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ESG : la performance, illusion ou réalité en investissement responsable ?

Ces dernières années, les performances des fonds consacrés à l'investissement responsable dans des actions cotées (labellisés ISR, Greenfin…) ont déçu beaucoup d'investisseurs particuliers. Ainsi, ces derniers ont l'impression de faire face à un dilemme moral : orienter son portefeuille vers la performance et « vendre son âme », ou s'assurer de garder son auréole et sous-performer.

Or, en prenant un point de vue pragmatique, beaucoup d'arguments démontrent qu'il est préférable d'opter pour des investissements qui prennent sérieusement en compte les critères ESG (environnementaux, sociaux, gouvernance), plaidant pour un alignement des intérêts financiers entre les différentes parties prenantes impliquées dans l'activité des entreprises (actionnaires, salariés, clients, environnement…).

À bien y regarder, la prise en compte des critères éthiques, encore appelés « extra-financiers », est donc très « financière ».
Quelques pistes de réflexion !

ESG : la performance, illusion ou réalité en investissement responsable ?
Temps de lecture : 4 minute(s) - Par Nathan d'Ercole | Publié le 11-02-2025 14:30  Photo : Shutterstock 
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Des données unanimes : la prise en compte des critères ESG concourt à la performance financière et boursière

Si l’on s’extrait des expériences particulières, une entreprise tournée vers le développement ESG a effectivement plus de chances de surperformer que les autres. Une étude de McKinsey explique que les critères ESG stimulent la performance financière des entreprises pour 5 raisons principales :

  • Une incitation à innover et une meilleure capacité à saisir les opportunités de croissance de demain : quand on s’engage en matière ESG, impossible de rester tourné vers le conservatisme mou. On s’ouvre aux tendances et on oriente son esprit vers l’avenir, ce qui permet d’acquérir une grande vivacité à percevoir les opportunités.
  • Une meilleure attractivité pour les clients : à qualité et prix équivalents, on préfère acheter un produit green qu’un produit qui détruit l’environnement, l’idéal pour prendre des parts de marché.
  • Une réduction des risques de procès : afin d’éviter des scénarios du type Diesel Gate (Volkswagen se relève encore difficilement de ses 25 milliards de dollars d’amende).
  • Une réduction des coûts et une meilleure efficacité par une meilleure gestion de la chaîne de valeur (faire plus avec moins) : l’étude montre que l’efficacité de la gestion des ressources peut affecter les bénéfices d’exploitation jusqu’à 60 %.
  • Une meilleure productivité des salariés : une proposition ESG forte aide les entreprises à attirer, et surtout à retenir, les employés de qualité, à améliorer leur degré de motivation et leur productivité. Pour enfoncer le clou, Alex Edmans, de la London Business School, a constaté que les sociétés figurant sur la liste des 100 meilleures entreprises où travailler (magazine Fortune) ont généré des rendements boursiers annuels supérieurs de 2,3 % à 3,8 % par rapport à ceux de leurs homologues, et ce, sur un horizon de plus de 25 ans. Un salarié reconnaissant et respecté, c’est un salarié plus productif. Logique, non ?

Pour les lecteurs français qui auraient quelques scrupules à crédibiliser une source McKinsey, demandons à l’Université d’Oxford son avis sur la question. Des chercheurs de la prestigieuse université anglaise ont sorti une revue de littérature sur le lien entre développement durable et performance des entreprises. Sur les 200 études analysées, 90 % démontrent que les normes ESG réduisent le coût du capital. Et qui dit baisse du coût du capital dit meilleure rentabilité (toute chose égale par ailleurs). 88 % montrent que des pratiques ESG vertueuses se traduisent par une meilleure performance opérationnelle. 80 % soulignent que la performance du cours de l’action est positivement corrélée aux bonnes pratiques de développement durable.
Convaincus ? Approfondissons un peu plus en jetant un œil à la relation entre risques ESG et valorisation des entreprises.

Mécanique financière : la hausse des risques ESG fait baisser la valorisation des actifs

Une entreprise qui développe des activités à pauvre caractère ESG s’expose au risque d’« actifs irrécupérables » (stranded assets en anglais), non seulement si l’utilisation de ces actifs se révèle en inadéquation avec les futures normes environnementales ou sociales, mais aussi en cas de condamnation pénale ou de graves controverses. Toute détérioration de la réputation peut en effet entraîner une perte d’activité et faire perdre du temps au management, normalement consacré à la bonne gestion opérationnelle…
En somme, une meilleure prise en compte des critères ESG permet d’améliorer la qualité du risk management et d’atténuer les risques.

En cas de mauvaise gestion des risques, les apporteurs de capitaux (actionnaires et créanciers) demandent une meilleure prime de risque (hausse du coût du capital). À l’arrivée, c’est la double peine pour l’investisseur :

1. Des actifs irrécupérables qui font diminuer la valeur patrimoniale de l’entreprise.
2. Un boulet au pied supplémentaire pour la rentabilité future à cause de la hausse du coût du capital, c’est-à-dire une diminution de la valeur de l’entreprise (si on valorise une entreprise par l’actualisation de ses flux de trésorerie anticipés), donc un appauvrissement de l’actionnaire.

Pas d’anticipation sur le renforcement des régulations ? Hausse de la prime de risque.Pas de prise en compte de la demande des clients pour des produits plus vertueux ? Hausse de la prime de risque.etc.

L'analyse ESG n'est pas un caprice idéologique, c'est un excellent acte de gestion

Si l’investissement responsable est supposé amener plus de performance, pourquoi certains faits démontrent le contraire ? D’après une étude de la Deutsche Bank et de l’Université de Columbia, les entreprises qui présentent des profils ESG vertueux se classent en grande majorité en tête sur le plan commercial et boursier. Le bémol, c’est que les investisseurs ne parviennent pas toujours à capter cette surperformance !

Impossible de répondre simplement à cette question… Les causes d’une telle situation sont probablement multifactorielles, ce qui ne nous empêche pas de dresser quelques hypothèses.

Déjà, il faut rappeler que la prise en compte sérieuse des critères ESG par les institutions financières est encore extrêmement jeune (moins de 10 ans !). Nous manquons donc encore de repères pour les évaluer efficacement (surtout sur la partie « qualitative »).

D’autre part, les investisseurs institutionnels (gérants de fonds…) n’ont pas encore l’expérience pour traiter de façon optimale ces critères, parfois difficilement mesurables. Ce manque de recul crée une vraie difficulté à analyser les entreprises et conduit certains à développer des processus de gestion qui manquent de rigueur. Les fonds ostensiblement responsables accordent parfois plus de temps à l’analyse ESG qu’à l’analyse financière conventionnelle (qualité du business model…), ce qui mène à des erreurs classiques de sélection de titres.

En résumé, inclure une analyse ESG dans sa méthode de sélection de valeurs n’est ni une lubie ni une simple « mode ». Il s’agit bel et bien d’une stratégie permettant d’optimiser le ratio rendement/risques de son portefeuille. L’enjeu pour l’investisseur consiste à éviter de se jeter aveuglément dans les bras des entreprises qui font tout pour montrer patte blanche en dissimulant un business model, des projets et des marges médiocres. Le conseil : n’oubliez jamais de procéder à une analyse financière traditionnelle. Car certains managers, finalement loin de se comporter comme des saints, ont bien compris qu’essayer d’en mettre plein la vue, côté ESG, permettait parfois de ne pas trop parler de ce qui compte aussi pour être éthique : un modèle économique sérieux et capable de rémunérer décemment les apporteurs de capitaux et autres preneurs de risques.

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A propos de l'auteur
Certifié AMF et AMF Finance Durable, Nathan D'Ercole est spécialisé en finance, épargne et patrimoine.



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