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Entre les turbulences d'une guerre commerciale réactivée par Donald Trump, des régulations sanitaires de plus en plus strictes et une consommation qui ralentit, l'industrie de l'alcool doute. En Bourse, les valeurs tanguent au rythme des incertitudes.
L’orage vient en partie de Washington. Donald Trump, fidèle à sa politique protectionniste, a remis en place des barrières douanières visant les importations chinoises. Le Canada et le Mexique, pour leur part, bénéficient d’un sursis de 30 jours avant que le couperet ne tombe. Si des droits de douane de 25 % sont appliqués dès le 1er mars, l’impact sur l’industrie des spiritueux et de la bière sera brutal. D'autant que ces deux pays ont aussi annoncé prendre des mesures similaires en représailles.L'Europe n'est pas en reste : le contient attend fébrilement les décisions Outre-Atlantique. Parmi les industries qui pourraient être touchées, les producteurs de vins et spiritueux retiennent leur souffle. Car même si les droits de douane ne s'envolent pas pour tous, ils savent qu'ils ne seront probablement plus les bienvenus chez l'Oncle Sam : Donald Trump a une aversion pour l'alcool, qu’il explique par une tragédie familiale. Son frère aîné, Fred Trump Jr., est décédé à 42 ans des suites de son alcoolisme. Ce traumatisme expliquerait, selon certains observateurs, une absence de tolérance envers l’industrie.
Les mastodontes du secteur ont bien compris qu'une révolution était potentiellement en préparation et tentent d’anticiper le choc. Diageo, qui détient des marques emblématiques comme Johnnie Walker et Smirnoff, dépend fortement de ses importations en provenance du Canada et du Mexique, pays dans lequel est produite toute sa Tequila. L’entreprise britannique a d’ailleurs préféré retirer ses objectifs de croissance à moyen terme, consciente du manque à gagner potentiel de 200 millions de dollars en cas de taxation. Campari, qui mise sur l’Aperol et ses marques de tequila Gran Centenario et Espolon, redoute lui aussi les effets en cascade d’une guerre commerciale qui semble loin d’être terminée. Dans cette guerre de nerfs, Constellation Brands est sans doute le plus vulnérable. Le propriétaire des bières Corona et Modelo tire 85 % de son activité de la bière mexicaine. En cas de taxation supplémentaire, son bénéfice par action (BPA) pourrait dégringoler de 20 %, selon les analystes de J.P. Morgan. À l’inverse, Molson Coors et Heineken, qui dépendent peu des importations, semblent mieux armés pour affronter la tempête.
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Des représailles qui menacent le whisky américain ?Le Canada et le Mexique ne comptent pas rester sans réaction. S’ils sont visés par les taxes américaines, ils riposteront en taxant à leur tour le whisky américain. Une menace qui vise notamment Brown-Forman, maison-mère de Jack Daniel’s. Certes, son exposition aux marchés canadien et mexicain reste limitée (1 % et 7 % de ses ventes totales), mais une taxation supplémentaire pourrait grignoter ses marges et impacter ses résultats.
Si la bataille commerciale se joue principalement en Amérique du Nord et en Chine, l’industrie française des vins et spiritueux suit le dossier avec inquiétude. Producteurs de champagne, maisons de cognac et vignobles bordelais redoutent une nouvelle escalade des tensions. Après tout, ce ne serait pas une première : sous la présidence Trump, les États-Unis avaient déjà relevé les taxes sur les vins européens, une plaie encore fraîche pour le secteur. Parmi les géants, la société Pernod Ricard, autre poids lourd avec des marques comme Tequila Codigo 1530 et le bourbon Jefferson’s, réalise 6,3 % de son chiffre d’affaires grâce aux importations nord-américaines. Des turbulences sont donc à prévoir en cas de nouvelles barrières douanières.
Mais considérer que les menaces de hausse de tarifs douaniers sont les seuls responsables reviendrait à sujet. Au-delà des tensions commerciales, l’industrie de l’alcool subit une autre réalité : une diminution progressive de la consommation dans de nombreux pays développés et un durcissement des réglementations sanitaires. Les nouvelles générations, notamment les Millennials et la Génération Z, tendraient à adopter des modes de vie plus sains en modérant leur consommation d’alcool. Plusieurs études montrent que les jeunes boivent moins que leurs aînés au même âge. Ce changement est en partie influencé par la montée du bien-être, du fitness et de la prévention des risques liés à l’alcool, tels que les maladies cardiovasculaires et les troubles mentaux. L’omniprésence des réseaux sociaux joue un rôle dans cette évolution, les comportements excessifs liés à l’alcool sont souvent mal perçus.Les gouvernements imposent également des réglementations de plus en plus strictes pour limiter la consommation d’alcool. En Europe, les politiques de santé publique visent à réduire l’alcoolisme avec des hausses de taxes. En août 2023, le Royaume-Uni a par exemple appliqué la plus forte hausse depuis 50 ans, modulée selon le taux d’alcool des boissons : les spiritueux (+10,1 %) et les vins ont été les plus impactés, tandis que les bières et cidres légers ont été relativement épargnés. L'Irlande impose déjà des étiquettes sanitaires obligatoires et les pays scandinaves alourdissent progressivement une fiscalité déjà élevée. En parallèle, le marché des boissons sans alcool connaît une expansion rapide, poussant les grandes marques à investir massivement dans ces produits afin de compenser la baisse des ventes d’alcools traditionnels.
Le cocktail est-il amer pour les investisseurs ? En un an, certaines valeurs ont fondu en Bourse : Diageo (-21 %), Pernod Ricard (-31%), Brown-Forman (-43%), Campari (-43%), Constellation Brands (-29%), Molson Coors (-13%), AB InBev (-18%)... Une correction qui traduit les incertitudes grandissantes autour du potentiel de vente et de diversification du secteur. Si les taxes douanières se confirment et que la consommation continue à ralentir, l’industrie des spiritueux pourrait bien voir sa croissance s’aligner sur celle des cigarettiers d’ici 2027.
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