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L’intelligence artificielle (IA) appliquée à la santé connaît une expansion sans précédent. Avec ses perspectives de croissance exponentielle et un écosystème européen en pleine ébullition, cette révolution scientifique et humaine attire des investisseurs désireux de participer à une aventure historique.
Aujourd’hui estimé à 20 milliards de dollars, le marché global de l’IA dans la santé pourrait être multiplié par 10 d’ici 2030. Pour l’Europe, les projections suggèrent une croissance annuelle de plus de 50 % ces quatre prochaines années. Le bond technologique, loin d’être anodin, constitue une révolution durable dans la manière dont les soins sont dispensés, diagnostiqués et personnalisés. Selon Brad Lightcap, directeur du fonds d’amorçage d’OpenAI, « le secteur de la santé est l’une des opportunités les plus prometteuses pour l’IA de créer un impact positif considérable sur le monde. » Une étude commandée par MedTech Europe et menée par Deloitte a révélé que l’IA pourrait, chaque année, « sauver 400 000 vies » au sein de l’Union européenne et « libérer jusqu’à 1,8 milliard d’heures de travail », comme si « 500 000 professionnels de santé supplémentaires » étaient présents chaque jour de l’année. Avec à la clé, une économie de 200 milliards d’euros pour les pays membres. L’espoir est grand et les investissements importants. En 2023, 55,1 milliards de dollars ont été injectés à l’échelle mondiale dans des startups et entreprises développant des solutions d’IA pour la santé. Les États-Unis dominent le marché, avec 70,4 % des levées de fonds, suivis de la Chine et du Royaume-Uni. Certes, le secteur a été touché en 2023 par le ralentissement global des levées de fonds privées. Mais la tendance semble s’inverser à mesure que l’IA entre dans nos quotidiens. Selon un rapport de la société de conseil Clipperton, la collecte de fonds et le volume des transactions ont ainsi progressé de 10 % au premier semestre 2024, tandis que les opérations de fusions et acquisitions ont bondi de 65 % au printemps. En France, le secteur bénéficie des financements du Plan Innovation Santé, qui partage une enveloppe totale de 7,5 milliards d’euros entre différentes branches, dont l’intelligence artificielle. Un soutien qui contribue à hisser le pays au 2e rang européen des nations les plus dynamiques en la matière, avec environ 450 entreprises spécialisées sur un total de 2 600 HealthTechs et MedTechs. Les efforts de l’État pourraient-ils s’accentuer dans les mois qui viennent ? Le rapport de la Commission sur l’intelligence artificielle, commandé par Matignon et remis à l’Élysée en mars, préconisait un investissement de 3 milliards d’euros sur cinq ans, soit 600 millions d’euros chaque année. Bien que la dissolution ait semé des incertitudes quant à ces orientations, la nomination inédite d’une secrétaire d’État à l’intelligence artificielle en la personne de Clara Chappaz, ex-directrice de la mission French Tech, pourrait marquer un signal fort.
L’une des premières utilités de l’intelligence artificielle est la libération de temps médical grâce à l’automatisation de tâches administratives. L’assistant développé par Doctolib a, par exemple, pour but de transcrire en temps réel les consultations afin de générer des rapports, rédiger des lettres d’adressage et préparer des plans de traitement. Un concept dans la lignée de l’assistant « Copilot » initié par la Nabla. La startup parisienne, qui revendique plus de 30 000 praticiens utilisateurs, déploie des technologies de modèles de langage étendus (LLM) et de reconnaissance vocale (STT) pour préparer à la consultation, coder les actes et résumer les consultations. Depuis son lancement en 2018, elle a levé plus de 40 millions d’euros auprès de sociétés de capital-risque comme Cathay Innovation et d’entrepreneurs chevronnés, dont Xavier Niel, Tony Fadell (inventeur de l’iPod) et Rodolphe Saadé.
Grâce à sa capacité à analyser rapidement et avec précision des images médicales, l’IA s’impose déjà progressivement dans les outils de diagnostic. Depuis près de 10 ans, les études et expérimentations sont nombreuses à travers le monde. En 2020, une étude de Google Health publiée dans la revue Nature avait, par exemple, suggéré que la technologie était capable de détecter précocement le cancer du sein à partir de l’analyse de mammographies. Depuis, les modèles se sont améliorés, et des logiciels comme ProFound AI de la société iCAD (cotée au NASDAQ) commencent à s’imposer dans les cabinets de radiologie. Incepto, société française d’IA appliquée à l’imagerie médicale, revendique aujourd’hui 100 000 patients suivis par mois aux urgences, en cancérologie, en cardiologie, dans les maladies neurodégénératives… La plateforme a tissé de nombreux partenariats avec plus de 300 hôpitaux afin d’aider les médecins dans leur diagnostic et de créer des applications sur mesure. Lauréate de la première promotion du programme French Tech Health 20 en 2023, elle a ainsi levé 27 millions d’euros en 2022 pour accélérer son expansion.Les domaines d’innovation vont bien au-delà de la radiologie. La Deeptech canadienne AiZtech Labs développe, par exemple, une solution utilisant la caméra des smartphones pour identifier certaines pathologies grâce à des biomarqueurs dans l’œil humain. Mais beaucoup d’applications sont encore en phase expérimentale et le consensus scientifique est loin d’être acquis.
Une étude pionnière menée par l’équipe du LIPADE (Université Paris Cité) a démontré que des modèles d’intelligence artificielle, correctement entraînés, peuvent prédire l’efficacité des traitements d’immunothérapie. Cette avancée ouvre la voie à une médecine personnalisée potentiellement plus efficace. Le concept de « jumeaux numériques » développé par Dassault Systèmes illustre un autre progrès majeur sur ce créneau. Ce modèle virtuel, destiné à reproduire le corps entier d’un patient ou un organe spécifique, devrait permettre aux médecins de simuler diverses interventions et d’évaluer les options thérapeutiques avant une opération. Une autre utilisation possible des « digital twins » a été illustrée à l’hôpital Saint-Louis (AP-HP), avec la simulation de la transmission de particules virales dans une chambre selon plusieurs scénarios. De quoi aider les soignants à adapter leurs stratégies de prévention des contaminations. La récente signature d’un partenariat entre Dassault Systèmes et la start-up française Mistral AI, et la création du consortium MEDITWIN avec des instituts de recherche et hôpitaux devraient accélérer les développements.
Le développement de médicaments pourrait lui aussi être transformé. L’IA peut ici intervenir à chaque étape clé de la recherche : de l’identification des molécules prometteuses à la planification des essais cliniques, en passant par la prédiction des interactions avec l’organisme. Grâce à ses capacités de modélisation et d’analyse prédictive, la technologie est à même de réduire le temps nécessaire à la mise sur le marché de nouveaux traitements.La société Atomwise utilise ainsi le deep learning pour effectuer des criblages virtuels de molécules. Là où les méthodes traditionnelles mettraient des années à analyser des milliards de possibilités, la technologie promet d’aider à trouver de nouvelles molécules en temps réduit. Un procédé qui l’a menée à signer en 2022 un partenariat avec Sanofi : le géant pharmaceutique a versé 20 millions de dollars pour que la société identifie, synthétise et développe des composés phares en exclusivité. Les paiements ultérieurs, liés aux étapes clés de la recherche, du développement et des ventes, pourraient totaliser plus d’un milliard de dollars. En outre, des redevances échelonnées ont été établies pour les produits développés dans le cadre de cette collaboration.
Le développement de l’IA en santé requiert des compétences de pointe dans des domaines très variés : mathématiques, informatique, biologie, médecine, pharmaceutique… Pour qu’un projet réussisse, il doit donc disposer d’un marché, de financements et de chercheurs de haut niveau. Au-delà de l’importance des recrutements, la complexité de la technologie rend indispensable la création de partenariats solides. Ces collaborations permettent de combiner les expertises, accélérant le développement de solutions innovantes.Enfin, la viabilité à long terme de la plupart des entreprises du secteur reste incertaine. Seules 5 % ont pour l’instant atteint une maturité avancée (série C ou plus), selon une étude de la société d’investissement américaine de Flare Capital Partners. Rien n’est pour autant garanti aux élues : le sort d’OliveAI est, à ce titre, emblématique. Après avoir levé près de 848 millions de dollars et atteint une valorisation de 4 milliards en 2021, la startup spécialisée dans l'automatisation des tâches administratives pour les hôpitaux a fermé ses portes. L’occasion de rappeler que tout investissement, notamment dans l’innovation, comporte des risques.
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