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Lutte contre la fraude fiscale : la France mauvaise élève

Sollicitée en mai par le Premier ministre pour évaluer la fraude fiscale, la Cour des comptes a rendu, ce 2 décembre, un rapport cinglant à l'adresse de l'État. Les magistrats pointent du doigt son inefficacité en matière de lutte contre les fraudeurs, et même une baisse continue des recouvrements depuis 2013. Le Gouvernement n'a pas tardé à réagir au moyen d'un communiqué.

Temps de lecture : 3 minute(s) - Par C Dulary | Mis à jour le 03-12-2019 19:12:00 | Publié le 03-12-2019 09:41  Photo : (c) Cour des comptes rue Cambon, WikiCommons  
Lutte contre la fraude fiscale : la France mauvaise élève

Le montant réel de la fraude fiscale est impossible à évaluer

Le portrait brossé n'est pas des plus reluisants. En mai dernier, Édouard Philippe chargeait la Cour des comptes de « dresser un état des lieux de la fraude fiscale et de son montant en proposant un chiffrage dont la méthode pourrait être reproduite dans l'avenir pour suivre l'évolution du phénomène dans le temps ». Un exercice bien difficile dans le temps imparti, selon les magistrats.

« La fraude constitue un phénomène complexe, multiforme et en constante évolution. Du fait de l'absence de tout chiffrage en matière fiscale et de la lourdeur des travaux à réaliser, une estimation globale et robuste de l'ensemble de la fraude aux prélèvements obligatoires était impossible à établir en quelques mois. », peut-on lire dans le rapport.

La Cour a néanmoins pu établir un ordre de grandeur en matière à la fraude à la TVA avec le concours de l'INSEE, qu'elle estime à « une quinzaine de milliards d'euros ». Pour les cotisations sociales, les magistrats évoquent un potentiel de 8,5 milliards d'euros selon une étude de l'Acoss (Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale) datée de 2018. Un chiffre qui lui semble cependant inférieur à la réalité, puisque le périmètre de cette analyse est, selon elle, réduit.

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La France en retard en matière de lutte contre la fraude fiscale

Selon la Cour des comptes, les actions entreprises par la France sont insuffisantes contre les fraudeurs fiscaux.
Alors que « de nombreux pays ont chiffré la fraude et cherché à calculer l'écart fiscal », les magistrats constatent que « peu de progrès ont été réalisés depuis (...) 2007 » en France. Certes, après la crise financière de 2008, la coopération internationale s'est améliorée en faveur des échanges automatiques d'informations. Les magistrats se félicitent que les lois de 2013 et 2018 aient permis de doter le pays de « l'un des dispositifs juridiques les plus complets à cet égard ».

Cependant, « l'utilisation de ces outils supplémentaires ne s'est pas encore accompagnée d'une amélioration des résultats du contrôle », explique la Cour. La France serait donc à la traîne en matière de lutte contre la fraude fiscale. Les magistrats mettent en cause les ministères et l'organisation au sein des différentes administrations. « L'impulsion interministérielle est insuffisante et les échanges entre administrations nationales sont trop faibles », peut-on lire dans le rapport.

La Cour pointe également « une faiblesse » dans les contrôles fiscaux et leur pilotage, ainsi qu'une « efficacité insuffisante » des Urssaf en matière de recouvrement. Même chose en ce qui concerne la lutte contre la fraude aux cotisations sociales, avec un taux de recouvrement « très faible » et « des pans entiers de cotisations peu ou pas contrôlés ».




A lire également : L'État pourra se servir des réseaux sociaux pour repérer les fraudeurs fiscaux

Une diminution des résultats de la lutte contre la fraude fiscale

Les magistrats évoquent même une baisse des résultats en matière de lutte contre la fraude fiscale. Une conclusion qui ne vient pas appuyer le discours de Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes Publics, celui-ci ayant indiqué en octobre avoir récupéré 1,6 milliards d'euros de plus que l'année dernière.

Chiffres à l'appui, la Cour des comptes explique que les droits notifiés et les montants recouvrés auraient diminué progressivement depuis 2013, passant de 10,1 milliards à 8,7 milliards. Soit une baisse de 14%. Idem du côté des condamnations en justice pour fraude fiscale, qui auraient chuté presque de moitié en l'espace de 10 ans bien que les sanctions se soient alourdies. Une constatation qui « contraste avec celle observée à l'étranger ».

La France ferait donc figure de mauvais élève, notamment à l'échelle européenne. « Au total, et à l'inverse de nos voisins, les résultats récents du contrôle fiscal sont en recul et les suites judiciaires demeurent modestes, malgré le renforcement des peines encourues. »



Le Gouvernement répond être « pleinement mobilisé dans [la] bataille »

L'État n'a pas tardé à réagir à ce rapport par un communiqué émanant des services du Premier ministre, Édouard Philippe. Celui-ci indique que le Gouvernement « est pleinement mobilisé dans [la] bataille [contre la fraude fiscale] ».

Mettant en avant les « avancées majeures », notamment le vote de « la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude », qui a par exemple permis la création d'une police fiscale ou la levée du « verrou de Bercy », le communiqué site également les efforts internationaux entrepris, par exemple en matière de taxation des GAFA.

L'État annonce ainsi avoir « encaissé 5,6 milliards d'euros sur les neuf premiers mois de 2019, contre 4 milliards d'euros sur la même période en 2018 ». Des chiffres qui n'apparaissent pas dans le rapport de la Cour des comptes, puisque les données étudiées ne vont que jusqu'à 2018. Les Urssaf auraient quant à elles procédé en 2018 à « un total de redressement de 641 M€ en matière de lutte contre le travail dissimulé, ce qui représente une augmentation de près de 20 % par rapport à l'année 2017 ».

Enfin, le Gouvernement annonce avoir déjà entrepris des actions d'amélioration des dispositifs en matière de lutte contre la fraude fiscale et sociale, ou être sur le point de l'être. Le communiqué prend notamment l'exemple des mesures prévues au projet de loi de finances pour 2020 en matière de collecte de la TVA lors des échanges internationaux, de moyens de contrôle et de traitement des données, et « d'efficacité de la réponse pénale en matière d'atteinte aux finances publiques ».



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