser d'importantes économies d'impôts, grâce à la déduction d'une fraction du prix du bien des revenus pendant une certaine durée. En fonction de son mode d'application, ce procédé pourrait avoir comme conséquence d'offrir une meilleure lisibilité aux particuliers.
D'autres propositions sont formulées concernant la politique du logement, comme le fait de « transférer les compétences d’aides à la pierre aux collectivités », « calculer l’aide personnalisée au logement (APL) selon la nature des revenus », « élargir le régime du micro-foncier à une assiette de recette de 30.000 euros en augmentant la taxe forfaitaire de déduction de 35% ». Par ailleurs certains objectifs ne font pas l'objet de propositions concrètes, comme le fait d'augmenter le nombre de permis de construire grâce au transfert de la compétence à l'échelle intercommunale, ou « la réhabilitation des logements anciens afin de permettre aux ménages de réinvestir ces logements de centre urbain et de limiter l’étalement urbain ».
Le rapport de la CAP 22 ne s'arrête pas au logement, puisqu'il propose en tout 22 axes de réformes pour rendre les politiques publiques plus efficaces : éducation, justice, santé, prestations sociales, cohésion des territoires, transports, emploi, salaires des fonctionnaires, réduction des effectifs de l'administration fiscale... Certaines sont déjà en cours de réflexion : dans un communiqué du 2 août, Matignon indiquait avoir réuni les acteurs de l'Education Nationale et les membres de la commission CAP 22, tandis que le Ministère planche depuis mai 2017. Concernant l'immobilier, reste à savoir quels seront les impacts lors de la proposition de loi de Finances pour 2019 qui interviendra à l'automne prochain.
Pour consulter l'intégralité du rapport : Rapport CAP 22