Actuellement en kiosque et sur commande
Continuer avec Google
Continuer avec Facebook
Continuer avec Apple
Il y a un an, l'approbation des premiers ETF sur le Bitcoin marquait un tournant historique, offrant une légitimité inédite aux cryptomonnaies dans un secteur financier longtemps sceptique. Selon Owen Simonin, président de la plateforme d'investissement régulée Meria et suivi par 1,6 million de personnes sur les réseaux sociaux sous le pseudonyme Hasheur, cette dynamique pourrait s'accélérer dans les années à venir. Interview. Article extrait du magazine print Idéal Investisseur n°2.
Idéal Investisseur. - En novembre dernier, le Bitcoin et les autres cryptomonnaies ont bondi dès l’élection de Donald Trump. Le secteur a déjà vécu des hausses et baisses spectaculaires. Cette fois-ci, la situation est-elle différente ?Owen Simonin. - C’est la 4e fois que je vis une percée sur le Bitcoin. Mais cette fois, nous avons changé d’échelle. En 2017, par exemple, l’intérêt pour le Bitcoin restait limité et surtout porté par les particuliers. Mais en quelques mois, sa valeur avait été multipliée par 20 ! Cette fois, elle a « juste » doublé. Ce qui change, c’est que de grands acteurs s’y intéressent, comme BlackRock, Microsoft ou d’autres entreprises cotées au Nasdaq, et que le nouveau président des États-Unis a promis, durant sa campagne, de donner un rôle significatif aux cryptomonnaies. L’arrivée de grandes institutions sur ce marché montre clairement qu’on est face à un phénomène global, bien plus structuré et sérieux qu’avant. La volatilité reste importante, mais cela n’a rien de comparable à l’époque où il valait quelques centimes. En clair, le Bitcoin est devenu un actif que personne ne peut plus ignorer. À l’origine, la philosophie était de décentraliser le pouvoir financier pour le donner aux particuliers grâce à la technologie de la blockchain. Cependant, avec de grands acteurs qui investissent et une quantité limitée à 21 millions de Bitcoins, ne risque-t-on pas de s’éloigner de cette vision initiale ?Oui et non. C’est vrai que le Bitcoin a été conçu comme un système de pair à pair totalement décentralisé, avec des utilisateurs qui participent directement à son fonctionnement. Cela reste toujours le cas. Même si une banque ou un acteur majeur détenait 99 % des Bitcoins, cela n’altérerait en rien le fonctionnement décentralisé du réseau.Les décisions techniques – comme le maintien à 21 millions de Bitcoins ou la validation des transactions – ne dépendent pas de ceux qui possèdent la cryptomonnaie, mais du consensus de ceux qui la minent. Ces derniers, répartis dans le monde entier, assurent la sécurité et la gouvernance du réseau grâce aux nœuds de la blockchain et à leur puissance de calcul. Le système est conçu pour être infalsifiable, il repose sur des ressources électriques et des infrastructures coûteuses et difficiles à monopoliser, même pour des États ou des géants comme BlackRock. Finalement, c’est un peu comme avec l’euro : même si je détenais tous les euros, cela n’empêcherait pas la Banque centrale de mener sa politique monétaire.En revanche, ces acteurs peuvent effectivement influencer le prix par leurs achats ou ventes massives. On peut décider d’acheter des Bitcoins cet après-midi, mais on ne peut pas décider d’acquérir 20 % de la puissance de calcul nécessaire en un claquement de doigts, sans faire de réformes et sans mettre en œuvre un plan de développement gigantesque. Et je doute que ce soit leur but.
Il y a deux grandes visions autour du Bitcoin : ceux qui pensent qu’il ne sert à rien, puisqu’on ne peut rien acheter avec, et ceux qui le perçoivent comme une nouvelle réserve de valeur, comparable à l’or. Quel est votre avis ?Dire qu’on ne peut rien acheter en Bitcoins, c’est faux ! Je n’ai pas payé en euros ou en dollars depuis trois ans. J’en ai même fait une vidéo dès 2017 dans laquelle je vis toute une journée à New York en payant uniquement en Bitcoins. Certes, les commerces qui l’acceptent directement sont rares. Mais il faut savoir qu’en France, des sociétés régulées ont lancé des cartes Visa ou Mastercard liées à des comptes en cryptomonnaies. On peut donc tout payer en Bitcoins, même si ce n’est pas en direct ! Quant à l’idée du Bitcoin comme réserve de valeur, c’est totalement pertinent. Comme l’or, il est limité en quantité, difficile à « extraire » (il faut des machines puissantes pour miner) et infalsifiable. En revanche, il a des avantages uniques. Il est facilement transportable : un milliard de dollars en Bitcoins tiennent sur une clé USB, alors que s’il s’agissait d’or, il faudrait des camions ! Les transactions sont aussi instantanées, même à l’échelle mondiale. Cela peut faire de lui un « or numérique », avec des avantages et des inconvénients, dont le principal reste sa volatilité, car c’est vrai, la plupart des investisseurs sont intéressés par la spéculation. Ses détracteurs ont raison sur ce point : son prix peut doubler ou s’effondrer en peu de temps, bien que ça ne change pas son potentiel révolutionnaire. Que peut changer l’élection de Donald Trump, et notamment ses relations avec Elon Musk ? On sait combien ce dernier est capable d’influencer le marché, comme en 2021, lorsqu’un simple tweet a fait exploser le prix du Dogecoin, une cryptomonnaie parodique.Elon Musk est un personnage complexe. S’il ne prend pas les meme coins, il reste convaincu par les fondamentaux et les promesses de la finance décentralisée. Sa fascination réside aussi dans la force collective, comme l’illustre l’épisode GameStop où des particuliers avaient réussi à faire trembler Wall Street. Pour lui, ces mouvements incarnent une remise en question des institutions traditionnelles.Quant à Donald Trump, sa position a évolué. Au départ, il semblait peu sensible à l’engouement des particuliers pour les cryptos, mais il a fini par comprendre que ces technologies résonnent profondément avec des valeurs clés de la société américaine : la liberté, le marché libre et une forme de modernisation du capitalisme. Aujourd’hui, il promet un soutien marqué à l’innovation financière, ce qui est un tournant important après des années d’incertitude.Par exemple, Trump a évoqué la possibilité d’intégrer le Bitcoin dans les réserves fédérales aux côtés de l’or. Si une telle initiative se concrétisait, elle pourrait créer une pression acheteuse gigantesque, car d’autres pays seraient contraints de suivre pour ne pas rester en retrait. Cette reconnaissance par des États renforcerait le Bitcoin en tant qu’actif stratégique. Reste que son administration devra encore passer de la parole aux actes. Cela dit, l’impact immédiat est déjà visible : les acteurs crypto basés aux États-Unis se sentent davantage soutenus et moins menacés par les régulateurs. Cela encourage l’innovation et redonne confiance à un écosystème qui se méfiait du volet réglementaire.
Ce qui n’est pas le cas en Europe…L’Europe a une approche différente. Plutôt que d’encourager directement l’innovation technologique, elle se concentre sur la création de régulations robustes, comme elle l’a fait pour l’intelligence artificielle. Cela montre une volonté d’encadrer plus que de freiner, mais le contraste avec les États-Unis pourrait, à terme, poser problème si l’UE reste trop timide face à ces évolutions. La technologie est révolutionnaire, et tous ceux qui ne le comprennent pas aujourd’hui vont, au fil des jours et des années, changer d’avis. Enfin, il y a une leçon importante à tirer de la crypto en général : son adoption repose en partie sur l’éducation financière. Trop souvent, on s’est contentés de confier la responsabilité de nos investissements aux banques, sous une approche paternaliste. Les cryptomonnaies redéfinissent la notion de responsabilité individuelle. Elles forcent chacun à réfléchir à la gestion de son patrimoine, à ses choix d’investissement, et à en accepter les risques. On doit être mieux éduqués sur la finance, c’est une certitude. Il est dangereux d’envoyer des gens vers les cryptos s’ils n’ont pas eu cette formation. Malgré tout, on ne doit pas leur interdire ce chemin en disant qu’ils sont trop ignorants. Si l’on se projette dans 10 ans, à quoi ressemblera l’univers des cryptomonnaies selon vous ?C’est très complexe, mais je pense que la blockchain et les cryptomonnaies ont le potentiel pour devenir aussi omniprésentes et fondamentales que l’est Internet aujourd’hui. À l’image de ce que le web a fait pour l’information, la blockchain transformera nos transactions. Et par transactions, je ne parle pas seulement d’argent : cela inclut aussi l’identification, les échanges de données et les communications. Chaque interaction numérique pourra s’appuyer sur une blockchain pour garantir la transparence et la confiance.Les cryptomonnaies ne sont qu’une des applications visibles de la blockchain. Le potentiel de cette technologie va bien au-delà. Nous évoluons vers un monde où nous avons de plus en plus besoin de certitudes : savoir si une information provient d’un humain ou d’une intelligence artificielle, vérifier l’identité d’un interlocuteur ou garantir l’unicité d’un bien numérique. La blockchain offrira ces garanties. Ce sera un outil de confiance dans un environnement où les abus et arnaques se multiplient. Toutefois, il est fort probable qu’en tant que particuliers, on ne s’en rende pas compte. Quand vous utilisez Skype ou envoyez un e-mail, vous ne réfléchissez pas au protocole utilisé. Ce sera pareil avec la blockchain : elle sera intégrée, invisible, et son usage sera simplifié pour que chacun puisse en bénéficier sans se soucier de toute sa complexité technique. L’avenir, pour moi, va donc bien au-delà d’une adoption massive des cryptomonnaies.
➸ Hedge funds : des rendements jusqu'à 50 % en 2024
➸ 3 secteurs d'investissement prometteurs pour 2025
➸ Sam Altman et OpenAI : l'innovation sous pression