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Par Eve Law-Thime, Directrice générale déléguée de Portzamparc La Finance, ce sont des mathématiques simples ? Des additions, soustractions et multiplications. Dans les faits, le dialogue joue une place prépondérante, peut-être plus importante que les opérations numériques. La dimension émotionnelle emporte souvent la décision, aussi rationnelle que nous pouvons la penser.
La finance est souvent perçue comme complexe, des placements sophistiqués, des frais cachés, des implications fiscales… avec un risque de perte financière en cas de conjoncture adverse et d’orientations non anticipées. Incertitude, stress. Aussi l’investisseur va naturellement chercher à réduire son sentiment d’insécurité. En France, ce qui touche aux finances personnelles est encore parfois un sujet tabou. Nous avons besoin de réassurance. Alors, quoi de mieux que d’intégrer une communauté autour d’investisseurs ou d’experts reconnus, pour mieux appréhender les différents placements, leurs espérances de gain et leurs risques. L’intelligence artificielle, les robots comparateurs, les simulateurs de théories ne peuvent rivaliser avec l’humanisation, donner une dimension concrète à ces produits, un caractère authentique aux gains espérés. La force du témoignage, surtout s’il émane d’une personne qui apparait légitime, nous permet de nous identifier et l’emporte.
Les neurosciences montrent que l’émotion joue un rôle prépondérant dans la formation, la consolidation et le rappel des souvenirs. La mémoire, sélective, stocke en priorité les évènements émotionnels, plus durablement et avec davantage de détails. L’émotion, elle, constitue un marqueur qui rendra le souvenir plus facilement accessible. Avec un risque d’influencer la mémoire, embellissant ou assombrissant le sentiment général et ses enseignements. Aussi, pour construire une relation durable et positive avec ses finances, il apparaît important d’y associer des émotions positives et ce malgré les contre-performances, statistiquement inévitables. Je vous partage deux réflexions pour favoriser cette empreinte. Pour commencer, ajustons nos attentes à des performances raisonnables, en fonction des produits d’investissement et de la volatilité des supports. Calculer cette performance cible nette de tout frais à débourser préservera de premières déconvenues. Chaque surperformance constituera une célébration ! Qui n’a pas entendu un proche se prévaloir de performance à trois chiffres sur une valeur américaine, alors que les marchés Euronext ne font « que » 7% en moyenne par an ? Dans les faits, 7% par an net de frais sur 10 ans permet de doubler mon capital de départ. Pour engranger des souvenirs heureux, je suis persuadée que la qualité de l’expérience vécue et le chemin vers le résultat comptent autant voire davantage selon les tempéraments. Souhaitez-vous « vivre la bourse », les frissons des montagnes russes, sanctionnées par une valorisation quotidienne de votre épargne ? Ou privilégiez-vous la sérénité, une performance honorable sans avoir à trop vous inquiéter ? Un même portefeuille, deux vécus selon l’accompagnement choisi. Après plusieurs expériences, je crois au conseiller « coach », à l’écoute de nos questions et de nos analyses, qui saura orienter ou se montrer plus directif. Une personne disponible et qui me connaît. Aussi, elle sera à même de co-construire, au fil du temps, un historique de performance et d’interactions positives. Car co-construire la valeur rendra les fruits de votre investissement encore plus mémorables.
« Un conseiller, en ai-je réellement besoin, et si je me sentais suffisamment experte et autonome pour atteindre seule mes objectifs de performance ? » Tandis que la finance classique théorise des agents économiques parfaitement rationnels et des marchés efficients, la finance comportementale admet que les investisseurs peuvent être irrationnels et influencés par des biais cognitifs et des émotions dans leur prise de décision. D’une manière que nous pensons objective, nous basons nos décisions sur l’analyse de faits historiques et sur notre expérience passée. Ce faisant nous privilégions des évènements qui confirment nos convictions, interprétons des faits à la lumière de nos émotions, ou jugeons une situation sur des données ex-post : autant de biais de modèle mental. Selon son caractère prompt à l’action ou à l’inertie, nous péchons par optimisme, par excès de confiance, ou au contraire survalorisons le statut quo devant des informations qui semblent contradictoires… Cette année, une étude de trois chercheurs américains[1] décrypte le biais de disposition, cette propension à vendre rapidement des valeurs en gain pour confirmer un « succès », et à garder longtemps des valeurs en perte pour ne pas reconnaître une « erreur ». En effet, l’impact émotionnel n’est pas le même : devant une perte de 1000€, nous ressentons -3000, tandis qu’avec un gain de 1000€, nous ressentirons +1000. Les chercheurs ont estimé que ce biais de décision coûte à l’investisseur autonome 3 à 4% de performance annuelle, mais de la méthode et du conseil « outillé » pouvaient réduire ce manque à gagner. Je suis convaincue que nous devons, investisseurs comme professionnels de la finance, travailler collectivement sur l’atténuation de nos biais, à l’aide de modèles et de processus spécifiques. Accepter la contradiction, se décentrer de ses biais et évoluer avec les échanges. En acceptant la dimension humaine nous pourrons ensemble mieux gérer nos finances.