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La dernière réforme du label ISR entre en application le 1er janvier prochain. Elle pourrait bien contribuer à rebattre les cartes pour les professionnels du patrimoine et à relancer l'intérêt des investisseurs. Retour sur un tournant qui se veut décisif.
Bien qu’il soit encore trop tôt pour parler de Big Bang, quelque chose de déterminant semble enfin se produire dans l’univers de l’Investissement socialement Responsable (ISR) français. Pionnier en la matière, notre pays semblait en effet avoir succombé au greenwashing suite à la création du label ISR d’État en 2016. De 119 fonds disposant du fameux macaron en 2017, la grande famille des produits d’investissement ISR a tout de même atteint le chiffre de 1 276 fonds cette année, devenant ainsi le plus important label d’Europe. De quoi faire perdre son latin à plus d’un investisseur mais également déclencher l’ire de l’Inspection Générale des Finances devant une telle générosité. Dans un rapport au vitriol de décembre 2020, celle-ci menaçait d’ailleurs : « À moins qu’il n’évolue radicalement, le label ISR s’expose à une perte inéluctable de crédibilité et de pertinence. » Dont acte. Un nouveau référentiel plus crédible va enfin entrer en vigueur. Mais cela n’a pas été sans peine.
Principale pierre d’achoppement au changement, la présence de TotalEnergies dans plus de 160 fonds labellisés ISR. Les épargnants ne comprenaient pas que l’on puisse parler d’investissement responsable sans exclure définitivement les énergies fossiles. Mais la décision a été difficile à prendre, surtout dans un contexte où le patron du géant pétrolier français n’a cessé de menacer de transférer la cotation principale de son titre à la Bourse de New York. En coulisse et sous couvert d’anonymat, on révèle que la décision « d’abandonner le soldat TotalEnergies » a été prise dans le bureau d’Elisabeth Borne alors Premier Ministre.Désormais évacué cet « éléphant dans la pièce », la nouvelle mouture du label ISR a pu voir le jour et est entrée en application le 1er mars dernier pour tous les nouveaux fonds désireux de faire reconnaître leur démarche. Les anciens labellisés bénéficient d’une rallonge jusqu’au 1er janvier 2025. Ce qui risque bien de ne pas être de trop tant le cahier des charges s’est alourdi. Comme le rappelle Michèle Pappalardo, la présidente du Comité du label ISR, « rien ne sera automatiquement labellisé ISR. Il y a 40 pages de référentiel. »
Autant dire qu’un grand nombre d’heures de travail supplémentaires s’annoncent d’ici la fin de l’année pour les sociétés de gestion soucieuses de conserver leur précieux macaron.À côté de l’exclusion des entreprises exploitant du charbon, des énergies fossiles non conventionnelles, de celles qui lancent de nouveaux projets d’exploitation ou de raffinage d’hydrocarbures ou encore des producteurs d’électricité gros émetteurs de gaz à effet de serre et des producteurs de tabac, le label insiste en effet davantage sur les fameux critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance). Désormais, non seulement les fonds devront exclure de leur univers d’investissement les 30% de sociétés les moins bien notées du point de vue ESG mais il faudra aussi que le poids des domaines E,S, et G soit équilibré afin d’éviter de se retrouver avec des acteurs très performants sur la question environnementale et en retard sur leur politique sociale ou leur gouvernance.Et les évolutions ne s’arrêtent pas là. Comme le souligne Balthazar Laporte, secrétaire du Comité du label ISR, « les outils à mettre en place dans cette nouvelle version du label ISR sont principalement des outils de gestion active. » Autrement dit, les gérants de fonds vont analyser les plans de transition de toutes les entreprises de leur portefeuille. Mieux, 20% des sociétés appartenant aux secteurs qui ont le plus fort impact climatique devront faire l’objet dès 2026 d’un acte d’engagement actionnarial dont le but sera de les accompagner dans la mise en place d’une stratégie de transition crédible. Si le résultat de cet engagement ne se révèle pas satisfaisant, les entreprises sortiront des portefeuilles. « Nous nous sommes fixés un objectif de résultats et pas de moyens » rappelle Michèle Papalardo.Et puis, pour accompagner l’évolution de la réglementation européenne, le nouveau label introduit aussi le principe de double matérialité. Dès le début de l’année prochaine, les fonds se préoccuperont à la fois de la matérialité financière des risques ESG sur la performance des sociétés de leur portefeuille mais aussi des incidences de celles-ci sur la société et l’environnement.
Reste maintenant à savoir quel sera le nombre de fonds capables de répondre à ces nouvelles exigences dès le début 2025. Si l’on se fait très discret sur cette question du côté des maisons de gestion françaises, on se veut réaliste au comité du label ISR. « Nous en perdrons un nombre significatif mais c’est la rançon de l’augmentation de l’exigence » annonce Michèle Pappalardo. Pour sa part, l’investisseur va devoir redoubler de vigilance puisque rien n’indique aujourd’hui que les distributeurs de produits financiers auront mis à jour leur liste de produits reconnus par le label d’ici le début d’année prochaine. Le sujet est d’importance puisque depuis la Loi Pacte, les fonds labellisés ISR sont présents dans les contrats d’assurance-vie (à proportion de 27% des actifs en unités de compte et d’un peu moins de 6% des contrats en euros selon la dernière estimation de la Banque de France). De leur côté, les conseillers en gestion de patrimoine disposent d’une occasion unique d’engager une nouvelle réflexion avec leurs clients. Jusque-là aux prises avec la réglementation MIFID 2 et son indigeste questionnaire sur la durabilité des investissements, les professionnels du conseil vont en effet disposer d’un label clair et engagé. Autrement dit, d’une bonne occasion de sensibiliser voire de réveiller l’intérêt des particuliers pour la finance durable.
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