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Avant la crise du COVID, les marges de manœuvre budgétaires semblaient nulles et rien ne permettait de déroger aux critères d'endettement européen. Alors comment la France peut-elle financer les mesures ?
Jamais les pouvoirs publics n'avaient été autant interventionnistes. Pour juguler les effets néfastes de la crise sanitaire sur l'économie, l'État n'a pas hésité à débloquer des sommes colossales. D'ores et déjà la prévision de déficit public pour l'année 2020 s'établit à 9,1 % du PIB, soit 185 milliards d'euros de dépenses non couvertes par des recettes. Pour mémoire, ce dérapage budgétaire était de 72 milliards et 3 % du PIB en 2019. Et post crise financière, il avait atteint son niveau historiquement le plus élevé en 2009 avec 138 milliards d'euros. Selon l'INSEE, la crise du COVID-19 s'est traduite en France par une perte d'activité de 36 % et chaque mois de confinement aura couté 3 points de PIB à l'économie française. Il ressort en outre en première analyse que l'hexagone sera davantage impacté que d'autres pays, notamment en raison de sa forte dépendance au secteur touristique. D'ores et déjà, il est certain que l'année 2020 se terminera par une forte récession de bien plus grande ampleur que celle subie après la crise financière de 2008. Mais la menace de faillites en chaine et le spectre d'une accélération du chômage de masse ont convaincu le gouvernement qu'il fallait agir pour enrayer cette spirale infernale. De nombreux économistes, y compris ultras libéraux ont d'ailleurs encouragé les pouvoirs publics à prendre sans délai des mesures anti crise. A lire : Finance : à quoi sert le « rating » des agences de notation ?
Dès le début de la crise sanitaire, les annonces de mesures d'aide à l'économie se sont multipliées. Dans un premier temps, il s'agissait d'une part d'éviter à des entreprises de se retrouver en situation de cessation de paiements, mais aussi d'empêcher que certaines ne licencient. L'État a donc engagé des actions visant à permettre aux acteurs économiques de préserver leur trésorerie. D'autres décisions ont porté sur la protection des salariés ou des chômeurs. Des mesures d'aides au bon fonctionnement des procédures administratives ou juridictionnelles, au maintien des droits des assurés sociaux et à leur accès aux soins ainsi qu'au financement du système de santé ont été adoptées par ordonnances. Ces mesures d'urgence économique ont été reprises dans le titre III de la Loi instaurant « l'état d'urgence sanitaire » qui a été votée le 22 mars 2020. Ces aides, même si elles n'ont pas toutes pour conséquence immédiate de grever le budget de l'État, contribueront à terme à aggraver considérablement les déficits publics. Elles peuvent être classées en 2 catégories : - Certaines aides ne correspondent pas encore à des dépenses certaines ou mesurables : Contraintes de cesser totalement leurs activités de nombreuses entreprises ont été confrontées à l'impossibilité de faire face à leurs frais fixes : loyers, paiement des charges sociales et fiscales, factures de gaz, d'électricité, etc. Pour leur permettre de rester « in bonis », l'État a immédiatement accordé un report du paiement de leurs charges fiscales et sociales. En complément il a également été décidé de mettre en place dès le 25 mars un dispositif de crédit de trésorerie distribué par les banques. Ce prêt court terme baptisé PGE (prêt garanti par l'État) permet à toutes les entreprises qui en feront la demande jusqu'au 31/12/2020 d'obtenir une avance de trésorerie représentant jusqu'à 3 mois de leur chiffre d'affaires. Pour faciliter l'octroi de ces financements, l'État s'est porté garant auprès des banques de leur dénouement en garantissant selon la taille des entreprises de 70 à 90 % des encours. Report de charges et PGE sont des mesures préventives qui n'ont pas nécessité d'enveloppe budgétaire. Toutefois, les reports de charges accordés se sont traduits par un manque de recettes pour les caisses de l'État et il est probable que le remboursement de certains PGE devra être pris en charge par les pouvoirs publics qui devront honorer leur engagement de caution. - De nombreuses dépenses immédiatement engagées : D'autres mesures d'aides ont nécessité l'engagement de dépenses immédiates. La Loi instaurant « l'état d'urgence sanitaire » le 25 mars a ainsi posé le principe d'une dérogation aux règles de financement des hôpitaux publics. Ce sont ainsi plus de 6 milliards de dotations exceptionnelles qui ont débloqué en faveur de Santé publique France, de médicaments, de masques ou de matériels respiratoires. Mais la dépense la plus spectaculaire est celle de la prise en charge par l'État du chômage partiel. Initialement chiffrée à 8,5 milliards d'euros, la mesure a ensuite été budgétée à 24 milliards et pourrait dépasser 58 milliards. Un fonds de solidarité pour les indépendants et les TPE a également été créé avec la promesse d'une aide de 1 500 €. La dotation a là aussi été revue à la hausse, passant de 1,2 à 1,7 milliard. - D'autres dépenses à venir : L'ensemble des dépenses déjà engagées par l'État se chiffre à environ 110 milliards d'euros. Et cela n'est pas terminé. Un plan pour l'hôpital public comportant notamment la revalorisation des salaires doit être négocié. Les pouvoirs publics se sont également engagés à soutenir certaines filières particulièrement menacées telles que le tourisme, le secteur automobile ou le secteur aérien. La forme que prendront les aides et leur montant n'est pas encore définie. Pour certains les sommes évoquées dépassent l'entendement. Et cela d'autant qu'il y a peu l'austérité budgétaire était la norme, en France et ailleurs dans les pays de l'Union européenne. Nos marges de manœuvre budgétaires semblaient nulles d'autant que rien ne permettait de déroger aux critères d'endettement du traité de Maastricht. Alors comment la France a-t-elle pu déjà financer toutes ces mesures ? A lire : « Bank run » : lorsque tous les clients ferment leur compte en même temps
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Il est déjà acquis que la dette publique va largement dépasser 100 % du PIB et que le déficit budgétaire va se creuser bien au-delà de la limite des 3 %. Le creusement des déficits publics devrait être tel que la plupart des économistes ne prévoient pas de retour à la normale avant 2022. L'État français, par l'intermédiaire de son agence France Trésor, emprunte dans des proportions inégalées depuis des décennies. Et il n'y a pas nécessairement lieu de s'en étonner. Car la France demeure pour les investisseurs internationaux qui achètent sa dette une signature de première catégorie. Et la rigueur budgétaire qui prévalait ces dernières années ne relevait pas d'une difficulté à trouver des prêteurs, mais de l'impérieuse obligation de respecter les traités européens. Or, comme ce fut déjà le cas entre 2008 et 2011, ceux-ci sont désormais mis entre parenthèses pour pallier les risques d'une récession. La planche à billets peut ainsi fonctionner. Reste que la dette devra être remboursée un jour… ou peut-être jamais. Face à la situation inédite que nous vivons, certains responsables politiques plaident pour l'annulation par la Banque centrale européenne (BCE) des dettes publiques de l'UE dont elle dispose. D'autres solutions telles que l'émission d'emprunts obligataires intitulés « Coronabond » afin de mutualiser les dettes entre tous les États membres de l'union sont également avancées. Mais en dépit de beaucoup d'incertitudes et de craintes, une bonne nouvelle persiste : les taux d'emprunt sont toujours en territoire négatif et risquent de le rester longtemps. La BCE continue d'ailleurs de tout mettre en oeuvre pour maintenir ces conditions d'emprunt favorables. Reste à savoir si cette politique monétaire servira réellement la reprise économique ou encouragera le laxisme budgétaire. A lire : Quel est le rôle de la Banque Centrale Européenne (BCE) ?