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Dernière mise à jour : 26/03/2025 - 17h35
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Réforme du DPE : une nouvelle usine à gaz ?

Le 19 mars 2025, Valérie Létard, ministre du Logement, a dévoilé un plan de réforme destiné à restaurer la crédibilité du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE). L'objectif : faire du DPE un outil technique rigoureux, contrôlé, et protégé des dérives commerciales. En toile de fond, une montée en puissance du cadre réglementaire, sous haute tension dans un marché encore fragmenté.

Réforme du DPE : une nouvelle usine à gaz ?
Temps de lecture : 3 minute(s) - Par C Dulary | Mis à jour le 24-03-2025 12:09 | Publié le 24-03-2025 11:45 Photo : Shutterstock 

Un plan de fiabilisation massif

Avec son influence de plus en plus grande sur les ventes et les nouvelles interdictions de location de logements classés F et G, les résultats des DPE prennent une tournure capitale pour les propriétaires. Or, malgré de multiples refontes, les critiques envers cet outil, sa méthodologie et ses résultats aléatoires n'ont cessé de croître.

Premier axe de cette nouvelle réforme : le renforcement des contrôles des diagnostiqueurs. Le nombre d’audits de DPE passera ainsi de 3 000 à 10 000 par an, et les 4 millions de DPE les plus récents seront passés au peigne fin. L’intelligence artificielle sera déployée à grande échelle pour détecter les diagnostics incohérents ou réalisés dans des délais anormalement courts. Et surtout, chaque intervention devra désormais être géolocalisée. En cas d’absence de preuve de présence sur site, le diagnostic sera tout bonnement rejeté.

Deuxième volet, la lutte contre les fraudes. Le gouvernement durcit les sanctions : une certification pourra être suspendue jusqu’à deux ans (contre dix mois aujourd’hui). Une liste noire nationale des diagnostiqueurs sanctionnés sera également maintenue, accessible aux agences comme aux particuliers. Autre mesure forte : les résultats du DPE ne seront plus affichés immédiatement à la fin de la visite. Ils seront envoyés ultérieurement, afin de protéger les diagnostiqueurs des pressions ou des tentatives de manipulation.

Troisième axe : la professionnalisation de la filière. Une formation initiale spécifique sera introduite post-bac, afin de structurer durablement le métier. Et une mission parlementaire a été lancée pour étudier la création d’un ordre professionnel des diagnostiqueurs. Un signal fort envoyé à une profession qui aspire à une reconnaissance institutionnelle, mais reste encore éclatée, avec des niveaux de compétence disparates.

Enfin, côté usagers, une mesure de transparence est prévue pour septembre 2025 : l’intégration d’un QR code sur chaque DPE, permettant aux propriétaires ou locataires de vérifier l’authenticité du document via le site de l’Ademe. Ce mécanisme s’ajoutera à la traçabilité numérique déjà mise en place en 2021.

Le calendrier est serré : dès juin, les organismes certificateurs seront eux-mêmes contrôlés. Puis viendront le déploiement du QR code (septembre), et la modification des logiciels interdisant l’affichage immédiat des résultats (décembre). Autant de jalons qui devraient transformer profondément la pratique du DPE en moins de douze mois. Reste à savoir si le marché est prêt.

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Un cadre encore en rééquilibrage

Cette réforme s’inscrit dans un cycle plus large de refonte du DPE. En 2024, une première révision avait ciblé les petites surfaces de moins de 40 m², souvent pénalisées par une méthode de calcul peu adaptée. L'idée était de corriger une distorsion qui plaçait mécaniquement de nombreux studios en classe F ou G, sans lien réel avec leur efficacité thermique.

Cette fois, l’approche est plus systémique. L’État assume sa volonté d’assainir l’outil, y compris au prix d’une complexification significative. Un rapport du Conseil d’Analyse Économique avait pointé dès 2024 que 1,7 % des diagnostics restaient manifestement erronés, avec des écarts pouvant atteindre deux classes. Pour un marché aussi sensible que celui du logement, ces chiffres suffisaient à décrédibiliser l’ensemble du dispositif. Le plan Létard vient donc tenter de refermer ce chapitre, avec des moyens accrus et un pilotage centralisé, appuyé par des technologies de suivi et de détection.


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Entre performance et accessibilité, une ligne de crête

Du côté des propriétaires, la pression s’intensifie. Le calendrier d’interdiction progressive à la location pour les logements mal classés continue de s’appliquer. En parallèle, les exigences de rénovation énergétique deviennent de plus en plus précises, techniques, et coûteuses.

Dans ce contexte, la réforme du DPE ajoute un nouveau niveau de contrainte. Les associations de propriétaires dénoncent une double peine : un diagnostic plus cher, et des travaux imposés dans un cadre fiscal jugé insuffisant. « L’État renforce les obligations sans élargir les moyens. Ce n’est pas tenable à long terme », résume un représentant de l’UNPI. Les professionnels de l’immobilier, eux, redoutent un effet de gel sur certaines transactions, notamment dans les copropriétés anciennes, où l’évolution d’un DPE repose sur des décisions collectives rarement prioritaires.



Des mots aux actes...

Avec la réforme de 2025, le DPE passe un cap. En toile de fond, la volonté politique est assumée : fiabiliser, sanctionner, professionnaliser. Mais cet assainissement se fera sous contrainte, et son acceptabilité dépendra largement de la capacité des pouvoirs publics à accompagner la transition financièrement, techniquement, et socialement. Surtout, reste à savoir si l'État sera en mesure de déployer toutes ces mesures aussi rapidement qu'annoncé.

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