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Tribune de Alban Van de Vyver, avocat associé du cabinet Bignon Lebray.
Selon le baromètre annuel EY de l'attractivité française, publié en juin 2018, les projets d'implantations d'entreprises ou d'extensions ont augmenté de 31 % en 2017 dans l'hexagone. Plusieurs sociétés étrangères ont annoncé vouloir investir près de 3,5 milliards d'euros et le Brexit qui s'annonce devrait accélérer cette tendance. Dès lors, un rappel synthétique des principales dispositions applicables aux investissements étrangers en France s'impose. La réglementation des investissements étrangers en France avait déjà évolué en 2017 avec l'entrée en vigueur de diverses mesures de simplification pour les entreprises1 qui ont conduit à la suppression de l'obligation de déclaration administrative auprès de la Direction du Trésor2. Elle fait aujourd'hui l'objet d'une nouvelle évolution aux termes du Décret n°2018-1057 du 29 novembre 2018. Si le régime de la déclaration à des fins statistiques auprès de la Banque de France ou du Trésor ne connait pas de changement, le régime de l'autorisation préalable est aujourd'hui modifiée et les pouvoirs du ministre de l'économie renforcé, le tout sans préjudice de dispositions de la loi PACTE qui devrait finalement être adoptée au cours du premier semestre 2019.
Les opérations d'investissements étrangers en France dont le montant dépasse 15 millions d'euros doivent faire l'objet d'une déclaration à la Banque de France dans les vingt jours de leur réalisation. Les opérations concernées sont les suivantes : a) les investissements directs étrangers en France (acquisition ou franchissement de seuil de 10 % du capital ou des droits de vote d'une société française par un étranger) ; b) l'acquisition ou la cession d'entreprises non résidentes par des résidents ; c) l'acquisition ou la cession de biens immobiliers à l'étranger par des résidents et en France par des non-résidents. Même s'il s'agit d'une simple obligation déclarative, le manquement à l'obligation de déclaration est puni d'un emprisonnement de 5 ans et d'une amende égale au maximum au double de la somme sur laquelle a porté l'infraction, le juge pouvant aussi prononcer une mesure d'interdiction d'exercer une activité commerciale ou une fonction publique3. Il convient dès lors de rester vigilant sur ce point.
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a) Champ d'application Si les relations financières entre la France et l'étranger sont en principes libres, il existe des exceptions dans des secteurs limitativement énumérés, touchant notamment à la défense nationale ou susceptibles de mettre en jeu l'ordre public ou des activités essentielles à la garantie des intérêts du pays4. Dans ce cadre, un investisseur étranger devra obtenir l'autorisation préalable du ministre en charge de l'Economie si trois conditions sont cumulativement remplies : i) condition tenant à la provenance de l'investissement : l'investissement provient d'un pays autre que la France (État membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou pays tiers) ; ii) condition tenant à la nature de l'opération envisagée : - soit d'acquérir le contrôle, au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce, d'une entreprise dont le siège social est établi en France ; - soit d'acquérir tout ou partie d'une branche d'activité d'une entreprise dont le siège social est établi en France ; - soit de franchir le seuil de 33,33 % de détention du capital ou des droits de vote d'une entreprise dont le siège social est établi en France. iii) condition tenant à la nature de l'activité de la société cible : l'investissement doit porter sur une société de droit français qui exerce une activité sensible ou stratégique5. A défaut, l'investissement n'est pas soumis à autorisation. En cas de doute, l'investisseur étranger et la société cible peuvent saisir le ministre chargé de l'Economie d'une demande écrite aux fins de savoir si cet investissement est soumis à une procédure d'autorisation (procédure de rescrit). Le ministre doit répondre dans un délai maximal de 2 mois, mais l'absence de réponse ne vaut pas dispense de demande d'autorisation. En pratique l'intérêt de cette procédure de rescrit est donc limité et dès lors que l'application de la procédure est pressentie, le calendrier de réalisation de l'opération envisagée sera nécessairement impacté par la procédure. b) Procédure Si les conditions sont remplies, la demande d'autorisation préalable est adressée au ministère chargé de l'Economie à la direction générale du Trésor. L'administration dispose alors d'un délai de 2 mois pour donner sa réponse. À défaut de réponse, l'autorisation est réputée acquise. En pratique le délai est généralement plus long car il ne commence à courir qu'à compter de la date à laquelle l'administration considère qu'elle dispose d'une information complète. A l'issue de la procédure d'instruction du dossier, le ministre en charge de l'Economie dispose de trois possibilités : - autoriser l'opération ; - autoriser l'opération sous des conditions permettant d'assurer la préservation des intérêts du pays ; ou - refuser l'opération, dans les deux cas suivants : • si aucune condition ne permettrait de garantir les intérêts du pays en matière d'ordre public, de sécurité publique et de défense nationale ; ou • si des doutes pèsent sur l'honorabilité de l'investisseur. Enfin si l'opération est autorisée, elle devra enfin faire l'objet d'une déclaration au moment de sa réalisation. Un point d'attention supplémentaire, le déclenchement de la procédure requiert le cas échéant de lancer une procédure d'information-consultation du Comité social et économique (lorsqu'il existe) dans la société cible en ce que l'opération envisagée pourrait constituer une modification de l'organisation économique ou juridique de cette société. Ce point devra être anticipé au regard notamment du calendrier envisagé pour réaliser l'opération. c) Sanctions Outre les sanctions visées en cas de manquement à l'obligation de déclaration statistique, des sanctions pécuniaires additionnelles peuvent s'appliquer. Par ailleurs, sera nul tout engagement, convention ou clause contractuelle qui réalise, directement ou indirectement, un investissement étranger lorsque cet investissement n'a pas fait l'objet de l'autorisation préalable exigée6. Le ministre chargé de l'économie, s'il constate qu'un investissement étranger est ou a été réalisé en méconnaissance des prescriptions légales, dispose également du pouvoir d'enjoindre l'investisseur de ne pas donner suite à l'opération, de la modifier ou de faire rétablir à ses frais la situation antérieure7. Enfin, le projet de loi PACTE (Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises) qui a été adopté en seconde lecture à l'Assemblée Nationale le 15 mars dernier et qui sera examiné par le Sénat dans les prochains jours devrait faire évoluer les dispositions susvisées et notamment élargir la liste des secteurs sensibles aux secteurs suivants : l'intelligence artificielle, le spatial, le stockage des données, les semi-conducteurs, la robotique et plus généralement protéger l'innovation dans les « secteurs d'avenir ». Les sanctions devraient également faire l'objet d'un renforcement en instaurant la possibilité pour le ministère de l'économie de geler les titres vendus ou de nommer un administrateur pour « faire obstacle à toute décision des organes sociaux de nature à porter atteinte aux intérêts vitaux » de l'entreprise. Dans ce contexte et en cas de doute, la procédure de rescrit devrait connaitre un regain d'intérêt en amont des opérations de levée de fonds, de LBO ou d'acquisition. En toute hypothèse, il conviendra de réexaminer les mesures de contrôle des investissements étrangers au regard du texte définitif de la loi PACTE.
1 D. n° 2017-93.2 du 10 mai 2017. 2 Les articles R. 152-4 et R. 152-5 du Code monétaire et financier ont été abrogés. 3Art. L. 165-1 et R. 165-1 du Code monétaire et financier. 4Relèvent d'une procédure d'autorisation au sens du I de l'article L. 151-3 du Code monétaire et financier, les activités visées à l'Art. R. 153-2 du Code monétaire et financier. 5 Art. R 153-2 du Code monétaire et financier 6 Art. R. 151-4 du Code monétaire et financier. 7 Art. R. 151-3 du Code monétaire et financier.