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Bruno Le Maire a demandé la création d'un placement financier « patriotique » à la BPI

Orienter une partie de l'épargne des Français vers les PME est un enjeu pour les gouvernements successifs. Convaincre les particuliers d'investir à risque est compliqué. Après avoir redéployé l'assurance-vie Eurocroissance (qui n'a, depuis sa création, pas rencontré un franc succès), le Ministre de l'économie Bruno Le Maire vient de demander à la Banque Public d'Investissement (BPI) de créer un placement financier « patriotique ». Une solution supplémentaire qui soulève déjà des questions.

Temps de lecture : 5 minute(s) - Par C Courvoisier | Mis à jour le 28-05-2019 16:12:00 | Publié le 29-03-2019 17:19  Photo : © Shutterstock  
Bruno Le Maire a demandé la création d'un placement financier « patriotique » à la BPI

Un nouveau produit financier pour investir aux côtés de la BPI dans des entreprises françaises

« Nous souhaitons que tous les Français puissent participer davantage au financement de leur économie », a déclaré jeudi le ministre des Finances au Figaro. « J'ai donc demandé au directeur général de BPI France, Nicolas Dufourcq de travailler sur un produit financier qui permettra aux Français d'investir plus facilement leurs économies dans les entreprises françaises », a expliqué Bruno Le Maire.

Dans les grandes lignes, ce placement financier « patriotique » prendrait la forme d'un fonds d'investissement, éligible au PEA-PME. L'argent qui y serait déposé par les particuliers servirait à financer le développement d'entreprises françaises sélectionnées par la Banque Publique d'Investissement. Les revenus générés seraient exonérés d'impôt sur le revenu, mais pas de prélèvements sociaux (17% des gains).

Le produit n'est pas encore mis au point et ses caractéristiques restent à définir, comme par exemple les stratégies d'investissement du fonds, la durée de blocage de l'argent ou les modalités de sorties. Néanmoins un tel produit suscite d'ors et déjà des questions : d'autres solutions existent déjà pour investir dans les entreprises françaises, et les particuliers ont maintes et maintes fois démontrer leur aversion aux risques financiers.

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Le difficile financement des entreprises et de l'économie réelle

Les entreprises françaises manquent de capitaux. Dans un certain nombre de cas elles n'arrivent pas à trouver des crédits, notamment parce qu'un certain nombre de dépenses ne sont pas financées par les établissements traditionnels, comme l'embauche de salariés ou les frais de marketing et communication. La raison est simple : les établissements financiers souhaitent garantir leurs prêts avec des actifs qui conservent une valeur, et qu'il leur est possible en cas extrême de saisir et revendre pour rembourser l'argent prêté.

Les PME peuvent se tourner vers les fonds d'investissement privés pour financer leur croissance. Là encore, le modèle n'est pas parfait pour l'entrepreneur. Dans la plupart des cas il doit céder une partie du capital de son entreprise. Il perd alors une partie du contrôle de son entreprise. Certains fragilisent même leur position, à tel point que dans certains cas ils se retrouvent exclus de leur propre entreprise, que celle-ci rencontre le succès... ou l'échec.

Par ailleurs, les fonds d'investissement qui acceptent de prendre les premiers risques au moment de la création de l'entreprise sont peu nombreux (capital-risque). La plupart demandent d'avoir déjà éprouvé leur modèle, et les entreprises sont parfois soumises à des objectifs de rentabilité difficiles à tenir.

Il existe donc clairement un manque sur l'accompagnement des entreprises en croissance qui ont besoin d'effectuer des investissements immatériels importants pour assurer leur développement (et notamment l'emploi de salariés). Or cet investissement est risqué et difficile à garantir, d'autant que souvent le patrimoine privé du fondateur ne peut suffire à couvrir le crédit nécessaire.




Un bas de laine qui attise les convoitises

D'un côté les entreprises manquent de fonds, et de l'autre les Français disposent d'une belle épargne. 440 milliards d'euros « dorment » actuellement sur leurs comptes courants, 283 milliards végètent sur des livrets A et 1700 milliards sont déposés sur les assurances-vie, dont la plupart sur des fonds sécurisés en euros.

Le problème pour les épargnants est que le retour de l'inflation fait perdre du pouvoir d'achat à tout cet argent « dormant ». Les particuliers ne s'en rendent pas compte, mais en épargnant aujourd'hui à un taux inférieur à 1,80% par an, ils s'appauvrissent.

La situation n'est pas prête de s'améliorer puisque le mode de calcul des intérêts des livrets A a été modifié. Ceux-ci devraient donc mécaniquement se fixer sous le niveau de l'inflation, et donc rendre ces placements presque aussi inopérants que les dépôts sur des comptes courants non rémunérés.

A lire également : 440 milliards d'euros dorment sur les comptes courants



Les Français de plus en plus poussés à investir dans l'économie réelle

Pour obtenir un peu de rentabilité, restent l'immobilier (de plus en plus taxé) et les placements plus risqués, puisqu'investis dans des produits financiers. Contraints ou forcés, les épargnants français sont donc peu à peu poussés vers des solutions dans lesquelles ils risquent une partie de leur épargne.

Le simple fait qu'il y ait une prise de conscience sur l'incertitude sur les futures retraites pousse les actifs à examiner de nombreuses solutions qui peuvent leur permettent de dégager un peu de rendement.

Mais il n'en reste pas moins que de nombreuses études démontrent que le Français veulent sécuriser leur épargne et éprouvent une aversion aux risques. Le faible du succès du PEA-PME (seulement 80 000 plans ouverts), et des Eurocroissance (un fonds d'assurance-vie investi sur les marchés financiers mais dont le capital est garanti par les assureurs après une longue durée d'investissement), le démontre une nouvelle fois.

Les épargnants pour prendre les risques que les professionnels refusent ?

La mise au point de ce « placement patriotique » est donc une solution de plus pour tenter d'attirer l'argent des Français vers l'économie productive. Il faut dire que la croissance ne peut pas s'obtenir sans le développement des entreprises, qui créent de l'activité économique et des emplois. Capter une partie des milliards mis de côtés chaque année par les Français est de ce point de vue une idée très intéressante.

Mais une multitude de solutions existent déjà pour financer des entreprises ayant besoin de matériel ou ayant déjà démontré leur solidité. Le problème est que peu d'acteurs acceptent de prendre le risque de financer deux types d'investissement pourtant nécessaires : l'immatériel et l'amorçage (le démarrage de l'activité). Or, ceux-ci sont considérés comme trop risqués puisqu'ils ne s'appuient pas sur des actifs « saisissables » et « revendables ».

Le « placement financier patriotique » pourrait-il venir pallier ces manques ? Auquel cas, ne serait-ce pas faire porter aux particuliers les risques que les professionnels refusent de prendre ?

Des solutions déjà mises en place pour investir dans les PME françaises

En 2007, la loi TEPA a ouvert le champ du financement des PME et TPE par les particuliers. Les redevables de l'ISF pouvaient en effet réduire l'impôt à payer de 75% (réduit à 50% par la suite), en investissant à risque dans des entreprises de moins de 5 ans. Le mécanisme était simple et intéressant : soit le contribuable payant 100% de son impôt et ne revoyait jamais ses fonds, soit il en plaçait une partie dans une PME, avec la possibilité de faire éventuellement une plus-value en cas de réussite du projet.
La disparition de l'ISF a mis à mal ce système et privé un certain nombre de petites entreprises de ces fonds.

De nombreux fonds d'investissement ouverts aux particuliers se sont également constitués, comme les FIP, FCPR, FCPI. Plus encore éligibles pour la plupart à des réductions d'impôts, ils ont permis de financer des PME de divers secteurs.

Côté assurance-vie, le fonds Eurocroissance pourrait offrir de belles perspectives, si le risque n'était pas cette fois porté par les assureurs qui doivent garantir au moins la mise de départ aux souscripteurs, même en cas de faillite des entreprises dans lesquels les fonds sont investis.



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