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Initial Coin Offering (ICO) : comprendre les levées de fonds en crypto-actifs

Une « Initial Coin Offering », également dénommée « ICO », est une nouvelle méthode de levée de fonds basée sur l'univers des crypto-actifs. Tour d'horizon de cet investissement très particulier.

Temps de lecture : 8 minute(s) - Par C Courvoisier | Mis à jour le 13-04-2021 13:48:00 | Publié le 17-02-2020 17:57  Photo : © Adobe Stock  
Initial Coin Offering (ICO) : comprendre les levées de fonds en crypto-actifs

Qu'est-ce qu'une « Initial Coin Offering » ou « ICO » ?

Une « Initial Coin Offering », ou « ICO », est une nouvelle méthode de levée de fonds basée sur l'univers des crypto-actifs, ou « actifs numériques ».

En clair, il s'agit pour un porteur de projet de récolter des fonds auprès d'investisseurs, mais en passant par les nouvelles technologies que sont :
• une cryptomonnaie pour l'achat (comme le Bitcoin par exemple),
• des cryptoactifs qui matérialise les « titres » acquis (nommés « jetons » ou « tokens »),
• la technologie blockchain pour l'enregistrement de la propriété des jetons.

Autrement dit, dans une ICO, un porteur de projet émet des crypto-actifs sous forme de « tokens » (ou « jetons » en français) pour lever des fonds. Les investisseurs reçoivent ces tokens au moyen d'une crypto-monnaie (Bitcoin, Ethers). L'opération est inscrite dans un registre numérique partagé, le « protocole blockchain ».

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Investir des fonds contre l'obtention d'un droit d'usage du futur produit ou service

Une des grandes différences avec une levée de fonds classique est que ces crypto-actifs ne sont pas des titres financiers : ce ne sont ni des actions (qui représentent une fraction de la propriété de la société émettrice), ni des obligations (qui représentent une créance sur l'entreprise). Il s'agit de « jetons d'usage », qui donnent un droit d'utiliser le service ou de recevoir des produits. On peut les comparer à une sorte de bon d'achat.

En achetant un token, on achète donc le droit d'utiliser le produit ou le service qui sera développé. Pour le porteur de projet, ce type de levée de fonds est intéressant car il lui permet de conserver le contrôle total de son projet sans céder des parts.

L'ICO est ainsi comparable à certaines opérations de crowdfunding, dans lesquels les investisseurs donnent de l'argent pour le développement d'un projet en échange du droit de recevoir le produit une fois qu'il sera développé. La valeur du token est donc sensée se baser sur le prix du futur service ou produit qui seront utilisables.

Les tokens acquis sont censés être échangeables sur un marché secondaire contre de la crypto-monnaie. Dans ce cas, la valeur des tokens est sensée varier avec l'offre et la demande. Néanmoins, il faut noter que ce marché n'est pas encore très développé pour le moment. Bien que des plateformes existent, encore faut-il trouver un acheteur pour le token précis que l'on souhaite vendre.




En France, les produits financiers destinés aux particuliers sont très encadrés. La plupart des émetteurs ont l'obligation de demander une autorisation, nommée un « visa », avant de pouvoir collecter des fonds auprès des particuliers. C'est par exemple le cas des SCPI, FCPI, FCPR...
Les sociétés de gestion de portefeuille ou établissements financiers qui créent ces produits présentent ainsi le produit aux autorités, les conditions de souscription, les frais, les modalités de fonctionnement. L'AMF est chargée de déterminer leur conformité à la législation avant qu'ils puissent être mis sur le marché et collecter des fonds auprès du grand public.

Ce que dit la loi : le visa de l'AMF reste optionnel pour les ICO

La France fait figure de pionnière en matière d'économie numérique. Le cadre réglementaire français évolue constamment pour s'adapter à ces nouvelles levées de fonds, et en la matière la loi Pacte a apporté son lot d'évolutions intéressantes.

Après avoir légalisé la blockchain en lui conférant le statut de valeur certaine début 2019, la loi pacte est venue encourager le recours aux ICO en permettant aux porteurs de projet qui le souhaitent de demander un visa à l'autorité des marchés financiers (AMF).

Pour cela, le porteur de projet doit démontrer la solidité juridique de son projet et de ses procédures, en fournissant un document d'informations détaillé (une sorte de « white paper »). L'émetteur doit aussi démonter qu'il respecte la réglementation, et notamment les procédures de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

Les ICO ne concernant pas des titres financiers (ils ne peuvent être accordés que pour l'émission de jetons utilitaires), le visa reste pour l'instant optionnel. Il permet néanmoins aux porteurs de projet de faire de la publicité autour de la levée de fonds, ce qui est un avantage non négligeable. La durée et le montant d'une Initial Coin Offering sont en effet fixés en avance et ne peuvent pas être modifiés. Ainsi le porteur de projet a tout intérêt à communiquer bien avant le lancement de son offre, afin qu'un maximum de souscripteurs puisse investir le moment venu. D'où l'intérêt d'obtenir un visa.

A signaler : les ICO lancées sans visa restent, à ce jour, tout aussi légales.



Quel est l'intérêt d'acheter des jetons lors d'une ICO ?

Encore une fois, une ICO ne peut pas concerner des jetons assimilables à des titres financiers. Du côté des investisseurs, contribuer à une ICO a donc comme intérêt principal de participer à un projet et de bénéficier d'un droit d'usage sur un futur produit ou service. Un autre aspect peut être purement spéculatif, le souscripteur croyant au projet et pensant pouvoir faire une plus-value dans le temps en revendant ses tokens sur le marché secondaire.

A ce jour, les ICO servent surtout à financer les acteurs de la blockchain, des applications basées sur cette technologie ou encore des plateformes dédiées... aux Initial Coin Offering. Côté porteur de projet, elles permettent de lever des fonds sans avoir à céder une partie du capital de l'entreprise ou d'être soumis à des exigences de rentabilité liées à l'entrée d'investisseurs en capital-risque ou capital-développement.

Les ICO sont ainsi en rupture par rapport au modèle classique de financement des acteurs du numérique. Celui-ci fonctionnait jusqu'à maintenant surtout sur « l'effet de réseau » : plus un service numérique a d'utilisateurs, plus il est intéressant d'y investir et de le rejoindre. Avec les ICO, les souscripteurs sont incités à entrer dans le projet au moment où il y a peu d'utilisateurs et où la valeur des tokens est encore raisonnable, dans une optique de pouvoir revendre ou utiliser à moindre frais la technologie qui va être développée.

Quels sont les risques d'investir dans une ICO ?

Pour l'investisseur, la participation à une ICO est risquée à plusieurs titres.
D'une part, il existe un risque sectoriel : comme pour les levées de fonds plus « classique » liées au financement de l'économie numérique, il s'agit de financer des projets liés à l'émergence d'un nouveau secteur, dont on ne peut savoir s'il occupera un jour une place importante dans l'économie. Ce à quoi il faut ajouter le risque d'investir dans des start-ups en création ou en développement, avec les possibilités d'échec et de perte financière que cela suppose.

Mais l'intérêt de participer à une ICO réside majoritairement dans le fait de pouvoir utiliser le futur produit ou service sans le payer, ou en bénéficiant d'une forte réduction de prix. L'adhésion au projet est donc primordiale. Mais plus encore, il faut que le souscripteur soit convaincu que le produit ou le service développé va trouver un large public, afin qu'il puisse tirer un réel avantage de son droit d'usage. Autrement dit, les ICO restent pour le moment l'apanage de personnes ou de sociétés ayant une connaissance très pointue du secteur du porteur de projet.

Pour ceux qui misent sur l'aspect spéculatif d'une ICO, deux risques majeurs se présentent. D'une part, le risque du marché secondaire : ce secteur n'est lui-même pas encore organisé et qui reste pour le moment confidentiel. D'autre part, les ICO n'étant réalisées qu'en crypto-monnaie, il existe un « risque de change » très important. Les monnaies virtuelles restent à ce jour majoritairement spéculatives et subissent une grande volatilité. En 2019, la valeur d'échange du Bitcoin a par exemple triplé entre janvier et juillet, puis perdu un tiers de sa valeur entre juillet et décembre... Dans ce contexte, une éventuelle « plus-value » sur la revente d'un token pourrait se traduire en lourde perte du fait d'une évolution défavorable de la valeur du Bitcoin.

La non-régulation du secteur, son internationalisation et la simplicité de création des sites Internet font qu'actuellement, n'importe qui peut lever des fonds via une ICO. Ce domaine attire donc les arnaques potentielles.

Focus sur le marché secondaire des actifs numériques

C'est LA grande question pour tous les actifs qui ne sont pas cotés en bourse : sera-t-il possible de les revendre, et existe-t-il une place de marché sur laquelle l'offre et la demande se rencontrent de façon suffisamment satisfaisante ?

Les actifs numériques en sont encore à leurs balbutiements en la matière, notamment en France. Là encore, le législateur tente de faire évoluer les choses. La loi Pacte a ainsi créé le statut de Prestataire de services sur actifs numériques (PSAN). Les premières plateformes devraient recevoir un agrément de l'AMF sous peu. Celles-ci auront pour rôle de conserver les actifs numériques pour compte de tiers et d'organiser leur vente et leur achat.

Reste que la liquidité d'un actif, qu'il soit numérique ou pas, dépend de l'offre et de la demande. Autrement dit, ce n'est pas parce qu'un marché secondaire est organisé qu'il est forcément plus facile de revendre ses tokens. Encore faut-il pouvoir placer un acheteur en face d'un vendeur à un prix qui convient à tous les deux.

Comme dans n'importe quel marché, plus la demande sera forte face à l'offre, plus la liquidité pourra être assurée. Autrement dit, pour espérer pouvoir revendre un actif à un prix correct, encore faudra-t-il miser sur un token susceptible de prendre de la valeur et de susciter l'intérêt d'autres personnes. C'est-à-dire d'investir dans un projet qui a toutes les chances de se développer. Exercice bien difficile sans connaissance du secteur du porteur de projet.

Le marché des ICO est-il développé ou marginal ?

Les opérations d'ICO se multiplient à travers le monde, et notamment aux États-Unis. On en comptait 50 en 2016. Selon Smith & Crown, en 2018, 13,5 milliards ont été collectés par ce moyen, pour 581 opérations. En 2019, on parlerait plutôt de 2,8 milliards levés à fin octobre pour 182 opérations.

Les levées de fonds peuvent être spectaculaires. EOS, un protocole blockchain, a levé 4 milliards de dollars à lui tout seul en 1 an. Brave, un navigateur web fondé par un des créateurs de Mozilla, a levé 35 millions de dollars en 30 secondes en 2017. La blockchain Telegram (TON) a quant à elle levé 1,7 milliards.

Même si les chiffres peuvent donner le tournis, le résultat n'est pas au rendez-vous. En tous cas pas pour le moment. Selon une étude du cabinet EY passant au crible 141 des principales ICO de 2017, 86% des jetons valent moins que leur prix d'émission. 30% ont même perdu presque toute leur valeur. Les gains sont concentrés sur les 10 plus grandes ICO de l'année.

Quel avenir pour les Initial Coin Offering ?

Il est difficile de prédire l'évolution d'un tel secteur. Il n'est toutefois pas exclu qu'il se structure sous peu, notamment grâce aux visas octroyés par l'AMF et au nouveau statut de prestataire de services sur actifs numériques (PSAN).

Néanmoins, la limite majeure des ICO est qu'elles restent vouer à financer des projets sur la base de « utility tokens », excluant tout recours aux titres financiers. Dans le même temps, les « Security Token Offering » ou STO, qui concernent l'émission de titres financiers via la blockchain, deviennent plus fréquentes. Mais celles-ci sont soumises à la même législation que les émissions de titres financiers classiques.

Autre frein au développement des ICO : le fait que les crypto-actifs ne puissent être achetés qu'avec des crypto-monnaies. Des monnaies qui n'ont aucun statut juridique à l'heure actuelle, qui ne sont pas reconnues par les États et n'ont donc pas de cours légal. Pour organiser ce marché, il faudrait pouvoir assister à l'émergence d'une crypto-monnaie officielle et surtout non spéculative et ancrée dans l'économie.

Là encore, les choses évoluent vite et il est probable que l'une de ces monnaies émerge dans les années qui viennent. Le projet Libra de Facebook a récemment fait couler beaucoup d'encre par sa volonté de devenir une « stablecoin », c'est-à-dire une monnaie accrochée à un cours officiel représenté par un panier de monnaies étatiques. L'émergence d'une monnaie privée n'allant pas sans poser de graves questions aux États, ceux-ci pourraient même s'engager dans la création d'une crypto-monnaie officielle.

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