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Avec valorisation multipliée par 6 en 2024, l'action MicroStrategy (MSTR) s'est imposée comme l'un des titres les plus spectaculaires du Nasdaq. Portée par la remontée du Bitcoin (x2,5 sur la même période), l'entreprise s'est transformée en miroir amplificateur de l'univers crypto. Derrière cette société de logiciels se cache aujourd'hui un actif hybride, à mi-chemin entre une small cap technologique, un ETF alternatif et une option longue sur le Bitcoin. Une métamorphose stratégique qui fascine autant qu'elle divise.
Depuis 2020, MicroStrategy n’est plus seulement un fournisseur de solutions d’analyse décisionnelle. Sous l’impulsion de son président emblématique Michael Saylor, le groupe a mis en œuvre une stratégie inédite : convertir ses excédents de trésorerie — puis ses émissions obligataires — en Bitcoin. Résultat : au printemps 2025, l’entreprise détient plus de 2 % de tous les BTC en circulation, soit près de 500 000 unités selon les dernières estimations. Ce qui en fait le plus important détenteur corporate de la cryptomonnaie dans le monde, devant Tesla et Coinbase. Mais cette stratégie va au-delà de l’investissement patrimonial : elle reconfigure en profondeur la structure même du bilan. Fin 2024, la valeur des actifs intangibles (principalement liée au Bitcoin) atteignait plus de 90 % du total bilan. À ce stade, MicroStrategy ne joue plus sur deux tableaux. Elle est devenue, dans l’esprit des investisseurs, une proxy cotée du Bitcoin — avec effet de levier.
C’est l’un des attraits majeurs (et des risques évidents) du titre : sa forte sensibilité au prix du BTC. Sur les douze derniers mois, la corrélation reste élevée, mais surtout asymétrique. Une hausse de 10 % du Bitcoin entraîne souvent un bond de 30 % du cours de Microstrategy. À l’inverse, les corrections du marché crypto s’accompagnent souvent de chutes plus violentes encore. Exemple frappant : entre novembre et décembre 2024, alors que le Bitcoin reculait légèrement de 2 %, MSTR perdait 21 %. Cette volatilité extrême se mesure aussi techniquement : le titre affiche une volatilité mensuelle de 105 %, un bêta de 3,30 par rapport au S&P500, et une sensibilité accrue aussi bien en phase de marché baissier (amplification moyenne de -2,1 %) qu’en cas de mauvaises nouvelles spécifiques (-5 % en marché haussier). En d’autres termes, MicroStrategy ne suit pas le Bitcoin : elle le surjoue.
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Que reste-t-il du modèle économique initial ? Une activité logicielle qui résiste, mais qui n’évolue plus au cœur du narratif boursier. Les revenus issus de la vente de licences et de services se sont contractés à 463 millions de dollars en 2024, en baisse de 7 % sur un an. La marge brute reste correcte (72 %), mais les frais généraux (86 % des revenus) et les investissements dans la R&D (26 %) pèsent lourd. Résultat : un EBIT de -63 millions de dollars et un bénéfice net négatif de 1,17 milliard, après un exercice 2023 qui avait pourtant renoué avec les profits. Le PER projeté à long terme ? -830. Un chiffre qui parle de lui-même : la valorisation repose intégralement sur la détention de Bitcoin et la spéculation sur son évolution. Le logiciel, dans ce modèle, devient un simple prétexte fiscal pour justifier la cotation. Et la valorisation de plus de 79 milliards de dollars ne reflète en rien les flux opérationnels de l’entreprise.
MicroStrategy n’appartient plus vraiment au secteur technologique, si l’on en croit ses indicateurs de marché. En 2025, alors que l’indice TEC@US (technologie américaine) recule de 7 %, MSTR gagne 105 % en quelques mois. Elle surperforme le Nasdaq, le S&P500, et même le secteur crypto dans son ensemble. La tendance technique est positive depuis fin mars, et les analystes ont recommencé à réviser légèrement à la hausse leurs prévisions, après des mois de réticence. Mais cette trajectoire est fragile. Le prix d’objectif médian des analystes reste fixé à un niveau autour de 200 dollars — soit un potentiel de baisse de 35 % par rapport au niveau actuel, avec des variations jusqu'à 600 dollars. Aucun dividende n’est versé, et la rentabilité des fonds propres reste structurellement négative sur longue période. Malgré une amélioration récente, le ROE reste à -6 % en 2024.
La réponse dépend entièrement du profil de l’investisseur. Pour un particulier ou un gérant diversifié souhaitant s’exposer au Bitcoin sans détenir directement de cryptos, MicroStrategy peut représenter une alternative tactique : éligible aux comptes-titres, facile à trader, sans contraintes de stockage, et offrant une exposition asymétrique. Mais cette solution s’apparente davantage à une option à delta variable qu’à une ligne de fond de portefeuille. Pour un investisseur institutionnel, les freins sont nombreux : valorisation intenable, absence de dividendes, volatilité extrême, pilotage centré sur une vision personnelle du Bitcoin. La société reste éminemment dépendante de son fondateur, et le moindre changement de ton ou de stratégie pourrait déclencher des réactions brutales sur le titre.
Ce n’est ni une valeur de croissance, ni une recovery, ni une deep value. C’est un actif dérivé du Bitcoin, coté en continu, dont le levier implicite permet des mouvements amplifiés — mais sans garantie de flux futurs. Le marché le valorise comme tel : non sur ses revenus, mais sur la quantité et la valeur perçue de ses réserves en BTC. Tant que le Bitcoin monte, ce pari peut fonctionner. Mais attention : il ne s’agit pas d’un raccourci vers la performance, mais d’un amplificateur de direction. Celui qui entre sur MSTR n’achète pas un business model, il achète une narration. Et cette narration dépend intégralement d’un actif dont la volatilité historique n’a jamais été domptée.
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