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L'immobilier de l'Etat, « parent pauvre » de la transition écologique

Sous les façades historiques des préfectures françaises, un autre visage qui se cache : celui d'un patrimoine délabré, inefficace, loin des promesses de la transition énergétique.

Temps de lecture : 3 minute(s) - Par L Villedoré | Publié le 28-10-2024 14:30  Photo : Shutterstock  
L'immobilier de l'Etat, « parent pauvre » de la transition écologique

Des bureaux vétustes

Selon un rapport du Sénat, le patrimoine de l’administration territoriale de l’État (ATE) s'élève à 2 871 bâtiments sur une surface de plus de 3 millions de mètres carrés. Il héberge notamment les préfectures et sous-préfecture. 75 000 agents y travaillent quotidiennement. Derrière ces chiffres impressionnants, une réalité bien moins glorieuse : 16 % de ces bâtiments sont classés comme « peu conformes », voire « dans une situation très dégradée ». Un patrimoine d’une autre époque, aussi vétuste qu’encombrant.

Et pendant qu'une partie du patrimoine se dégrade et aurait besoin de travaux, des loyers importants s’empilent. 10 % des surfaces utilisées par l'ATE sont en effet louées à des bailleurs privés, pour un montant de 91,32 millions d’euros en 2023. Une plaisanterie ? Non, une stratégie mal définie et le besoin de parer au plus urgent. « Les loyers externes ont représenté à eux seuls près de deux fois et demi (241 %) les dépenses d’investissement immobilier », indique le rapport.

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Un retard abyssal dans la transition écologique

Sous le craquement des vieilles charpentes et l’odeur de moisi qui flotte dans les archives, se cache une urgence discrète. Les bâtiments publics doivent se conformer aux objectifs de la loi ELAN, qui impose une réduction de 40 % de la consommation d’énergie d’ici 2030. Mais à chaque échéance, le bilan est le même : retard, inaction, report. « Nous sommes absolument en retard », avouent les responsables lors des auditions menées par la rapporteure spéciale des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », Florence Blatrix Contat (sénatrice du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain). Selon l’étude d’impact, la rénovation nécessiterait « 17 milliards d’euros d’investissements publics sur 30 ans pour remettre à niveau le parc immobilier de l’État, sur la base d’un coût estimé en ordre de grandeur à 180 €/m² ». Une estimation qui paraît irréaliste, lorsque l'on sait que le prix moyen de rafraîchissement d'un simple logement avoisine plutôt les 1200 à 1500 € par m².

À l’heure où l’Europe impose une rénovation de ses bâtiments les plus énergivores d'ici 2030, les préfectures françaises restent figées dans le passé. Des fenêtres mal isolées, des chauffages grinçants, et des factures d’énergie qui explosent. Ce n’est pas un mur qu’il faut franchir, c’est une montagne.

Il faudrait 5 milliards d’euros chaque année pour suivre le rythme, mais le budget alloué peine à atteindre 500 millions. Une goutte d’eau dans un océan de béton et de pierres dégradés. D’après le directeur de l’immobilier de l’État, Alain Resplandy-Bernard, les travaux de rénovation énergétique « n’ont pas été finement déclinés au niveau de l’administration territoriale de l’État ; quoi qu’il en soit, les crédits immobiliers consacrés à l’ATE (...) sont notoirement insuffisants ne serait-ce que pour permettre l’entretien des bâtiments. »




Une foncière interministérielle pour gérer le patrimoine ?

Dans les sous-préfectures et les directions départementales, on subit les conséquences directes de cette gestion désastreuse. Les annulations de crédits, ces derniers mois, ont fait des ravages. Le désamiantage est repoussé, les toitures pleuvent sur les bureaux, et l’on gère les problèmes comme on peut. Les agents sont des usagers silencieux d’un État « mauvais propriétaire », comme le qualifient eux-mêmes les experts.

Et pourtant, l’État leur impose de partager ces vieux bureaux, parfois jusqu’à 40 m² par agent, bien au-delà des 18 m² visés par les nouvelles normes. Alors, pour compenser, il densifie, regroupe, empile les services. Tout est calculé au millimètre près, sauf que ces réformes se heurtent à une réalité architecturale incompatible avec des espaces de travail modernes. Des salons de réception gigantesques, des salles inutilisables, et des bâtiments trop imposants pour être réaménagés sans que cela coûte une fortune.



Pour tenter d'améliorer la situation, le Sénat formule 15 recommandations. À commencer par renforcer les compétences en maîtrise d’ouvrage, histoire que l'État ne se contente plus d'être spectateur de sa propre déliquescence. Il faudrait que les fonctionnaires chargés de ces chantiers soient mieux formés, plus agiles, comme des chefs d’orchestre capables de mener à bien la rénovation.

Reste qu'encore une fois, tout est question d’argent. Le Sénat demande des financements garantis pour les opérations les plus urgentes, notamment celles qui permettraient des économies d’énergie substantielles. Le hic, c’est que les caisses de l’État sont loin d’être pleines. Il serait aussi nécessaire d'unifier la gestion budgétaire au sein d'une foncière interministérielle qui, sur le papier, pourrait tout orchestrer, des rénovations aux prises à bail. Exit les dépenses éclatées entre mille comptes, place à une organisation plus cohérente, capable de planifier sur le long terme. Une bonne idée, mais face à une machine administrative aussi lourde que celle de l’État français, cette simplification ne sera pas chose facile.

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Commentaires (5)

Sérieusement, des bâtiments aussi vieux et inefficaces, ça doit coûter une fortune en chauffage et entretien.J'espère qu'ils trouveront une solution avant de continuer à gaspiller nos impôts !

Ça m'étonne même pas !

C'est quand même dingue qu'avec tous les discours sur l'écologie, l'État laisse son patrimoine dans un état pareil. Ça donne l'impression qu'ils ne sont pas sérieux sur l'écologie. Qu'est-ce qui empêche de mettre en place une foncière interministérielle efficace ? On gagnerait du temps en centralisant tout ça, non ? Les bâtiments publics devraient montrer l'exemple !

Mais c'est quoi ce bazar avec l'immobilier de l'Etat ? On parle sans arrêt de transition écologique et là, on découvre que les bâtiments publics sont vétustes et à la traîne. Quand est-ce qu'ils vont réellement s'y mettre et arrêter de promettre des trucs qu'ils n'accomplissent jamais ?!

On nous rabâche sans cesse l'importance de la transition énergétique, et voilà qu'on découvre que l'immobilier public est à la traîne. On pourrait peut-être commencer par là avant de pointer du doigt les citoyens, non ? C’est quoi, l’excuse cette fois-ci ?