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Dernière mise à jour : 25/03/2025 - 17h37
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Stéphane Bern : « Un monument historique, c’est un parcours du combattant et l’œuvre d’une vie. »

Interview. - En 2012, Stéphane Bern relève un défi de taille : restaurer le Collège royal et militaire de Thiron-Gardais, monument historique du XVIIe siècle alors délaissé. Il aura fallu trois ans de travaux pour que ce joyau renaisse sous la forme d'un musée, puis de sa résidence principale… mais aussi d'un lieu qui dynamise toute la région. Retour d'expérience.

Article extrait du magazine print Idéal Investisseur n°3.

Stéphane Bern : « Un monument historique, c’est un parcours du combattant et l’œuvre d’une vie. »
Temps de lecture : 4 minute(s) - Par C Courvoisier | Mis à jour le 23-03-2025 18:46 | Publié le 23-03-2025 18:26 Photo : France 3 Centre-Val de Loire / Morgane Production / Ugo Prod / Kisayang / France Télévisions 

Vous êtes un fervent défenseur du patrimoine depuis de nombreuses années. Aviez-vous déjà imaginé acquérir un monument historique avant que l’opportunité ne se présente ?

Stéphane Bern. - Pas du tout, ce n’était absolument pas dans mes projets de vie. Tout a commencé avec mon engagement dans l’émission Le village préféré des Français. Beaucoup de maires venaient me voir pour me parler des difficultés à entretenir leur patrimoine. Un jour, mon producteur de Secrets d’Histoire a parlé de mon intérêt pour ces sujets au président du département d’Eure-et-Loir. Il m’a alors proposé d’acquérir le Collège, dont l’entretien n’était plus soutenable pour la collectivité. À ce moment-là, j’ai réalisé que je ne pouvais pas passer mon temps à dire aux Français de sauver leur patrimoine sans le faire moi-même.

Mais se lancer dans un tel projet demande une véritable passion. Il ne faut surtout pas le faire pour de mauvaises raisons. Bien sûr, il existe des avantages fiscaux : si vous ouvrez les lieux au public plus de 40 jours par an, vous pouvez déduire une partie des travaux, des frais d’entretien et des intérêts d’emprunt. Mais cela ne doit jamais être la motivation première, car un monument historique représente un engagement à long terme. Il y a toujours des travaux à prévoir, un entretien à assurer : les dépenses sont inévitables. En revanche, la satisfaction de sauver un tel bâtiment est immense ! C’est avant tout un projet de vie. Certaines familles en font même une aventure collective : elles se regroupent, retroussent leurs manches et restaurent ensemble un bien, créant de véritables maisons de famille.

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Votre projet a beaucoup apporté à l’économie locale. Cela peut-il être vrai pour d’autres restaurations de monuments ?

Vous savez, le patrimoine ne se limite pas à la simple préservation des vieilles pierres. Il est un moteur économique essentiel, notamment dans les villages et les territoires ruraux. Quand un site est ouvert à la visite, il attire du monde, encourage l’installation de restaurants, de boutiques artisanales… On ne regarde plus le propriétaire d’un monument comme un privilégié, mais comme un acteur économique majeur du territoire. En parallèle, cela permet de soutenir les artisans d’art. J’ai eu la chance de travailler avec des compagnons et des artisans remarquables qui perpétuent un savoir-faire précieux. Ce sont des métiers d’excellence qu’il faut encourager. La restauration de Notre-Dame a mis en lumière ces talents, mais on les retrouve aussi dans nos villages.


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Stéphane Bern lors de l'inauguration du Collège Royal, Photo GettyImages-Bertrand Rindoff Petroff
Stéphane Bern lors de l'inauguration du Collège Royal, Photo GettyImages-Bertrand Rindoff Petroff
Stéphane Bern lors de l'inauguration du Collège Royal, Photo GettyImages-Bertrand Rindoff Petroff


Même si elles sont passionnées, beaucoup de personnes sont freinées par l’ampleur des travaux et les potentiels imprévus. Quels conseils donneriez-vous aux futurs acheteurs ?

L’essentiel est d’être bien accompagné. Un monument classé implique des démarches administratives spécifiques et un suivi rigoureux des travaux. La première erreur fréquente est de voir les architectes de bâtiments de France ou la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) comme un obstacle. Or, si vous les considérez comme des alliés, ils vous verront comme un protecteur du patrimoine et feront tout leur possible pour vous accompagner.

Un autre point clé est de faire appel à des assistants à la maîtrise d’ouvrage (AMO). Il s’agit de professionnels qui font le lien entre les propriétaires et les différents intervenants sur le chantier. Cela permet d’éviter des erreurs coûteuses et de s’assurer du bon déroulement des travaux. J’ai d’ailleurs œuvré, au plus haut niveau de l’État, pour qu’il y ait des AMO dans les préfectures de tous les départements qui puissent aider les mairies sur ces sujets.

Il faut aussi accepter le temps long. Avant de commencer, il faut environ un an d’études et d’attente pour obtenir les autorisations. Et il y a évidemment des surprises, bonnes ou mauvaises. Quand on m’a vendu le Collège royal, on m’a dit que le bâtiment était en bon état. Finalement, la charpente s’était affaissée de 35 cm, et il y avait de la mérule (un champignon invasif et destructeur, NDLR), ce qui a fait doubler les coûts. Mais en même temps, rencontrer des compagnons et des artisans qui m’ont raconté ce qu’ils allaient faire ou montré des maquettes a été merveilleux.

Enfin, pour les monuments classés ou protégés, il existe des aides de l’État, bien que celles-ci soient aujourd’hui réduites. On peut obtenir jusqu’à 40 % de subventions pour certains travaux. Il existe aussi des fonds européens, comme le FEDER, qui soutiennent les projets de restauration, notamment en milieu rural. En tant qu’animateur du service public, je m’abstiens de demander ces aides, mais il faut savoir qu’elles existent.




Les produits de marque Collège Royal, photo : Ségolène Danton
Les produits de marque Collège Royal, photo : Ségolène Danton
Stéphane Bern lors de l'inauguration du Collège Royal, Photo GettyImages-Bertrand Rindoff Petroff


Votre projet pour le Collège royal de Thiron-Gardais dépasse le cadre de la seule restauration. Vous souhaitez aussi en faire un lieu vivant ?

Absolument. Je pense qu’il faut voir l’investissement dans un monument historique comme la création d’une PME. Il faut lui donner une mission, l’intégrer dans son époque et en faire un lieu attractif. Cela permet non seulement de couvrir une partie des coûts d’entretien, mais aussi de le rendre accessible à tous. Mon objectif est de faire du Collège un lieu dynamique : j’ai créé une petite entreprise du patrimoine pour le faire vivre et l’entretenir. Nous organisons tous les ans la Fête des jardins qui attire plusieurs centaines de visiteurs [voir notre encadré, NDLR], avec des expositions, des ventes, des conférences… Le musée et les jardins sont aussi ouverts au public tout l’été. Mais je veux aller plus loin, en créant des salles de séminaire et en louant des espaces pour des événements. Nous avons aussi créé la marque Collège Royal, qui vend des produits d’art de vivre dans plusieurs musées et sites historiques : des savons, des sacs, des mugs, des tee-shirts sur lesquels on joue avec l’imaginaire avec la « vie de château », le « Suivez-moi »…

Si vous pouviez revenir en arrière, que feriez-vous différemment ?

Rien du tout ! C’est une formidable aventure. Il faut le voir comme un projet de vie, un engagement qui dépasse sa propre existence. Mais aussi, un monument historique nous survit : en réalité, c'est nous qui lui appartenons plus que lui ne nous appartient ! Il est donc indispensable de penser à l’avenir, à sa transmission, à la manière dont il pourra être préservé sur le long terme, par exemple en créant une fondation ou un fonds de dotation pour éviter les écueils de l’indivision.
Mais surtout, la joie de voir un monument reprendre vie et d’en faire un lieu vivant est une récompense inestimable. Oui, il y a des imprévus et des moments de doute. Mais je suis persuadé que nombre de vos lecteurs, entrepreneurs dans l’âme, comprendront toute la dynamique qui peut se créer autour d’un tel investissement.

Collège royal et militaire de Thiron-Gardais (Eure-et-Loir) :

Fête des jardins : les 3 et 4 mai 2025
Ouverture des visites au public (musée et jardins) : du 1er juillet 2025 au 31 août (fermé le lundi et mardi matin). Adultes : 8 €. Enfants de 12 à 18 ans : 5 €. Enfants de 7 à 11 ans : 2 €. Gratuit pour les moins de 7 ans.
Visites en groupe de plus de 20 personnes possibles toute l’année sur demande.
Pour en savoir plus, le documentaire réalisé par Anne Plantard « Le collège royal et militaire de Thiron-Gardais : la nouvelle vie de Stéphane Bern » (France 3 Centre-Val de Loire / Morgane Production / Ugo Prod / Kisayang / France Télévisions)

Lien vers la boutique du Collège Royal et militaire de Thiron Gardais

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