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Entrepreneur visionnaire et investisseur aguerri, Éric Larchevêque a notamment fondé Ledger, solution de sécurité pour les crypto-actifs devenue la 15ème licorne française. Membre du prestigieux cercle des 400 plus grandes fortunes de France, il partage sa vision unique de l'entrepreneuriat et de l'investissement, guidée par un principe clé : toujours être dans l'action.
Dans votre livre Entreprendre pour être libre, vous expliquez que lorsque vous vous intéressez à un sujet, vous vous y investissez à 100 %. On le voit dès votre enfance, lorsque vous découvrez l’informatique. Diriez-vous que c’est la base de votre réussite ?Éric Larchevêque. – Je suis quelqu’un d’obsessionnel. Lorsque j'ai une idée en tête, rien ne peut m'arrêter. Il y a deux valeurs très importantes pour moi : l’action et le professionnalisme. Or, pour être un professionnel, il faut maîtriser son sujet. Quand je me suis lancé dans le poker, par exemple, j'ai passé des heures à analyser et travailler mon jeu pour m'améliorer. Rien d’autre ne pouvait troubler mon esprit. C'était pareil pour le bitcoin : j'y ai consacré toute mon énergie. Selon moi, maîtriser un sujet passe par un travail intense et constant. J'ai fait beaucoup de choses différentes dans ma carrière, mais de manière séquentielle. Ce n'est que récemment, avec mes activités à la télévision, que j'ai commencé à gérer plusieurs projets en parallèle.
Vous n’auriez jamais pu vous satisfaire d’une entreprise « qui ronronne » ? On perçoit votre volonté de repousser vos limites et de briser le plafond de verre...EL. – C’est vrai. En 2010, j'ai lancé la société Prixing avec l'ambition de créer une entreprise générant 100 millions d'euros de chiffre d'affaires. À l'époque, le terme de « licorne » n'existait pas encore, mais je visais quelque chose de grand. Lorsque Prixing a atteint 500 000 euros de revenus, j'ai fait un calcul du coût d'opportunité. J’étais convaincu que je pourrais faire mieux si je me concentrais sur autre chose. J'ai donc décidé d’arrêter, parce que je savais que mon objectif personnel était d’aller chercher quelque chose de très grand, et rester sur ce demi-succès allait m’empêcher d’y arriver. Plus tard, lorsque Ledger a connu le succès [la société a été valorisée 1,5 milliard d’euros en 2021, ndlr], je me suis rendu compte que je n'étais pas Elon Musk. Je n'avais pas l'ambition d’aller chercher 10 milliards, puis 100 milliards d’euros de chiffre d'affaires. À ce moment, beaucoup de choses se sont passées : la santé m’a rattrapé, le Covid est apparu... Je suis passé en « slow life » et me suis remis en question. J’ai pris le parti de continuer à entreprendre, mais à un rythme clairement moins soutenu. Mon moteur jusque-là était de prouver quelque chose, et c’est fait. Je ne veux plus relancer une boîte qui générera des centaines de millions. Aujourd’hui, je me consacre beaucoup plus à la transmission, ce qui me satisfait. Je peux profiter de mes enfants, je suis libre.Libre : le mot figure d’ailleurs dans le titre de votre livre. Mais est-on vraiment libre lorsque l’on a levé des millions et que l’entreprise emploie 700 salariés ? EL. – En réalité, on est en prison, mais c'est une prison que l'on a choisie. Un entrepreneur se met énormément de pression mentale et de responsabilités sur les épaules. Il n'est pas libre de tout quitter sur un coup de tête. Mais il est là où il veut être, car il a choisi cette liberté de faire ce qu'il aime. Pour moi, la véritable liberté, c'est ça.Le problème se pose quand on n'aime plus ce qu'on fait. À ce moment-là, on doit gérer ses responsabilités et trouver une solution pour sortir. Mais tant qu'on aime ce qu'on fait, on continue à avancer malgré les contraintes. On est dans une sorte de couloir de nage, mais c'est une forme de liberté.Peut-on réussir sans consacrer tout son temps à son projet ?EL. – Je n'y crois pas. Tout est possible, mais d'après mon expérience, un entrepreneur est tellement absorbé par son projet qu'il n'a pas une minute de cerveau disponible pour autre chose. C'est une quête d'absolu, et cela implique de faire passer beaucoup de choses au second plan. Évidemment, on peut prendre des vacances ou des week-ends, mais dire qu'on va s'arrêter à une heure précise chaque jour, pour moi, ce n'est pas réaliste. En tout cas, je suis incapable de fonctionner comme ça.
Vous vous êtes lancé dans le bitcoin en 2013-2014, ce qui est très tôt. Qu'est-ce qui vous a attiré, alors que la cryptomonnaie était alors considérée au mieux comme un ovni ? Avez-vous depuis fait fortune, entre autres grâce l’envolée de son prix ? EL. - Au moment où le bitcoin a émergé en France, j'étais effectivement parmi les premiers à m'y intéresser. J'y ai perçu une double révolution : d'un côté, la révolution technologique de la blockchain, qui permet d’avoir un système d'échange décentralisé ; de l’autre, une révolution monétaire, avec la possibilité d'émettre une monnaie aux propriétés uniques et impossibles à obtenir avec une monnaie classique. Pour moi, le bitcoin représentait la monnaie la plus parfaite.J'ai toujours eu un esprit libertarien, attaché à la liberté d'expression, à la possession individuelle de biens et de son propre argent. À une époque, je possédais des lingots d'or parce que je voulais quelque chose de tangible qui m'appartienne vraiment. Quand j'ai compris ce qu'était vraiment le bitcoin, cela a été une révélation : pour moi, il cochait toutes les cases, tant sur le plan philosophique qu'économique. J'ai décidé d’y consacrer les années suivantes de ma vie. Et j'ai évidemment investi ! En 2013, j'ai liquidé toutes mes assurances-vie pour acheter des bitcoins. Je ne les ai pas revendus, depuis, car je crois fermement en leur valeur future. Si je mets à part ma fortune personnelle en actions et autres, la majorité de mes avoirs est en bitcoins : je ne crois pas en l'euro, que je considère comme une monnaie du passé. Alors oui, bien sûr, c'est risqué. J'ai mis tous mes œufs dans le même panier et je ne recommande à personne de faire la même chose ! Ce n'est absolument pas un conseil d'investissement, cela reflète simplement mon alignement avec mes convictions. Je suis conscient des risques, mais ils ne m'affectent pas.
Vous vous êtes aussi lancé dans l’hôtellerie, un milieu très loin de la tech... pourquoi avoir choisi un secteur si différent ?EL. – Le Dodo Hôtel de Riga en Lettonie remonte à 2008, mais j'avais commencé à y penser trois ans plus tôt. J'avais déjà lancé plusieurs entreprises dans le secteur de la tech et j'ai ressenti le besoin de créer quelque chose de tangible, de construire quelque chose de physique : j’en avais assez du virtuel. Comme je l’explique dans le livre, le projet a eu son lot de rebondissements ! Peut-être qu’un jour, je récupérerai la somme que j’ai investie, mais ce n’est pas l’essentiel. Ce qui m'intéresse, c'est l'aventure que chaque projet représente. Tout a déjà été fait, ou vu... Pour moi, l'entrepreneuriat est la dernière véritable aventure humaine. C'est le seul domaine où l'on peut vraiment s'exprimer, repousser les frontières et innover, créer quelque chose de nouveau et unique. C'est ce qui le rend si excitant et enrichissant.Vous étiez présent au salon Vivatech cette année : y avez-vous trouvé des idées qui vous stimulent ? EL. – Oui, quand on observe les développements autour de l'IA et de la mobilité, c'est très stimulant en tant qu'entrepreneur. Ces innovations font germer des idées de nouveaux projets. Mais je me calme rapidement car je n'ai plus envie de me relancer dans une startup à plein temps ! Lorsque je vois une opportunité d’investissement, je la considère avant tout sous un angle entrepreneurial. Si j'investis dans une entreprise, c'est parce que j'ai envie de participer à l'aventure. Je ne cherche pas nécessairement des rendements extraordinaires. C'est pour ça que je ne suis pas le meilleur investisseur : je suis trop attaché à l'aspect entrepreneurial, à la passion du produit lui-même et à l'aventure !C’est ce qui m’a donné envie de rejoindre l'émission Qui veut être mon associé ? sur M6 [Éric Larchevêque officie depuis 2020 en tant que membre du jury d’investisseurs et fera partie de la 5e saison du programme à partir de janvier 2025, ndlr] : il y a de l'accompagnement, des expériences enrichissantes et de belles histoires. C'est aussi pour cela que j'ai créé les masterclasses du Domaine Larchevêque où viennent des entrepreneurs de tous horizons : il s'agit de transmettre et d'accompagner.Vous conseillez souvent de ne pas passer trop de temps sur les business plans, ni de trop réfléchir. Ce sont ces principes que vous y insufflez ? EL. – Absolument, ils ont guidé toute ma carrière d'entrepreneur et sont au cœur de mes masterclasses. Nous y réunissons pendant deux jours intenses une dizaine d'entrepreneurs qui ont, pour la plupart, déjà bien développé leur activité. Chaque session est unique et vise à créer un maximum de valeur en peu de temps. Souvent, les participants dorment mal la première nuit, car nous décortiquons leur business et leurs croyances. Ils réalisent que leurs freins sont souvent personnels. Cela débloque beaucoup de choses, et brise leur solitude d’entrepreneur.Ce ne sont pas des startups de la French Tech qui viennent. Ce sont des entrepreneurs de PME et TPE qui fonctionnent, mais qui sont souvent seuls. Ils ne peuvent pas partager leurs ambitions avec leurs employés ou leurs proches. Ces sessions leur permettent de discuter avec des pairs qui comprennent leurs questionnements, leurs ambitions et qui n’essaient pas de les freiner. L’objectif, c'est qu'ils repartent vraiment boostés, avec un plan d'action pour pouvoir accélérer.
Votre ascension est en grande partie liée à la révolution d’Internet et du numérique. Dans quoi vous lanceriez-vous si vous sortiez aujourd’hui de votre école d’ingénieur ? EL. – Si je devais choisir, je me lancerais dans l'intelligence artificielle ou l'énergie de fusion. L'IA offre de nombreuses opportunités et permet de mettre rapidement un produit sur le marché. En revanche, l'énergie de fusion est un véritable « Everest ». J'ai toujours été passionné par la physique. Il y a des avancées récentes, de la recherche... certaines startups aux États-Unis travaillent sur des projets de fusion avec des roadmaps certes à 20 ou 30 ans, mais elles pourront poser quelques jalons bien avant. Quant à ce que cela peut apporter à l'humanité... c’est extraordinaire. Mais aujourd'hui, je n'ai plus l'énergie mentale pour me lancer là-dedans.Le capital nécessaire sur ce sujet n’est pas le même que celui requis aux débuts d’Internet...EL. – Non, bien sûr. Mais une fois que l'on devient bon dans un domaine et que l'on travaille dur, on peut convaincre des investisseurs d'engager des centaines de millions. Le plus difficile, c’est de trouver sa voie, de se focaliser, d'apprendre et de trouver les bonnes personnes. Une fois que l'on a un projet crédible, après quelques années de travail, lever des fonds devient plus simple. Mais il ne faut pas oublier une chose : l'entrepreneuriat ne se résume pas à lever des fonds. Il s'agit de créer une entreprise, d’aller sur le marché rapidement et d’obtenir des retours concrets, pas de compter uniquement sur l’argent d’investisseurs. Ce sont des éléments essentiels que l’on a peut-être tendance à oublier.D’ailleurs, les PME autofinancées constituent l’essentiel du tissu économique français. Elles sont souvent loin de la French Tech et ne se préoccupent pas de levées de fonds. Aujourd’hui, avec des taux moins intéressants pour les investisseurs, nous assistons à une revanche de l'autofinancement, et il est crucial de mettre en avant ces entreprises.
À la fin de votre livre, vous rappelez des notions importantes que l’on apprend que sur le terrain...EL. – Pour beaucoup de personnes, même certains créateurs d’entreprise, ces notions sont des rappels importants. Dans Qui veut être mon associé ?, j'ai souvent été surpris par des entrepreneurs qui proposaient par exemple 10 % de leur société pour 100 000 euros... ça ne veut pas dire grand-chose. C'est important de rappeler les bases, parce que le monde de l’entreprise peut paraître complètement hermétique. L’émission est d’ailleurs une belle manière de vulgariser l'entrepreneuriat. Elle ouvre les portes, inspire les gens, crée des ambitions, et passe le message « moi aussi, je peux y arriver ». Elle aide à lever les freins et les peurs, à débloquer des limites. D'une certaine manière, elle a un caractère d'utilité publique, car elle réconcilie les Français avec la notion de réussite et montre que l'entrepreneuriat est accessible à tous.
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➸ Slow entrepreneuriat : ralentir pour mieux construire