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Le traité de libre-échange entre la France et le Canada soulève de nombreuses oppositions. Considéré par ses opposants comme un « non-sens écologique », il est aussi décrié pour son déséquilibre en défaveur de la France et pour la création de tribunaux arbitraux qui pourraient permettre aux entreprises d'attaquer les États en justice. Explications.
Le CETA est un accord de libre-échange conclu entre l'Union Européenne et le Canada. Il est destiné à faciliter les échanges entre ces deux zones du monde, grâce à la suppression de 98% des droits de douane. En cours de négociation depuis 7 ans, l'accord de 2000 pages a été approuvé en février 2017 par le Parlement européen. La même année, il est entré partiellement en vigueur. Toutefois, pour que le CETA soit complètement appliqué, il est nécessaire que tous les États membres de l'Union Européenne le valident. A ce jour, 13 pays l'ont fait. La France l'a voté à l'Assemblée nationale le 23 juillet 2019. Malgré la volonté du Gouvernement de voir le traité validé et la présence d'une majorité de députés LREM à l'Assemblée nationale, le CETA a rencontré une vive opposition et n'a été entériné qu'avec une faible avance (266 voix pour, 213 contre). Le texte doit encore être validé par le Sénat, dont la majorité est à droite.
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Les opposants au CETA voient en sa ratification une accélération de la mondialisation et un potentiel désastre écologique. A l'heure d'une prise de conscience générale sur le réchauffement climatique et de la nécessité de réduire les consommations d'énergie fossile, favoriser les transports de marchandises sur des milliers de kilomètres pour des produits existants déjà sur les marchés locaux leur paraît être un non-sens. L'impact réel reste cependant difficile à mesurer aujourd'hui.
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Ce traité pose la question plus générale de la compatibilité entre l'économie de marché et l'écologie. A lire également : One Planet, finance verte... Comment l'avenir des épargnants se prépare
Les tribunaux d'arbitrage sont des juridictions spéciales. Des entreprises privées pourront, par leur intermédiaire, attaquer les États membres de l'Union Européenne si une loi porte atteinte à leurs investissements. Schématiquement, si la France interdisait une substance, elle pourrait être attaquée par une entreprise qui aurait investi pour la développer ou la commercialiser. Ouvrant l'hypothèse de voir les intérêts privés passer avant les intérêts publics, les tribunaux arbitraux sont particulièrement critiqués par les opposants au CETA, comme ils l'ont été par l'État français lors des négociations du traité. Une des craintes est que la France ne soit attaquée par des entreprises sur des mesures concernant la santé publique, la biodiversité, le réchauffement climatique et le respect des accords de Paris. La France a donc insisté pour obtenir un « véto climatique », afin d'empêcher les juges de condamner les États sur ces sujets. Mais les opposants au traité soulignent que des flous juridiques demeurent. Il n'est donc pas exclu que certaines procédures aient lieu un jour.
Les détracteurs du CETA mettent en avant un accord déséquilibré. D'un côté, le marché Européen de 510 millions de consommateurs s'ouvre au Canada, alors qu'en échange, le marché canadien ne représente que 35 millions de personnes. En matière d'agriculture, les quotas d'exportation canadiens ont été nettement augmentés (x10 pour le bœuf, x6 pour le porc et le maïs, x3 pour le blé). Des chiffres impressionnants, mais qui selon les autorités, représentent moins de 1% du marché européen. A ce jour, la France a d'ailleurs plus bénéficié de l'application partielle du CETA que le Canada. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe s'est félicité d'une « augmentation de 6,5% des exportations françaises vers le Canada » entre 2017 et 2018. Cette hausse aurait néanmoins surtout bénéficié aux produits pharmaceutiques et cosmétiques. Dans le même temps, les exportations canadiennes vers la France ont régressé de 9%.
Si de nombreux points de crispation existent autour du CETA, c'est surtout la potentielle concurrence déloyale qui inquiète. C'est notamment le cas chez les agriculteurs, pour qui le contexte est déjà difficile. Les coûts de production sont en effet moins élevés au Canada qu'en France et les normes sanitaires y sont moins exigeantes. Selon les opposants au traité, les normes européennes ne seraient en effet pas imposées aux produits canadiens, ce qui ravive la crainte de voir arriver en France du bœuf aux hormones, du poulet au chlore, ou des OGM. L'Union Européenne a néanmoins rassuré en indiquant qu'aucun produit non-conforme aux règles de l'UE ne serait autorisé à entrer sur le territoire. La déclaration qui n'a toutefois pas complètement rassuré puisque ces normes concernent les viandes, mais pas l'alimentation des bovins et autres animaux. Or, le Canada utilise les farines animales pour nourrir le bétail, ces produits dont les Européens se souviennent comme ayant été à l'origine de la crise de la vache folle dans les années 1990.