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Bitcoin : malgré ses records, la crypto n'est pas une « monnaie »

Comme Tesla, un nombre croissant d'entreprises investissent dans le Bitcoin. Parfois qualifiée de « monnaie », la crypto n'en a pas encore les caractéristiques.

Temps de lecture : 7 minute(s) - Par C Courvoisier | Mis à jour le 18-10-2021 09:03:00 | Publié le 10-02-2021 15:34  Photo : Adobe Stock  
Bitcoin : malgré ses records, la crypto n'est pas une « monnaie »

Un actif hautement spéculatif

Le 9 février 2021, le Bitcoin vient une nouvelle fois de franchir un seuil historique, dépassant 47.000 dollars (38.000 euros). Pour rappel, 1 Bitcoin valait moins de 0,05 dollars en 2010, passait les 1000 euros en 2017, s'échangeait contre 9900 dollars en février 2020. Fin 2020, les discussions portaient sur la possibilité ou non que la cryptomonnaie star dépasse les 20.000 dollars.

Cette folle progression n'a pas été linéaire. Le Bitcoin est caractérisé par une très grande volatilité. Si les monnaies officielles évoluent peu, la crypto subit des hausses et baisses vertigineuses en fonction de son actualité. Cette sensibilité en fait un actif hautement spéculatif. Il peut donc mener les personnes qui y investissent à gagner beaucoup d'argent ou à perdre tout ou partie de l'argent misé.

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Telsa, MassMutual, MicroStrategy...De grandes entreprises misent sur les Bitcoins

En décembre 2020, MassMutual, l'une des plus grandes sociétés financières des États-Unis, a annoncé investir 100 millions de dollars dans la cryptomonnaie. A l'époque, le prix d'un Bitcoin était de 20.000 dollars, son plus haut historique. L'éditeur de logiciel MicroStrategy a suivi le mouvement, achetant pour plus d'un milliard de dollars de la cryptomonnaies.

Début février 2021, Elon Musk, accessoirement l'homme le plus riche du monde, a annoncé que sa société Tesla y a investi 1,5 milliard de dollars et que les Bitcoins seraient bientôt acceptés comme moyen de paiement. C'est la première fois qu'un groupe industriel de cette envergure investit dans une cryptomonnaie. Aussitôt, le cours du Bitcoin a explosé, atteignant un nouveau pic historique à 48.215,82 dollars, avant de retomber un peu.

Il faut dire que Elon Musk, également patron de SpaceX, a une influence grandissante sur le cours des actifs. En janvier 2021, après l'annonce de la modification des conditions générales de l'application WhatsApp, son simple tweet « Use Signal », qui invitait à utiliser une messagerie concurrente, avait fait décoller le cours de la société Signal Advance de +6860%. Situation cocasse : il ne s'agissait pas de la bonne entreprise... Notre récit de l'histoire est ici.

Les acteurs des cryptomonnaies accueillent ces nouveaux investissements avec enthousiasme. Chaque arrivée d'un poids lourd dans le monde du Bitcoin renforce sa légitimité et son attrait potentiel pour les particuliers et les entreprises. Selon Patrick Heusser, courtier chez Cryptobroker, l'investissement de Tesla « ne rebat pas complètement les cartes, mais renforce l'idée que le bitcoin a sa place dans les trésoreries d'entreprise ».

Les États ne sont pas en reste. En novembre 2020, la Chine a saisi 194.775 Bitcoins (équivalent à 3,5 milliards d'euros de l'époque) dans une affaire d'escroquerie, soit l'équivalent de 1% du total des Bitcoins en circulation. Le pays est ainsi devenu le premier détenteur mondial de la cryptomonnaie star. Retrouvez le récit de cette histoire ici.




Le Bitcoin a les caractéristiques d'un actif financier, mais pas d'une monnaie

Avec des marques d'intérêt qui se multiplient, beaucoup aimeraient voir le Bitcoin s'installer comme monnaie alternative. Mais pour le moment, plusieurs obstacles empêchent cette reconnaissance.

Depuis sa création, les variations de la valeur du Bitcoins reposent beaucoup plus sur l'offre et la demande de l'actif que sur le pouvoir d'achat qu'il procure. Ces fluctuations sont particulièrement conditionnées par l'actualité de la cryptomonnaie elle-même.

Ainsi, le Bitcoin ne peut pas être considéré comme une monnaie à proprement parler. La cryptomonnaie n'est pas reconnue en tant que telle par les différents États du globe. Contrairement aux officielles, elle n'est pas émise par une banque centrale* et ne bénéficie donc pas d'une parité qui lui assurerait la stabilité nécessaire à son déploiement à grande échelle. Ce qui est logique, puisqu'elle n'a pas été conçue pour accompagner l'activité économique.

Au-delà de ces aspects politico-économiques, peu de biens et de services peuvent être achetés au moyen de Bitcoins. La cryptomonnaie n'a donc pas de réelle valeur d'échange. Mais elle a indéniablement gagné sa qualité d'actif financier. D'autant que contrairement aux monnaies étatiques, le nombre total de Bitcoins destinés à être mis en circulation est limité à un peu moins de 21 millions d'unités (chacune étant divisible 8 fois). Si le dernier Bitcoin devrait être produit vers l'an 2140, le nombre de nouvelles unités décroit chaque année. Ce qui, dans l'absolu, en fait un actif de plus en plus convoité mais de plus en plus rare.



La stabilité des monnaies est nécessaire à l'économie

Le Bitcoin, comme toutes les autres cryptomonnaies, est actuellement un actif dont la valeur est basée sur la spéculation. Cela explique les très grandes variations de sa valeur sur de courtes périodes. Les monnaies officielles sont, fort heureusement, peu volatiles, notamment grâce à l'intervention des Banques centrales. Pour en savoir plus, c'est ici.

L'un des problèmes principaux qui font que le Bitcoin ne peut pas être assimilé à une monnaie est précisément son hyper-volatilité. Pourquoi la stabilité d'une monnaie est-elle si importante ? Car elle a une conséquence directe sur la stabilité des prix, et donc sur le pouvoir d'achat, sur la confiance des agents économiques (ménages, entreprises, États) et sur le niveau de vie des populations. Une trop grande fluctuation ferait perdre la confiance en la monnaie.

L'économie est très sensible à la variation de la valeur des monnaies. Notre système actuel fait que de nombreux produits et services dépendent d'achats et d'investissement réalisés au moyen d'autres devises, que ce soit directement ou indirectement. La France est par exemple le premier pays touristique du monde : une partie de ses ressources dépend du pouvoir d'achat des étrangers. C'est aussi un pays qui importe des produits et des matières premières. Ainsi, la stabilité des monnaies entre elles contribue à garantir une partie de l'activité économique, des emplois, et de l'accès aux biens et aux services.

Exemple : que se passerait-il si l'euro était aussi volatil que le Bitcoin ?

Entre le 1er décembre 2020 et le 9 février 2021, la valeur de la cryptomonnaie a progressé de 148%, c'est-à-dire qu'elle a été multipliée par environ 2,5. Imaginons un instant que le dollar soit aussi volatil que le Bitcoin, et que son cours par rapport à l'euro ait été multiplié par 2,5.

Notre pouvoir d'achat à l'étranger aurait considérablement diminué. Prenons l'exemple de l'achat d'une voiture des deux côtés de l'Atlantique. Lorsque 1 dollar vaut approximativement 1 euro, un Français qui achète une voiture aux États-Unis pour 10.000 dollars paie environ 10.000 euros. Si le dollar progresse et qu'il s'échange désormais contre 2,5 euros, la même voiture devient soudain beaucoup plus chère pour le Français : 25.000 euros ! A l'inverse, l'Américain voit son pouvoir d'achat s'améliorer nettement. S'il veut acheter une voiture 10.000 euros, il ne doit plus débourser que 4.000 dollars.

Projetons-nous maintenant avec des Bitcoins et imaginons ce qui pourrait être notre quotidien avec ces fluctuations. Lorsque sa valeur croit, le pouvoir d'achat augmente pour les produits et services dont le prix est fixé en euros. Ainsi, celui qui détenait 10 Bitcoins le 1er décembre 2020 avait un pouvoir d'achat de 150.633 euros et de 383.850 euros le 9 février. Mais dans le cas où la valeur de la cryptomonnaie regagnerait celle qu'elle avait seulement 2 mois auparavant, le pouvoir d'achat de ces mêmes 10 Bitcoins seraient réduits à seulement 91.950 euros.

Tous ces mouvements de valeurs sont évidemment intéressants (bien que très risqués) dans une perspective de spéculation. Ils le sont beaucoup moins s'il s'agit de mettre de l'argent de côté pour acheter une maison, préparer sa retraite ou même faire ses courses... Ce que l'on demande aux vraies monnaies, c'est de conserver au maximum notre pouvoir d'achat, et donc d'être stables.

Les institutions sont méfiantes envers les cryptomonnaies

Les institutions regardent les cryptomonnaies d'un oeil méfiant. D'une part, elles souhaitent que les particuliers évitent de penser que le Bitcoin peut remplacer la monnaie traditionnelle pour leurs achats. « Ce n'est pas une monnaie », a expliqué Christine Lagarde, la présidente de la Banque Centrale Européenne (BCE)* le 7 février sur BFMTV. « Un cryptoactif, ce n'est pas une monnaie. C'est un actif hautement spéculatif. »

Les particuliers doivent donc bien avoir à l'esprit que la forte volatilité du cours des Bitcoins expose à une perte potentielle, pouvant aller jusqu'à l'intégralité de la somme investie. « Ce qu'il faut simplement, c'est que les consommateurs ne soient jamais spoliés et soit parfaitement informés de la nature du risque qu'ils prennent. S'ils achètent un bitcoin, c'est un actif spéculatif », a martelé la présidence de la BCE.

Le Bitcoin n'est pas la seule monnaie virtuelle à se situer dans le collimateur des institutions. Le projet « Diem » de Facebook provoque une levée de boucliers de la part de nombreux États. « Là où l'on peut plus parler de monnaie, c'est Diem, que l'on appelait autrefois Libra, qui est la tentative par Facebook de mettre en place un élément qui s'échangerait pour un dollar », a expliqué Christine Lagarde. Ce qui en ferait la première monnaie émise par une entreprise privée à offrir une stabilité à ses usagers, donc proche des caractéristiques des monnaies officielles. Une approche qui inquiète les États, comme nous l'expliquions ici.

Le Diem, une cryptomonnaie ancrée sur le dollar oui, mais pas sur l'euro, « parce que nous, on n'est pas d'accord » a indiqué la présidente de la BCE. « Il faut impérativement que si une activité est conduite par un acteur privé, cette activité, si elle s'apparente à de la 'monnaie', soit soumise exactement aux mêmes règles, exactement aux mêmes régulations, exactement aux mêmes mécanismes de supervision », a-t-elle commenté.

Face à la pression des cryptomonnaies non-étatiques, la BCE travaille actuellement à l'émission potentielle de son propre euro virtuel. La Suède teste quant à elle sa « e-Krona » depuis février 2020.

Le Bitcoin finance-t-il les activités illicites ?

Une autre critique formulée à l'encontre du Bitcoin est sa proximité avec les activités illégales. Selon Christine Lagarde, les cryptoactifs sont souvent utilisés pour le « financement d'un certain nombre de commerces qui se passent sur le dark web ». Un point de vue que partage l'administration américaine. Janet Yellen, secrétaire au Trésor du président Joe Biden, considère que les cryptomonnaies trouvent dans les activités illicites « leur principale usage », et qu'elles devraient être soumises à une plus forte régulation.

Si le phénomène existe, sa prédominance est discutée. Jusqu'à la fermeture d'un site nommé Silk Road, en 2013, la cryptomonnaie était souvent utilisée pour l'achat de drogue, de données piratées, voire le financement du terrorisme. Mais selon Chainalysis, plateforme d'analyse qui tend à devenir une référence en matière d'études sur les cryptomonnaies, ces utilisations deviendraient largement minoritaires. En 2020, les activités illégales n'auraient représenté que 0,34% des volumes échangés en Bitcoin, (soit environ 10 milliards de dollars), « l'activité économique » ayant, pour sa part, fortement augmenté.



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