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Les experts en ont peur comme de la peste. Elle est pourtant inévitable. La question n'est pas de savoir si une crue centennale frappera à nouveau Paris et sa région, mais quand. Et quelles seront ses conséquences.
C'était le 18 janvier 1910. Les Parisiens se réveillaient les pieds dans l'eau. Eau qui n'allait cesser de monter pendant plusieurs semaines, la Seine atteignant 8,62 mètres au niveau du pont d'Austerlitz, dix jours plus tard. 20.000 immeubles dans la capitale, 30.000 maisons en banlieue, la moitié du réseau métropolitain et des centaines de rues sont envahis par une eau glacée. Les habitants se déplacent en barques. La facture est salée : 400 millions de francs-or, soit l'équivalent de plus d'1,6 milliard d'euros.
Le saviez-vous ? Les Parisiens ont l'habitude de se référer à une statue, le « Zouave du pont de l'Alma », pour jauger le niveau de crue de la Seine. En 1910, l'eau était montée jusqu'à ses épaules.
Si le scénario se reproduisait demain, la ville et sa région seraient-elles moins impactées ? Rien n'est moins sûr. « A l'époque, seulement Paris était urbanisée, pas sa banlieue. Autrement dit, on aurait beaucoup plus à perdre aujourd'hui », prévient Ludovic Faytre, référent risques majeurs de l'Institut Paris région. « La crue ne toucherait pas que Paris, mais tout le bassin de la Seine, les villes en amont et en aval. 435.000 logements seraient potentiellement exposés, 700.000 emplois menacés. » D'après l'OCDE, une catastrophe de même ampleur que celle de 1910 pourrait affecter en région parisienne jusqu'à 5 millions de personnes et causer jusqu'à 30 milliards d'euros de dégâts.
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« Lors de cette crue, il faudra nécessairement mettre hors service plusieurs distributeurs d'électricité. » Cela ne fera pas que plonger dans le noir les habitants. « Sans électricité, pas grand-chose ne fonctionne. Une usine d'eau potable, par exemple, a besoin d'électricité. Il va y avoir un effet domino », redoute Ludovic Faytre. Plus d'ascenseur, de chauffage, d'ordinateurs ? « En tant que métropole, nous nous appuyons sur des réseaux pour fonctionner : transports en commun, eau potable, électricité? Tous ces services essentiels seront paralysés, et très fragilisés. Il y aura des dommages directs, avec les biens exposés à l'eau pendant plusieurs semaines. Ça va coûter extrêmement cher, plusieurs dizaines de milliards. L'économie sera bloquée. Il faudra patienter des mois avant que les entreprises ne puissent redémarrer leur activité. »
Pour protéger Paris, la Seine est sous haute surveillance. Si les eaux montent à plus de 3 mètres, les quais bas sont fermés à la circulation piétonne et automobile. « Quatre grands réservoirs ont aussi été construits en amont ». On les appelle les Grands lacs de Seine. Ils permettraient d'abaisser de 50 à 70 cm le niveau de la Seine en cas de crue. La capitale s'est équipée de parapets amovibles, pour rehausser les murets le long des quais. Paris serait ainsi protégée jusqu'à 8,62m, le niveau atteint en 1910. Mais elle n'est pas à l'abri d'une crue plus intense. Le débit du fleuve pourrait alors tout emporter sur son passage. « Il faut que chacun ait conscience que le risque existe. Toutes les mesures de prévention qui ont été prises atténueront la crue, mais cela restera extrêmement violent. Chaque entreprise vivant en zone inondable doit avoir conscience du risque, pour mieux l'anticiper, s'y préparer. » Et être ainsi moins vulnérable? La Seine ? Pas vraiment un long fleuve tranquille ! Pour aller plus loin : Une métropole face au risque d'inondation, document de la DRIEE Ile de France
Grande crue de la Seine : les chiffres 850.000 : nombre de personnes qui habitent en zone inondable en Ile de France, dont 240.000 Parisiens 8,96 mètres : le record absolue d'une crue de la Seine, enregistré en 1658 (contemporaine de Louis XIV) 3,20 mètres : le niveau de la Seine pour lequel l'état d'alerte commence 1,4 milliard d'euros : le prix qu'a coûté la crue de mai et juin 2016 aux assureurs. L'eau avait atteint 6,10 mètres. 90% : le pourcentage des zones inondables de Paris et de sa petite couronne qui sont construites
Les crues marquantes de la Seine : 1658 : 8,96 m. L'eau emporte 2 arches du pont reliant l'Ile Saint-Louis à la rive droite. 20 maisons sont détruites et l'on déplore 20 morts. 1910 : 8,60 m. La Tour Eiffel a les pieds dans l'eau. Les députés vont à l'Assemblée nationale en barque. 150.000 personnes sont sinistrées 1924 : 7,32 m. Le Zouave du pont de l'Alma a de l'eau jusqu'au coude. La gare des Invalides et le Champ de Mars sont sous l'eau. 1955 : 7,12 m. Des inondations provoquent de nombreux dégâts dans toute la France. La banlieue parisienne est largement touchée, mais Paris est relativement épargnée grâce à des travaux d'aménagement réalisés quelques années auparavant. 2016 : 6,10 m. Les musées d'Orsay et du Louvre ferment et commencent à évacuer les oeuvres de leurs réserves. 15.000 habitants d'Ile de France sont privés d'électricité. La crue provoque 4 morts et 24 blessés.