Sortie le 7 novembre
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Tribune de Yann Jéhanno, président du réseau immobilier Laforêt. - Pendant que le projet de loi de finances 2021 est en cours de négociation, un sujet critique pour la croissance de l'économie française apparaît aujourd'hui bien mal traité : celui de l'immobilier. L'État français et certaines collectivités annoncent en effet des décisions ou intentions dont le timing et les modalités d'application interrogent. Encadrement des loyers, renforcement des restrictions sur l'attribution des prêts immobiliers, décret sur la décence énergétique... Dans un contexte de récession économique, toutes ces mesures apparaissent inadaptées pour endiguer la crise du logement et soutenir la relance dont notre pays aura tant besoin demain.
Alors que la crise sanitaire actuelle fragilise notre économie, la capitale réclame l'augmentation des droits de mutation (DMTO) et plusieurs grandes métropoles (Bordeaux, Grenoble, Lyon et Montpellier) annoncent se porter candidates à l'encadrement des loyers. L'argument principal avancé est que celui-ci va faciliter l'accès au logement. Il suffit pourtant de regarder ce qui se passe à Paris et à Lille, où cette mesure est appliquée, pour s'apercevoir qu'il n'est pas plus facile aujourd'hui qu'hier de se loger. En revanche, ce dispositif incite les propriétaires à se tourner vers le marché de la location de courte durée et dissuade les bailleurs d'investir dans leur logement, voire les conduit à vendre leur bien. Cette démarche alibi ne fait qu'entretenir l'illusion que ces métropoles s'emparent du sujet épineux du logement. Or, en parallèle, elles expriment leur volonté de limiter la délivrance des permis de construire. C'est pourtant bien la construction de logements privés et sociaux qui permettra de résorber le déséquilibre entre l'offre et la demande, mais aussi de faire face à la croissance démographique dans les aires urbaines. Enfin, cette démarche témoigne de l'amnésie qui s'empare des collectivités : elles préfèrent ignorer les effets néfastes de cet encadrement déjà expérimenté par le passé pour se retrancher derrière une décision populaire dans l'opinion.
L'intérêt des Français pour l'immobilier reste néanmoins très fort. Il faut dire que les taux d'intérêt sont au plus bas, donnant à de nombreux citoyens l'opportunité d'emprunter pour devenir propriétaires. Seulement, il y a 1 an, le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), recommandait aux banques de tenir des positions plus strictes quant aux critères d'attribution des crédits immobiliers : ne pas dépasser 33 % d'endettement et limiter la durée des prêts à 25 ans. En juin 2020, alors que nous sortions à peine d'un premier confinement, cette institution, présidée par le ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance, maintenait ses recommandations. Une décision qui condamne aujourd'hui les jeunes actifs et les ménages modestes sans apport, qui auraient besoin d'emprunter sur une plus longue durée. Cette « logique » touche également les foyers aisés et les investisseurs, qui ne peuvent pas s'endetter au-delà de 33 % de leurs revenus. Ils pourraient pourtant aisément consacrer plus d'un tiers de leurs ressources au remboursement de leurs crédits immobiliers. La crise n'arrange rien. Les emprunteurs, fragilisés par les mesures de chômage partiel, sont contraints d'ajourner leurs projets. Et les choses ne devraient pas s'améliorer puisque l'Autorité bancaire européenne entend imposer des contraintes supplémentaires aux banques françaises dès juin 2021 pour les nouveaux crédits accordés et dès juin 2022 pour les prêts renégociés. Cette hyper-régulation doit cesser avant que la situation ne devienne réellement critique. Sans accès aux prêts, pas d'accès à la propriété ni d'investissements locatifs et une crise du logement qui va s'intensifier. Aujourd'hui, les établissements financiers ont droit de déroger aux critères du HCSF à hauteur de 15 % des crédits qu'elles accordent. Cette limite ne pourrait- elle pas être relevée à 30 % le temps que l'économie redémarre ?
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Autre sujet d'inquiétude : le projet de décret sur la décence énergétique, qui concernera les contrats de location conclus à partir du 1er janvier 2023. À cette date, les bailleurs ne pourront louer que si leur logement atteint un seuil de décence énergétique, l'objectif étant d'éviter la multiplication des passoires thermiques. Si l'intention est bonne, là encore, le timing interroge. Alors que les Français n'ont jamais autant épargné, comment imaginer que les bailleurs fassent de la rénovation énergétique leur priorité dans les 2 ans à venir ? Pour les y inciter, le gouvernement a lancé le dispositif MaPrimeRénov', censé permettre à tous les citoyens de financer leurs travaux de rénovation environnementale. En dehors du fait que les bailleurs ne pourront déposer leurs dossiers qu'à compter du 1er juillet 2021, le reste à charge, souvent élevé, s'avère décourageant. La promesse d'une aide pour tous est donc loin d'être tenue et ce dispositif ne permettra pas de répondre à ce qui, demain, sera une obligation légale. Lorsqu'on compile toutes ces annonces, on comprend vite que ni l'immobilier ni les Français ne sortiront gagnants de telles décisions. Le pays manque de logements, la crise sanitaire a encore ralenti les chantiers et l'État, à la peine sur le logement social, fait tout reposer sur le secteur privé auquel il ne cesse d'imposer de nouvelles contraintes. De quoi s'interroger sur la volonté des pouvoirs publics de s'occuper d'un secteur en difficulté, entre crise de l'offre et fragilisation de la demande.
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