Actuellement en kiosque et sur commande
Continuer avec Google
Continuer avec Facebook
Continuer avec Apple
L'investissement durable, autrefois une niche réservée à quelques convaincus, est aujourd'hui au cœur des préoccupations des épargnants. Mais entre une réglementation foisonnante, des terminologies complexes et un manque de formation des professionnels, se frayer un chemin dans cet univers peut s'avérer déroutant ! Comment comprendre les mécanismes de cette finance responsable ? Décryptage.
Depuis quelques années, les investisseurs ne se contentent plus de chercher la performance financière. La demande d’investissements alignés sur des valeurs environnementales, sociétales et de gouvernance (ESG) s’intensifie. En réponse, l’Union européenne a déployé un arsenal réglementaire ambitieux.
On vous vante les mérites d'un fonds d'investissement « article 9 » ? Ne nous le cachons pas, peu de personnes savent ce qui se cache derrière ce jargon. Depuis son entrée en vigueur en mars 2021, la Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) s’est imposée comme un cadre de référence en Europe pour guider les investissements responsables. Cette réglementation, qui oblige les gestionnaires de fonds à classer leurs produits selon leur prise en compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), a évolué ces dernières années pour répondre aux critiques et renforcer son efficacité. Plusieurs ajustements ont été introduits pour clarifier les critères de classification et limiter les risques de greenwashing. Pour mieux comprendre de quoi il s'agit, voici les trois catégories de produits financiers.
Les produits classés sous l’Article 6 constituent le socle de la finance traditionnelle, où les critères ESG ne sont pas explicitement intégrés dans la stratégie d’investissement. Bien que ces fonds n’aient pas pour objectif d’influencer les performances environnementales ou sociales, la SFDR impose désormais une transparence accrue, même pour cette catégorie.En 2024, une révision des obligations de reporting a été mise en place. Désormais, tous les gestionnaires de fonds, y compris Article 6, doivent fournir des informations détaillées sur les risques de durabilité qui pourraient affecter les performances financières des produits. Ces informations incluent des analyses spécifiques des risques liés au changement climatique ou aux transitions réglementaires, même si ces facteurs ne sont pas intégrés dans les décisions d’investissement. Cela permet aux investisseurs de mieux comprendre les risques potentiels associés à ces produits, renforçant ainsi la confiance et la comparabilité entre les différentes options d’investissement.
L’Article 8 regroupe des fonds qualifiés de « responsables », c’est-à-dire ceux qui intègrent les critères ESG dans leur gestion sans nécessairement viser des objectifs de durabilité mesurables. Cependant, cette flexibilité a fait l’objet de nombreuses critiques, notamment en raison de pratiques de greenwashing. En 2024, plusieurs avancées réglementaires ont été introduites pour y remédier.Les gestionnaires de fonds Article 8 doivent désormais respecter des standards harmonisés pour prouver leur intégration des critères ESG. L'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) a publié un cadre standardisé de reporting, qui impose aux gestionnaires de divulguer des indicateurs précis, tels que les émissions de CO2 des portefeuilles, les investissements dans des activités dites « alignées avec la taxonomie verte de l’UE », ou encore les engagements en matière de diversité et inclusion.Le lien entre la classification Article 8 et la taxonomie verte de l’UE a été renforcé (voire ci-dessous). Les fonds Article 8 doivent désormais indiquer clairement quelle proportion de leurs actifs est alignée sur cette taxonomie, ce qui aide les investisseurs à distinguer les fonds réellement engagés dans la durabilité de ceux qui se contentent d’une intégration minimale des critères ESG. Cette évolution a pour objectif de réduire les marges d’interprétation et d’accroître la comparabilité entre les différents fonds.
L’Article 9, qui regroupe les fonds dits « durables » ou « dark green », représente normalement le top de l’investissement responsable. Ces fonds s’engagent à atteindre des objectifs clairs et mesurables en matière de durabilité. Cependant là encore, les années précédentes avaient mis en lumière un manque de cohérence dans les critères d’attribution de cette classification, ce qui a entraîné une révision stricte des exigences en 2024.Dorénavant, les gestionnaires de fonds Article 9 doivent démontrer de manière encore plus détaillée comment leurs investissements contribuent directement à des objectifs environnementaux ou sociaux. Cela inclut la nécessité de prouver que leurs portefeuilles soutiennent des projets alignés sur les Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations unies ou sur l’Accord de Paris. Par exemple, un fonds revendiquant un alignement sur l’objectif de réduction des émissions de carbone doit fournir des données vérifiables sur l’impact concret des projets financés.En parallèle, la proportion d’actifs alignés sur la taxonomie verte de l’UE est devenue un indicateur clé pour les fonds Article 9. En 2024, une clarification importante a été apportée : seuls les investissements contribuant de manière significative à des objectifs environnementaux ou sociaux peuvent désormais être inclus dans cette classification. Cela a conduit à une diminution du nombre de fonds Article 9 sur le marché, mais a renforcé leur crédibilité auprès des investisseurs.
Rejoignez la communauté Idéal investisseur ! Je m'inscris
La taxinomie européenne, entrée en vigueur en 2020, est désormais un outil central de la stratégie de l’UE pour atteindre ses objectifs climatiques et environnementaux. Destinée à établir un cadre commun définissant ce qui peut être considéré comme une activité durable sur le plan environnemental, cette classification vise à guider les investisseurs, entreprises et institutions financières dans leurs décisions, tout en renforçant la transparence et la crédibilité de la finance verte. Aujourd’hui pleinement opérationnelle, la taxinomie couvre un large éventail d’activités économiques et s’applique à six objectifs environnementaux définis, parmi lesquels l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, la préservation de la biodiversité ou encore l’économie circulaire.
La taxinomie européenne repose sur une structure claire et ambitieuse : elle identifie les activités économiques qui contribuent de manière significative à l’un ou plusieurs des six objectifs environnementaux établis par l’Union européenne. Ces objectifs sont :
La taxinomie impose également des obligations de transparence strictes pour les entreprises et les gestionnaires d’actifs, contribuant à uniformiser les pratiques et à fournir aux investisseurs les informations nécessaires pour prendre des décisions éclairées. Depuis 2022, les grandes entreprises soumises à la directive sur la publication d’informations non financières (NFRD, remplacée par la Corporate Sustainability Reporting Directive en 2024) doivent publier des données détaillées sur l’alignement de leurs activités avec la taxinomie.Ce reporting inclut des indicateurs précis, tels que :- La part du chiffre d’affaires générée par des activités alignées sur la taxinomie.- Les investissements (CAPEX) et les dépenses opérationnelles (OPEX) destinés à ces activités durables.Par exemple, une entreprise du secteur industriel pourrait déclarer que 30 % de son chiffre d’affaires provient d’activités compatibles avec les critères d’atténuation du changement climatique, comme l’installation de technologies bas-carbone. Ce type de transparence permet non seulement aux investisseurs institutionnels de mieux évaluer l’impact environnemental d’une entreprise, mais aussi de renforcer la confiance des particuliers dans les produits financiers labellisés comme « verts ».De leur côté, les gestionnaires d’actifs doivent également indiquer clairement la proportion de leurs portefeuilles alignée avec la taxinomie. Cette obligation vise à éviter que des produits financiers soient étiquetés comme durables sans justification concrète, réduisant ainsi les risques de pratiques abusives.
La taxinomie s’applique à une vaste gamme d’activités économiques, allant de la production d’énergie à la construction, en passant par les transports et l’agriculture. Les critères pour chaque activité sont définis de manière très précise et incluent des seuils de performance environnementale. Par exemple, une centrale électrique au gaz peut être considérée comme alignée avec la taxinomie si elle émet moins de 270 grammes de CO? par kilowattheure et prévoit d’utiliser des combustibles renouvelables d’ici 2035.Elle couvre aujourd'hui pleinement les deux premiers objectifs (atténuation et adaptation au changement climatique) et a élargi son application à des secteurs comme la gestion de l’eau, le recyclage ou encore la protection des écosystèmes. Ces ajouts permettent de mieux refléter l’ensemble des activités nécessaires pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 et préserver les ressources naturelles.Cependant, certains secteurs restent controversés. L’inclusion du gaz naturel et de l’énergie nucléaire en tant que solutions transitoires pour la transition énergétique, continue de faire débat. Ces activités doivent répondre à des critères stricts pour être considérées comme durables, comme des seuils d’émissions de CO? ou des garanties de sécurité pour les infrastructures nucléaires. Cette décision, bien que critiquée par certains acteurs environnementaux, reflète la diversité des stratégies énergétiques des États membres et leur volonté de maintenir un équilibre entre ambition écologique et réalisme économique.
Les indicateurs PAI (Principal Adverse Impacts), également instaurés par la réglementation SFDR, sont quant à eux devenus un outil central pour mesurer les impacts négatifs des investissements sur l’environnement et la société. Contrairement aux approches qui valorisent les résultats positifs, les PAI se concentrent sur les externalités néfastes, comme les émissions de gaz à effet de serre, la perte de biodiversité ou encore les violations des droits sociaux. Ils permettent ainsi de mieux évaluer les risques ESG associés aux portefeuilles d’investissement.Depuis 2023, les gestionnaires d’actifs dépassant 500 employés ont l’obligation de publier un rapport annuel détaillant ces impacts. Ce rapport doit inclure des données précises sur des indicateurs standardisés et expliquer les actions mises en place pour limiter ces effets négatifs. Par exemple, un gestionnaire de fonds doit divulguer l’intensité carbone de ses investissements et démontrer comment il réduit son exposition aux entreprises les plus polluantes. De quoi aider un peu plus les investisseurs dans leurs choix... à condition de passer du temps à analyser toutes ces données.
Si la réglementation vise à éclairer les investisseurs, encore faut-il que les professionnels soient eux-mêmes en mesure de la traduire ! Une récente enquête menée par l’Autorité des marchés financiers révèle que deux tiers des conseillers financiers peinent à maîtriser les bases de la finance durable... Et aux vues de la longueur de cet article, il est aisé de comprendre pourquoi. Mais cette lacune reste d’autant plus problématique que les épargnants, eux, expriment souvent l'envie de faire coïncider leurs investissements avec leurs valeurs. Nul doute que le chemin vers un investissement durable véritablement démocratisé sera encore long.
➸ Finance durable : un nouveau coup dur avec le départ de BlackRock de la NZAM
➸ « Biodiversité : les fonds publics et associatifs ne suffiront pas »
➸ L'UE veut mieux encadrer l'investissement « vert » pour éviter le greenwashing