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Nouveau tour de vis sur la location meublée : adieu Airbnb ?

Le Parlement français a tranché : une loi adoptée définitivement le 7 novembre 2024 impose une régulation rigoureuse sur les locations touristiques de courte durée, avec en ligne de mire une promesse de rééquilibrage du marché immobilier. Les conséquences sur les investisseurs particuliers et les entreprises locales ne sont pas neutres. New York, exemple frappant de régulation intense, a par exemple vu son marché locatif se métamorphoser de manière inattendue, avec des conséquences marquées sur l'économie locale.

Temps de lecture : 5 minute(s) - Par L Villedoré | Publié le 12-11-2024 08:00  Photo : Shutterstock  
Nouveau tour de vis sur la location meublée : adieu Airbnb ?

Airbnb : un enjeu de taille

L’explosion des locations touristiques est dans le viseur des pouvoirs publics depuis un certain temps. À Paris, Lyon, ou sur la Côte d’Azur, les résidents voient les prix grimper et les locations se raréfier. Pour Annaïg Le Meur, députée macroniste et co-auteure de la loi, le coupable est trouvé : les locations Airbnb n’ont fait qu’« accélérer la spéculation » et « compliquer encore l’accès au logement » pour les locaux. Face à cette situation, la nouvelle législation serait une avancée essentielle pour redonner du souffle au marché résidentiel.

L’Association Nationale des Élus de Montagne (ANEM), qui a défendu la mise en place de nouvelles mesures, salue le texte. Elle y voit un moyen de « trouver un juste équilibre entre le maintien de l’activité touristique, secteur économique indispensable à l’attractivité, à l’emploi et à l’économie des territoires de montagne, et aussi permettre à ceux qui y vivent et qui y travaillent d'y habiter de façon pérenne dans des conditions acceptables. »

Mais derrière cet enthousiasme, beaucoup de voix s'élèvent. Car à force de régulations, les propriétaires se sentent étranglés. Nombre d’entre eux ont investi dans des petites habitations souvent à crédit, ou utilisent leur propre résidence principale pour arrondir leurs fins de mois. Dans un contexte économique tendu, les plateformes de location constituent une source de revenus importante. À l'autre bout de la chaîne, en permettant aux voyageurs d’accéder à une offre élargie et souvent plus abordable, ces plateformes favorisent aussi l’attractivité touristique de nombreuses villes. Et leur dynamisme économique.

L'équilibre reste donc précaire, complexe, et pourrait être mis à mal par une législation très stricte.

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Réforme fiscale : fin des avantages pour les meublés touristiques

Jusqu’à présent, les locations touristiques jouissaient d’avantages fiscaux notables. Avec la nouvelle loi, l’abattement fiscal pour les meublés non classés passe de 50 % à 30 %, pour aligner leur fiscalité sur celle des locations nues. Quant aux meublés classés, leur abattement descend de 71 % à 50 %, et le plafond de revenus locatifs est limité à 77 700 €, contre 188 700 € auparavant.

Le tournant est net : la loi vise en effet à encourager la location de longue durée, en dissuadant d'opter pour le meublé touristique. Mais rien n'est acquis pour autant ! « Le flou persiste car la fiscalité n’est pas l’objet principal du texte, et ce volet de la loi pourrait être remis en cause par le projet de loi de finances pour 2025, qui contient lui-même plusieurs amendements visant à revoir la fiscalité des meublés de tourisme, amendements qui reprennent d’ailleurs les propositions qu’avaient faites les députés lors de leur examen de la loi en janvier », précise Baptiste Bochart, juriste pour jedéclaremonmeublé.com.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que la stabilité juridique et fiscale tant demandée par les investisseurs et les entreprises est encore loin d'être au rendez-vous.




Pouvoirs accrus pour les maires et nouvelles exigences énergétiques

Si la fiscalité est encore en discussion, d'autres volets de la loi sont, quant à eux, définitifs. Et ils ne vont pas faciliter la lecture et la compréhension des possibilités offertes en matière d'investissement.

Pour renforcer le logement local, les maires disposent désormais d’outils supplémentaires. Ils peuvent réduire la durée de location des résidences principales à 90 jours par an, contre 120 auparavant. Afin de relâcher la pression des locations de courte durée sur le parc immobilier résidentiel, ils peuvent aussi instaurer des quotas de meublés de tourisme. Pour les zones où plus de 20 % des habitations sont des résidences secondaires, le Plan Local d’Urbanisme (PLU) pourra établir des zones réservées aux résidences principales. Des difficultés sont donc à prévoir pour les personnes qui louent actuellement dans ces secteurs.

Mais un autre élément est potentiellement celui qui risque d'avoir les conséquences les plus palpables sur les loueurs en meublés. Dès 2025, les nouveaux logements mis en location touristique devront répondre à des standards énergétiques minimums avec un DPE E, et atteindre un niveau D d’ici 2034. Pour les logements déjà en location, un délai de dix ans est accordé pour se conformer aux normes. Cette mesure oblige les investisseurs à repenser leurs choix : les rénovations énergétiques ne sont pas optionnelles et pèsent désormais sur les calculs de rentabilité au travers des travaux nécessaires.



New York : un exemple d'équilibre incertain

Avec une baisse drastique de 90 % des offres Airbnb depuis les restrictions de 2023, New York est devenu l’exemple de ce que peut engendrer une régulation intense. Le coup a été dur pour les touristes : en un an, les tarifs des hôtels se sont envolés de 7,4%, contre 2,1% à l'échelle nationale, comptez 343 dollars en moyenne pour une nuit). Face à ces prix plus élevés, ils viennent moins nombreux, et un marché illégal de location tend même à apparaître. En parallèle, l'effet sur le logement reste mesuré : les loyers ont continué d'augmenter (+3,4% en un an).

Supprimer près de 20.000 offres de logements touristiques sur 22.000 signifie aussi priver l'économie locale d’une manne précieuse : en septembre 2023, soit à l'aube des restrictions Airbnb, le site officiel de l'Etat de New York écrivait que « l'industrie touristique locale avait généré plus de 78,6 milliards de dollars de dépenses directes et 123 milliards de dollars d'impact économique total en 2022, dépassant ainsi le précédent record de 2019 ». Reste à voir quels seront les chiffres pour 2023 et 2024 avec la suppression de quelques millions de nuitées, en dépit de l'initiative politique « Bring Back Tourism, Bring Back Jobs » lancée en parallèle. En 2020, l'industrie touristique de l'État de New York avait en effet subi une perte de près de 330 000 emplois en raison de la pandémie. Cette situation avait conduit la gouverneure Kathy Hochul à lancer ce plan en novembre 2021, un investissement de 450 millions de dollars visant à soutenir les travailleurs du secteur touristique.

Voici une leçon que la France pourrait tirer. Le pays qui reste la première destination au monde doit faire attention à ne pas étouffer le tourisme, un secteur qui pèse pour 3,6% du PIB selon l'INSEE. New York montre les dangers d’une régulation trop stricte : protéger les habitants, oui, mais sans perdre de vue la vitalité économique. Ici, les décideurs devront veiller à ne pas briser cet équilibre fragile entre droit au logement et préservation de l’attractivité touristique. Encore faudrait-il qu'ils aient du temps pour simuler et réfléchir aux conséquences de leurs décisions, et qu'ils mettent en place des analyses sur plusieurs années afin de mesurer concrètement leurs impacts. Peut-on rêver un peu ?

Des opportunités en trompe-l'œil : quel impact pour les investisseurs ?

Le durcissement du cadre juridique et fiscal, combiné aux nouvelles exigences énergétiques, pourrait pousser certains investisseurs à abandonner la location courte durée, jugée moins rentable. Si cette réduction de l’offre limite les recettes touristiques, elle encourage aussi le réinvestissement vers des locations de longues durées, plus stables. Mais à quel coût pour l’économie locale ?

D'autant que ces nouvelles normes impliqueront des dépenses supplémentaires pour les loueurs. Rénover, adapter, respecter des seuils énergétiques : certains investisseurs vont clairement hésiter. Et cette réticence, inévitable, pourrait se traduire par un recul de l’offre touristique globale, impactant ainsi directement les villes déjà en délicatesse avec leurs finances depuis la suppression de la taxe d'habitation.

Aussi certains poussent désormais pour trouver un compromis durable et une régulation plus ciblée, limitant les restrictions aux zones de forte pression locative. D’autres proposent des incitations fiscales pour encourager la rénovation et la mise aux normes des logements, ou encore un partenariat avec les plateformes de location, qui pourraient accompagner la régulation sans freiner la dynamique touristique.

La France se lance donc dans un pari audacieux, celui de réguler un secteur en plein essor sans étrangler son dynamisme. L’exemple de New York devrait rester en tête : l’équilibre entre protection des résidents et préservation économique est fragile. Pour les investisseurs, il sera essentiel d’adapter leurs stratégies, de diversifier, de s’informer pour naviguer dans ce cadre en mutation rapide, où opportunités et contraintes cohabitent plus que jamais.

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