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En ce début d'automne, un chiffre circule dans les couloirs feutrés des institutions : 6,9 %. C'est le niveau que pourrait atteindre le déficit public en 2025, selon un rapport du Sénat publié le 19 novembre. Entre lignes budgétaires et projections alarmantes, le document pointe « l'irresponsabilité assumée » du gouvernement et son inaction face à un déficit record.
En décembre 2023, alors que les Français préparent les fêtes, des notes internes circulent dans les bureaux de Bercy. Les prévisions de recettes fiscales sont en chute libre : TVA, impôt sur les sociétés, tout est en repli. Des prévisions de croissance trop optimistes, une anticipation économique jugée « irréaliste » dès le départ par certains observateurs et aujourd'hui par le Sénat : les graines de la déliquescence sont semées depuis des mois.Le ministère des Finances, pourtant informé de la situation critique, décide de ne pas communiquer. Une note adressée à la Première ministre Elisabeth Borne recommande toutefois des ajustements pour le budget 2024. Elle reste lettre morte. Parce qu'un changement de Premier ministre est imminent ? Cette justification sonne creux face aux chiffres qui, eux, ne mentent pas. Dès mars 2024, le déficit dépasse déjà les 5,6 % du PIB, loin des 4,9 % annoncés initialement.
Le rapport du Sénat insiste sur un point : la représentation nationale, dont les débats au sujet du budget se sont soldés par l'utilisation de l'article 49.3 de la Constitution, a été écartée des décisions. "Dans une note du 6 février 2024, peut-on lire dans le rapport, Bruno Le Maire demandait au président de la République, pour tenir l’objectif de déficit de 4,4 % du PIB, de porter de 9 à 10 milliards d’euros le gel de crédits et d’annoncer un projet de loi de finances rectificative ».Mais alors que les déficits se creusaient, aucune loi de finances rectificative n’a été soumise. Au lieu de quoi, un décret spectaculaire est pris : 10 milliards d’euros de crédits gelés, sans consultation des ministères concernés. Cette gestion de crise à la hâte a ses limites. Selon le Sénat, ces gels budgétaires ont perturbé la mise en œuvre de politiques publiques. Certaines administrations ont dû repousser des recrutements ou suspendre des paiements : ce bricolage est plus révélateur d’un manque de stratégie que d’un sérieux budgétaire.
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Pourquoi un tel immobilisme ? Le rapport esquisse une réponse : des calculs politiques à courte vue. À l’approche des élections européennes, les dirigeants redoutaient des mesures impopulaires. Toute réforme structurante aurait risqué de susciter un tollé, voire une motion de censure. Résultat : des ajustements trop tardifs et insuffisants pour contenir l’envolée du déficit. En avril 2024, les prévisions s’aggravent encore : 5,7 % de déficit prévu pour l’année en cours. Et toujours aucune mesure significative de prise. La dissolution de l’Assemblée nationale en juin, suivie d’une longue période sans gouvernement, n’a fait qu’ajouter à l’inertie.
Cette dérive n’est pas sans conséquences. L'Union Européenne a ouvert une procédure pour déficit excessif à l'encontre de la France cet été. Les agences de notation scrutent désormais les comptes français avec méfiance. Une dégradation de la note souveraine n’est pas exclue, ce qui alourdirait encore le coût de la dette. Les marges de manœuvre budgétaires se réduisent, tandis que les investisseurs, eux, commencent à douter. Pour les collectivités locales, l’impact est déjà tangible. Alors qu’elles doivent faire face à une inflation persistante, leurs dépenses explosent.
Face à ce tableau, le Sénat appelle à des réformes de fond. La première urgence est la transparence. Les parlementaires demandent à être pleinement informés des évolutions budgétaires et associés aux décisions. Ensuite, des mesures structurelles sont nécessaires pour maîtriser les dépenses tout en élargissant l’assiette fiscale. Mais le temps presse. Chaque mois d’inaction alourdit la facture. Le rapport ne mâche pas ses mots : il pointe une irresponsabilité budgétaire assumée et une série de décisions politiques dictées par l’urgence ou la peur du risque. Dans les couloirs feutrés du Palais du Luxembourg, la conclusion résonne comme un avertissement. Si rien n’est fait, la France risque de s’engager dans une spirale difficilement contrôlable.