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L'octroi d'une retraite-chapeau au patron sortant d'Airbus a choqué l'opinion publique. Le Ministre de l'Économie s'est également positionné contre « des excès insupportables », qu'il souhaite encadrer prochainement par ordonnance. Un exercice difficile dans un contexte international, auquel les gouvernements précédents se sont également heurtés.
• Les "retraites-chapeau" permettent à certains dirigeants de grandes entreprises de percevoir une retraite très élevée. • Ces montants choquent régulièrement l'opinion publique. • Elles sont difficiles à encadrer car elles relèvent d'un contrat privé entre une entreprise et son dirigeant.
La « retraite-chapeau » accordée au dirigeant sortant d'Airbus, Tom Enders, a récemment défrayé la chronique. La rente annuelle, évaluée selon les observateurs entre 900 000 et 1,3 million d'euros, a choqué l'opinion publique française, notamment dans un contexte d'incertitude sur l'avenir des retraites et de mouvement des Gilets Jaunes. Cette retraite-chapeau vient s'ajouter à environ 7 millions d'euros « d'actions de performances » (bonus octroyé sous forme d'actions gratuites) et à une indemnité de non-concurrence de 3,2 millions d'euros. En tout, le « parachute doré » avoisinerait les 37 millions d'euros sur 20 ans. Sous la direction de Tom Enders, Airbus a largement progressé : son carnet de commandes est plein, sa marge a été multipliée par deux, et son cours de bourse a quadruplé. Mais le règne du patron allemand reste en demi-teinte : le groupe a aussi été marqué par une « auto-dénonciation » de corruption auprès des autorités britanniques en 2016, qui a enclenché des procédures susceptibles de coûter très cher au géant européen de l'aéronautique. On parle d'une amende qui pourrait dépasser le milliard d'euros de la part des États-Unis, qui voient actuellement leur géant Boeing (concurrent direct d'Airbus), affaibli. La question morale de la légitimité d'une retraite-chapeau aussi élevée est donc posée, puisqu'un risque financier (et commercial) pèse actuellement sur Airbus du fait de la gestion du dirigeant. Mais il ne faut cependant pas oublier que ce type de rentes découle d'un contrat passé entre le dirigeant et l'entreprise, dont seules les clauses font foi.
Le 3 avril, le groupe automobile Renault expliquait que Carlos Ghosn, l'ancien patron arrêté au Japon en novembre 2018, ne pourrait prétendre à la retraite-chapeau qui était prévue dans son contrat (près de 800.000 euros par an). L'argument exposé dans un communiqué étant que « les conditions de départ de M. Carlos Ghosn ne correspondent à aucun des deux cas d'ouverture de ce régime et qu'aucune rente ne pourra lui être versée à ce titre. » A lire également : Renault dans la tourmente : faut-il encore acheter des actions ?
« Retraites-chapeau » et autres « parachutes dorés » sont régulièrement évoqués dans la presse s'agissant de dirigeants de grands groupes sur le départ. D'un côté, on trouve les défenseurs de ces dispositifs, qui considèrent qu'un dirigeant de haut-vol capable de mener une entreprise à dimension internationale au succès mérite de bénéficier d'une récompense conséquente. D'autant que la retraite légale étant plafonnée, les grands dirigeants subissent une baisse spectaculaire de rémunération une fois qu'ils quittent leur poste. De l'autre, les détracteurs de ce système expliquent notamment que le succès d'une entreprise est aussi dû à ses salariés qui eux, bénéficient rarement d'avantages conséquents tout en dépendant d'un régime de retraite sur le point d'être encore raboté. Sans oublier que les dirigeants des grands groupes perçoivent une rémunération conséquentes lorsqu'ils sont en poste, souvent assortie de primes au succès (« stock options » ou actions gratuites par exemple). La moralisation de la finance est une attente forte des Français. Évoquant début avril la retraite-chapeau du dirigeant d'Airbus, Bruno Le Maire s'est élevé contre « des excès insupportables » issus d'un « capitalisme d'un autre temps ». Selon lui, « visiblement, les bonnes pratiques ne suffisent pas ». Le Gouvernement s'est donc dit décidé à encadrer le montant des retraites-chapeau à 30% de la rémunération annuelle des dirigeants, dans une « ordonnance prochaine » prévue par la loi Pacte, récemment votée. Une mesure qui pourrait néanmoins être simple à contourner pour des groupes internationaux, puisqu'elle ne devrait concerner que la France (Airbus est par exemple une société de droit Néerlandais).
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A lire également : Éclairage juridique sur la retraite « chapeau », par Déborah Fallik, avocate associée en droit social au cabinet Redlink
Les retraites-chapeau des anciens patrons du CAC 40 font régulièrement la une des journaux. Parmi les polémiques, on peut citer en 2010 la rente de l'ancien patron de la Société Générale (730.000 euros par an), en 2011 la retraite de celui de l'Oréal (3,4 millions d'euros par an), en 2014 celles des ex-dirigeants de GDF-Suez (831.000 euros par an) et Danone (1,7 million par an). En 2015, un rapport de l'Inspection Général des Finances (IGF) commandé par Emmanuel Macron, alors Ministre de l'Économie, préconisait déjà d'encadrer les retraites-chapeau. Alors candidat aux primaires de l'UMP, Bruno Le Maire expliquait que c'était « à l'État de mettre les niveaux de taxation suffisants pour dissuader les retraites-chapeau scandaleuses ». Créée en 2011, la taxe sur ces retraites spécifiques avait été renforcée en 2015 jusqu'à 45% pour celles supérieures à 304 000 euros par an. Mais l'alourdissement trop important avait été jugé confiscatoire par le Conseil Constitutionnel. L'encadrement des retraites-chapeau (et plus généralement de la rémunération des hauts-dirigeants) est un sujet délicat. Découlant d'un contrat privé et payées par les entreprises (et non par les contribuables), elles sont notamment un moyen d'attirer des hauts dirigeants dans de grandes entreprises françaises. Mais de trop lourdes contraintes pourraient avoir pour conséquence de faire déménager leur siège à l'étranger, privant le pays de d'emplois.
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