Sortie le 7 novembre
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On vous explique tout sur le plan de relance : sa raison d'être, comment il devrait être financé, pourquoi la Cour des comptes est inquiète et quelles critiques lui sont faites.
La crise du coronavirus a fragilisé l'économie française, de même que l'économie mondiale. Selon les chiffres rapportés par Le Monde le 3 mai 2020, 4,6 milliards d'êtres humains étaient appelés à rester chez eux au printemps, soit plus de la moitié de la population mondiale. Partout sur la planète, la consommation locale a ralenti. L'activité économique globale a subi un net coup de frein. Les échanges mondiaux ont chuté, provoquant une baisse dans le carnet de commandes de millions d'entreprises industrielles, et une cassure dans les activités relatives aux services et au tourisme. En France, cela devrait se traduire par une baisse de 8,7% du produit intérieur brut (le PIB, la richesse créée en une année par le pays) cette année. A titre de comparaison, la chute qui avait suivi la crise des subprimes n'était de -2,9% en 2009 selon les données de l'INSEE. Ce ralentissement marque la détérioration de l'activité économique. Or, avec la récession viennent généralement les difficultés et faillites de nombreuses entreprises. Avec pour conséquence la destruction d'emplois et l'augmentation de la précarité.
Pour les finances publiques, cela se traduit aussi par un « trou dans la caisse ». En effet, les recettes de l'État dépendent de l'activité économique, puisque c'est en grande partie sur elle que sont calculés les impôts. Prenons un exemple très schématique avec la consommation. La TVA, taxe payée par tous les particuliers sur la quasi-totalité de leurs achats, est la principale recette de l'État. Lorsque la consommation baisse, les recettes de TVA baissent. Indirectement, la baisse de la consommation implique aussi une baisse de revenus pour les entreprises, et entraînent une baisse des recettes liées à l'impôt sur les sociétés. Enfin, si l'activité des entreprises baisse, celles-ci embauchent moins, voire licencient. S'il y a moins d'actifs, l'État perçoit moins de cotisations sociales, moins d'impôt sur le revenu... Autre conséquence de la baisse d'activité économique : le chômage augmente. Dans ce cas, non seulement les recettes fiscales sont amputées, mais l'État débourse plus d'argent pour payer les allocations chômage. Enfin, le cercle vicieux peut se poursuivre puisque l'augmentation du chômage pèse sur la confiance des ménages en l'avenir, et les pousse à moins consommer.
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Pour faire face et enrayer cette spirale infernale, de nombreux États à travers la planète misent sur une « politique de relance ». Il s'agit d'un ensemble de mesures matérialisées par une augmentation des dépenses publiques et la mise en place d'actions fiscales ciblées, afin de favoriser certaines activités économiques. Par définition, ces choix dépendent des orientations politiques des gouvernements en place. Le choix du plan de relance peut, en théorie, être considérée comme une stratégie d'investissement, même si dans un premier temps ce surplus de dépense a pour conséquence de dégrader les comptes publics. L'État dépense de l'argent sous diverses formes pour inciter entreprises et ménages à investir ou consommer, ce qui par ricochet tend à créer de l'activité économique, des emplois... et des recettes fiscales supplémentaires. Par exemple, l'État s'est donné pour objectif politique de lutter contre le réchauffement climatique. Dans ce cas, il met en place une réduction d'impôt pour les ménages qui font des travaux d'isolation. Cela a pour effet d'inciter des particuliers à faire appel à des entreprises pour faire les travaux. Très schématiquement, la stimulation de la demande crée des emplois dans le secteur du bâtiment. Elle permet aussi d'augmenter les recettes de TVA et de tendre vers la réalisation de l'objectif politique défini au départ.
Le 3 septembre dernier, le Premier ministre Jean Castex annonçait un plan de relance baptisé « France Relance », doté d'un budget de 100 milliards d'euros. « C'est le montant nécessaire pour retrouver dès 2022 notre niveau de richesse d'avant crise » a-t-il affirmé. Sur ces 100 milliards d'euros : - 36 milliards concernent la « cohésion », dont 7,6 milliards dédiés au maintien du chômage partiel pour éviter les licenciements, 6 milliards d'investissement dans l'hôpital public, la santé et la dépendance, et 2,7 milliards consacrés au développement de l'apprentissage et du service civique. Enfin 5,2 milliards concernent le « soutien aux collectivités locales » par les « garanties de recettes » (probablement en lien avec la suppression de la taxe d'habitation) et le soutien à l'investissement. - 34 milliards sont dédiés à l'amélioration de la compétitivité des entreprises, dont 20 milliards sous forme de baisses d'impôts. 3 milliards d'euros serviront à améliorer les fonds propres des entreprises grâce à la Banque Publique d'Investissement (BPI). Près de 6 milliards seront consacrés au soutien au développement des marchés dits « clés » comme le numérique et la santé, ainsi qu'à la relocalisation des industries « critiques ». - 30 milliards d'euros sont destinés au financement de la transition écologique. Près de 7 milliards sont dédiés à la rénovation énergétique des bâtiments (publics, HLM, TPE, habitations). 4,6 milliards seront alloués au verdissement des automobiles et au soutien de l'aéronautique, 1,2 milliard à la décarbonation des industries et 5,4 milliards au développement des « technologies vertes » comme l'hydrogène, les biocarburants ou le recyclage. Enfin, le plan prévoit 5,9 milliards pour le ferroviaire et les « mobilités du quotidien ». L'essentiel dans le plan de relance est disponible ici, avec une synthèse des dépenses prévues à la page 42.
A court terme, l'État financera la majorité du plan de relance en ayant recours à la dette. En juin, le ministre des Comptes publics Gerald Darmanin annonçait que le déficit public devrait atteindre 11,4% du PIB en 2020. Le total de la dette publique montera probablement jusqu'à 120%, « un niveau que la France n'a pas connu depuis les deux guerres mondiales » selon le rapport intitulé « La situation et les perspectives des finances publiques » publié par la Cour des comptes en juin 2020. La France devra donc rembourser cette dette supplémentaire. Néanmoins selon le dossier de presse du plan de relance, elle « ne sera pas remboursée par une hausse d'impôts, mais par la croissance et par la transformation ». En clair, l'État fait le pari que les investissements engagés permettront d'augmenter l'activité économique, et donc le volume des rentrées fiscales. Les Français, qui ont épargné près de 86 milliards d'euros depuis le début du confinement selon les chiffres de la Banque de France, prêteront aussi de l'argent à l'État sans forcément le savoir. La Caisse des Dépôt, qui gère l'argent des livrets réglementés comme le livret A, apportera 26 milliards d'euros au plan de relance. A noter enfin : 40 milliards d'euros proviennent de l'Union Européenne.
Aujourd'hui, la France emprunte facilement de l'argent, et à taux très bas. Ces conditions exceptionnelles ont, selon la Cour des comptes, « permis une réponse budgétaire forte à la crise sanitaire », ce qui rend la situation « supportable ». Le niveau de la dette continue toutefois d'inquiéter l'institution, qui indique que « les déficits passés n'ont pas disparu pour autant, et ils ne peuvent pas être effacés ». Les sages de la rue Cambon rappellent donc que le retour à l'équilibre des finances publiques est plus que jamais nécessaire. Une analyse que le ministre de l'Économie Bruno Le Maire tempère. « L'erreur à ne pas commettre, ce serait d'appuyer en même temps sur le frein et l'accélérateur. Le rétablissement des finances publiques passe après la relance économique », explique-t-il, selon les propos rapportés le 3 septembre par le journal Le Monde. « Nous n'avons pas abandonné nos objectifs de rétablissement des finances publiques, mais ils s'inscrivent dans le long terme. Je souhaite que la dette publique française baisse à partir de 2025, mais jusque-là, nous aurons 120 % de dette publique ».
Dans un communiqué, le Parti socialiste estime que le plan est « déséquilibré », trop « centré sur la baisse des impôts de production », sans être accompagné de conditions sociales et environnementales. Le plan manquerait de mesures en faveur des plus précaires, qui « ne représentent que 1% du plan ». De même, le budget destiné à la rénovation thermique est lui semble trop bas pour « être à la hauteur des enjeux ». Une opinion partagée par l'économiste Thomas Piketty (proche du PS), qui juge le plan trop focalisé sur les entreprises au détriment du secteur public. « Il aurait fallu investir bien plus dans la santé et la recherche, créer des emplois publics, (...) et augmenter les salaires dans la fonction publique, dans la santé, l'éducation et la recherche, d'abord parce que c'est efficace (...) et en plus c'est le moment, car les taux d'intérêt sont négatifs et l'inflation est faible », a-t-il expliqué. La politique est aussi dénoncée dans les colonnes du journal Libération : « Leitmotiv des libéraux et du patronat, la mesure bénéficiera surtout aux grosses sociétés. (...) En annonçant ce jeudi [3 septembre] une baisse significative des impôts de production sur les entreprises, le gouvernement va satisfaire – au moins partiellement – une revendication patronale vieille de plusieurs années, et totalement décorrélée de la crise sanitaire et économique que traverse la France depuis le mois de mars. », pouvait-on lire dans un article datée de la veille de l'annonce officielle. Le syndicat Force Ouvrière dénonce quant à lui le fait que « l'ensemble des aides, dont les mesures d'aides directes à la trésorerie, les baisses d'impôts et exonérations de cotisations, ne soient pas conditionnées et contrôlées au non-licenciements ». La crainte sous-jacente étant que certaines entreprises profitent de ces aides pour augmenter leurs profits, sans pour autant éviter le licenciement de leurs salariés puisqu'elles n'y sont pas contraintes. L'Association des maires de France a également fait part de son « désaccord total » avec le plan de relance, accusant le gouvernement de « faire des déductions aux entreprises aux dépens des communes », selon les propos de son vice-président, André Laignel (PS) à l'Agence France-Presse (AFP).
Éric Woerth, président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale et membre du parti Les Républicains (LR), évoque le risque de surendettement de la France. Des résultats mitigés pour le précédent plan de relance en 2009Après la crise des subprimes de 2008-2009, Nicolas Sarkozy, alors président de la République, avait présenté un plan de relance au budget initial de 26 milliards d'euros. 11 milliards étaient destinés à « améliorer la trésorerie des entreprises » et la même somme devait servir à financer des grands projets, dont le percement d'une galerie supplémentaire au tunnel de Fréjus (achevé en 2014) et la construction du canal Seine-Nord (qui ne devrait commencer qu'en 2022). Ce plan donnait une priorité à l'investissement par rapport à la consommation, même s'il avait été marqué par une réduction conséquente de l'impôt sur le revenu pour les 2 premières tranches. Dans son « rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques » de juin 2010, les sages indiquaient que s'il avait contribué à éviter certaines faillites d'entreprises, le plan de relance avait coûté plus cher aux finances publiques que ce qu'il avait rapporté en termes de croissance. Le président de la Cour des comptes Didier Migaud estimait alors son coût total à 34 milliards d'euros. Les sages alertaient sur le déficit public et la nécessité de procéder à des réformes afin d'améliorer le budget de l'État. Outre une réforme des retraites, la Cour des comptes préconisait de « freiner la masse salariale publique, les prestations sociales et les interventions de l'État ». Elle considérait qu'une « hausse des prélèvements obligatoires [était] inévitable » et recommandait un coup de rabot sur les avantages fiscaux. Entre 2010 et 2012, le « plan de relance » avait été suivi d'un « plan de rigueur » de 30 milliards d'euros destiné à améliorer les comptes de l'État, dont 1/3 de diminution de dépense publique et 2/3 de hausses d'impôts. La rédaction vous suggère : ➸ Récession : quels effets sur l'économie et notre quotidien ? ➸ La France championne des impôts et du déficit, selon l'OCDE ➸ Comment se créée la monnaie ? ➸ Quel est le rôle de la Cour des comptes ?
Après la crise des subprimes de 2008-2009, Nicolas Sarkozy, alors président de la République, avait présenté un plan de relance au budget initial de 26 milliards d'euros. 11 milliards étaient destinés à « améliorer la trésorerie des entreprises » et la même somme devait servir à financer des grands projets, dont le percement d'une galerie supplémentaire au tunnel de Fréjus (achevé en 2014) et la construction du canal Seine-Nord (qui ne devrait commencer qu'en 2022). Ce plan donnait une priorité à l'investissement par rapport à la consommation, même s'il avait été marqué par une réduction conséquente de l'impôt sur le revenu pour les 2 premières tranches. Dans son « rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques » de juin 2010, les sages indiquaient que s'il avait contribué à éviter certaines faillites d'entreprises, le plan de relance avait coûté plus cher aux finances publiques que ce qu'il avait rapporté en termes de croissance. Le président de la Cour des comptes Didier Migaud estimait alors son coût total à 34 milliards d'euros. Les sages alertaient sur le déficit public et la nécessité de procéder à des réformes afin d'améliorer le budget de l'État. Outre une réforme des retraites, la Cour des comptes préconisait de « freiner la masse salariale publique, les prestations sociales et les interventions de l'État ». Elle considérait qu'une « hausse des prélèvements obligatoires [était] inévitable » et recommandait un coup de rabot sur les avantages fiscaux. Entre 2010 et 2012, le « plan de relance » avait été suivi d'un « plan de rigueur » de 30 milliards d'euros destiné à améliorer les comptes de l'État, dont 1/3 de diminution de dépense publique et 2/3 de hausses d'impôts.
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