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En France, la mémoire collective les associe surtout à une arnaque à la TVA. Pourtant, au-delà du simple fait divers, les quotas carbone pourraient bien devenir l'un des nouveaux outils pour les investisseurs engagés dans la lutte contre le réchauffement climatique. Explications. Article extrait du magazine print Idéal Investisseur n°2.
Faites le test autour de vous. Lorsqu’on évoque les quotas carbone, la première réminiscence de votre interlocuteur a toujours trait à la vaste escroquerie dite du carrousel à la TVA, qui a défrayé la chronique en France et qui a même donné lieu à la sortie d’un livre et d’une série télévisée. Mais l’histoire ne s’arrête pas là même si, a priori, associer quotas carbone et investissement ne relève pas de l’évidence. Pourtant, à bien y réfléchir, le sujet du carbone (CO2) semble aujourd’hui incontournable. Que ce soit dans le cadre de la transition énergétique engagée sous la pression réglementaire par les entreprises ou dans notre vie quotidienne, il est difficile d’y échapper. On pourrait même dire que, désormais, l’un des credo de notre société est la limitation de l’accumulation de carbone et des autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Voilà pourquoi il était inévitable qu’il débouche un jour sur de nouvelles solutions d’investissement. Mais cela a tout de même pris un peu de temps.
Si l’on met de côté la péripétie de l’arnaque française, c’est tout un marché européen du carbone qui s’est constitué au fil des vingt dernières années. Et cela pour permettre à l’Union européenne (UE) d’atteindre son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % en 2030 (par rapport à 1990). Dénommé système d’échange de quotas d’émission (SEQE) européen, celui-ci est inspiré du protocole de Kyoto (1997) où est né le principe de monétiser le droit à polluer. Concrètement, cela signifie qu’il permet non seulement d’établir le prix d’une tonne de carbone émise, mais également de fixer un plafond au volume total des gaz pouvant être émis dans certaines industries et l’aviation civile sur le Vieux Continent. Pour que ce système soit vraiment incitatif et que les sociétés engagent une véritable décarbonation de leur activité, le plafond autorisé est régulièrement abaissé. En plus d’encourager plus de vertu dans l’émission de carbone, le SEQE constitue une source de recettes pour l’UE puisque chaque quota vendu permet de financer la transition énergétique. Séduisant dans la théorie, ce système a mis près de 8 ans à fonctionner. Après deux années de test (2005-2007), il a pris son essor avec l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto (2008-2012). Mais à cette période-là, le plafond des émissions était encore défini par chaque état. Il faudra attendre la période suivante (2013-2021) pour qu’un véritable plafond soit finalement fixé au niveau européen. Plafond dont il a été décidé, à l’époque, qu’il serait progressivement abaissé en retirant chaque année 38 millions de tonnes de CO2 du marché. Ce seuil est ensuite passé à 48 millions de tonnes à partir de 2021. Reste que ce marché souffre de deux importantes imperfections. Tout d’abord, ce système d’échange ne couvre qu’environ 40 % des émissions de gaz dans l’UE. Ensuite, comme l’a rappelé le Haut conseil pour le climat dans sa note du mois de juin 2024, plusieurs secteurs d’activité, comme l’aviation, bénéficient d’une certaine quantité de quotas gratuits jusqu’en 2026. Résultat : alors qu’il aurait dû croître régulièrement, le prix du quota de carbone (voir graphique) a vivoté pendant près de dix ans sous les 20 euros la tonne. Ce n’est qu’à partir de 2019 qu’il est repassé au-dessus de cette barrière symbolique. Entre la mise en place d’une politique de réduction progressive des quotas par l’UE et l’éclatement de la guerre en Ukraine (synonyme de fin d’utilisation du gaz russe), le cours du quota de CO2 s’est même approché des 100 euros avant de redescendre et d’osciller autour de 68 euros au début du mois de décembre 2024.
En apportant la preuve que ce marché est liquide, ces soubresauts ont aussi donné naissance à de premiers produits financiers. « Ce marché de 1 000 milliards d’euros de volume se révèle faiblement corrélé aux autres grandes classes d’actifs. Cela fait de lui un excellent support de placement pour les investisseurs à la recherche de solutions de décarbonation éprouvées. Ces dix dernières années, ces quotas ont permis une baisse de 35 % des émissions des industries qui y ont participé », explique Valentin Lautier, le patron d’Homaio. En septembre dernier, cette fintech a lancé des obligations dont la valeur est systématiquement équivalente à celle des quotas carbone européens sous-jacents. « Le moment est particulièrement propice pour s’y constituer une position puisque les quotas gratuits sont appelés à disparaître et que de nouvelles industries doivent rejoindre le SEQE », indique Vincent Lautier, qui prévoit aussi d’étendre son offre à certains des 40 autres marchés carbone développés à travers le monde (voir infographie). De son côté, Vincent Auriac, le président d’Axylia, cabinet de conseil spécialisé dans la finance responsable, est lui à l’origine d’un tout autre produit. Le succès du score carbone, qu’il publie depuis quatre ans et qui permet de savoir si la facture carbone des entreprises est soutenable, l’a en effet conduit à prendre contact avec une société de gestion. « Sur la demande d’une association, nous avons pris contact avec Hugau Gestion pour créer un mandat obligataire d’entreprises bien notées et ayant un score carbone A, B ou C. Depuis septembre 2023, les résultats obtenus sont si encourageants que nous regardons dans quelles conditions il serait possible de créer un fonds susceptible d’entrer dans un contrat d’assurance-vie et ouvert à tous les investisseurs », révèle-t-il. Bien que nous n’en soyons encore qu’aux prémices, vous n’avez donc pas fini d’entendre parler de quotas et de facture carbone dans l’univers des produits d’investissement.
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