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La campagne des élections européennes a mis en avant la notion de « protectionnisme », un mot pourtant tabou jusqu'à récemment. Les tensions au niveau du commerce mondial et la montée des inquiétudes des peuples face à la mondialisation ont replacé ce thème au centre du débat public.
Le modèle du libre-échange aurait-il fait son temps ? Les nombreuses tensions commerciales qui apparaissent dans le monde sont en tout cas un indice qui pourrait le laisser croire. Donald Trump, qui mène en ce moment une guerre commerciale à la Chine, a d'ailleurs été élu en partie grâce à sa conception du protectionnisme américain. Le protectionnisme est à l'opposé du libre-échange. C'est une politique qui consiste à favoriser l'économie locale face à la concurrence étrangère, grâce à la mise en place de barrières douanières ou juridiques. Par exemple, surtaxer l'aluminium et l'acier étrangers comme l'ont fait les États-Unis, ou mettre au point des normes drastiques qui freinent les importations. En novembre dernier, la Tribune rapportait que « les plus grandes économies mondiales ont imposé 40 nouvelles barrières commerciales entre la mi-mai et la mi-octobre ». Roberto Azevedo, directeur général de l'Organisation Mondiale du Commerce, déclarait que « si nous continuons dans la voie actuelle, les risques économiques augmenteront, avec des conséquences possibles sur la croissance, l'emploi et les prix à la consommation dans le monde entier. » Car si le protectionniste est « mal-vu », c'est qu'il est synonyme de régression économique et d'appauvrissement selon bien des analystes.
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Pour de nombreux économistes, le protectionnisme est synonyme de repli sur soi, de crise économique, voire de guerre. En effet, c'est selon eux le libre-échange qui génère de la croissance partout dans le monde, en permettant aux entreprises de s'étendre à l'international, d'augmenter leur production et de faire des économies d'échelles. Ces analystes pensent que par conséquent, le libre-échange est un facteur qui permet de baisser les coûts de production mais aussi d'augmenter le profit des entreprises. En parallèle, la concurrence accrue, puisque mondiale, stimule la recherche et le développement de nouveaux produits et de nouvelles technologies. Si l'on prend l'exemple simplifié, les capacités de production énormes de la Chine ont permis à l'Europe de s'équiper en produits électroniques à bas coût (ordinateurs...). Cela a favorisé le développement d'autres secteurs de l'économie européenne nécessitant l'utilisation en masse de ces équipements. L'industrialisation de la Chine a également fait progresser le niveau de vie d'un grand nombre de Chinois, qui aujourd'hui consomment aussi des produits que l'Europe exporte ou voyage sur le continent. En clair, chacun a contribué à une part de la croissance de l'autre. Mais le système du libre-échange repose sur une certaine dose de réciprocité. Si un pays se ferme en érigeant des barrières, les autres pays risquent de lui fermer leurs portes en représailles. Le protectionnisme peut donc mener un pays à se priver de certains produits ou progrès, tout en perdant des débouchés pour ses propres produits. Le risque est que l'économie locale ralentisse, que les prix augmentent et que naissent des difficultés économiques et sociales. Dans un rapport sur l'économie mondiale de 2018, le FMI écrivait que « la plupart des économistes conviennent qu'une augmentation des obstacles au commerce réduirait la production globale et pèserait sur la prospérité ». Un an plus tôt, 25 prix Nobel d'économie joignaient leur signature à une tribune fustigeant le protectionnisme : « les politiques isolationnistes et protectionnistes et les dévaluations compétitives, toutes menées au détriment des autres pays, sont de dangereux moyens d'essayer de générer de la croissance. »
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Les économistes sont également critiques envers le libre-échange. Selon Angus Deaton, prix Nobel d'économie en 2015, l'élection de Dondal Trump et le Brexit « sont le résultat d'une mauvaise gestion de la mondialisation » qui laisse de plus en plus d'habitants de pays riches sur le carreau, « exaspère les populations, accroît les inégalités ».
Synonyme d'isolement et de ralentissement, le « protectionnisme » était jusqu'à récemment, presque un gros mot : pour Nicolas Sarkozy, c'était « une très mauvaise chose ». Pour François Hollande, « la pire des réponses ». Pour Emmanuel Macron, « le protectionnisme c'est la guerre ». En réalité les idées de ces trois Présidents ont toujours été plus nuancées. Si le mot protectionnisme est rarement dans leur vocabulaire, le premier a proposé de « refonder l'espace Schengen », le deuxième a appelé l'Asie à une « concurrence loyale », et le troisième a fait le souhait d'une « une Europe qui protège (...) et qui ose défendre ses intérêts et ses valeurs dans le monde ». Un protectionnisme discret, mesuré et sélectif en somme. Les peuples semblant de plus en plus inquiets, voire hostiles à la mondialisation, le mot tabou a fait son grand retour dans les discours politiques, notamment durant les élections européennes. La plupart des têtes de liste ont axé une partie de leur campagne sur ce thème, et pas seulement le Rassemblement National. Les écologistes ont parlé de « protectionnisme vert », Les Républicains d'un « protectionnisme intelligent », la France Insoumise de « protectionnisme solidaire », le Parti Socialiste de « protectionnisme aux frontières de l'Union européenne ». Chacun illustrant la volonté d'une partie des Français d'être mieux protégé face à la concurrence étrangère. Au-delà du vocabulaire, le protectionnisme est une affaire d'équilibre. Les excès du libre-échange sont tout aussi délétères que l'isolement. La mission de la politique est donc de savoir où placer le centre de gravité.
Hors de ses frontières, bien qu'elle soit régulièrement accusée d'être naïve (ou « idiote du village » selon les mots d'Arnaud Montebourg), l'Union Européenne pratique une politique de droits de douane ciblée, protégeant les secteurs qu'elle estime stratégique (notamment en agriculture). Elle met également en place des normes de haut niveau. L'établissement de règles au sein de l'Union Européenne fait également débat. En France, dans un contexte de ras-le-bol fiscal, il reste difficile d'expliquer que des entreprises licencient pour partir s'installer dans des pays européens où la fiscalité est plus légère et le coût du travail moins élevé. La question de l'harmonisation fiscale européenne est donc régulièrement posée.