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205 kilomètres de lignes, 303 stations et plus de 1,5 milliards de voyageurs par an. Le métro parisien est un transport si familier, qu'on en oublie qu'il est le fruit d'une longue histoire et de nombreux rebondissements. Lancé en 1895, le chantier des 6 premières lignes va durer jusqu'en 1911. Il y a 114 ans, le 17 février 1903, le Petit Journal publiait un article incisif contre les travaux, qui, selon lui, allaient bloquer la circulation déjà difficile dans la capitale… On notera le commentaire du préfet de police de Paris d'alors, plutôt remonté de n'avoir pas été consulté. Le 18 février, à la suite de la publication de l'article, le Petit Journal s'invite aux services techniques de la Ville afin d'obtenir des explications sur les travaux à réaliser. On y entrevoit un chantier gigantesque pour l'époque. Voyageons dans le temps en lisant ces article reproduits ici dans leur intégralité.
Le Métropolitain et la place de l'Opéra On communiquait, hier soir aux journaux la note suivante, dont l'importance n'échappera pas à nos lecteurs, puisqu'il s'agit de la circulation en plein cœur de Paris : les travaux exécutés présentement place de l'Opéra, et qui ont pour objet l'établissement en cet endroit d'une des stations de la ligne n°3 du réseau Métropolitain (Courcelles-Ménilmontant), vont être suivis, à très bref délai, de travaux beaucoup plus importants. Trois tunnels superposés Sous la place de l'Opéra, en effet, la ligne n°3 se croise avec deux autres lignes du réseau métropolitain et elles se superposent dans l'ordre suivant : en haut, la ligne n°3 ; puis la ligne 7 Palais-Royal-place du Danube ; enfin la ligne 8 : Auteuil-Opéra. On a donc été obligé de prendre des dispositions pour assurer avec sécurité l'exécution ultérieure de ces deux dernières lignes. Il sera fait un bloc des trois tunnels superposés, au moyen de maçonneries qui les limiteront ou les soutiendront et qui serviront d'appui à un vaste plancher métallique sur lequel portera la chaussée. Pour l'exécution de ces maçonneries, qui seront descendues jusqu'à 21 mètres au-dessous du sol dont 10 mètres dans la nappe d'eau, on foncera là l'air comprimé trois caissons analogues à ceux que l'on emploie pour les travaux en rivière, dont le plus grand n'aura pas moins de 24m 50 de long sur 8 mètres de large. La place de l'Opéra transformée en chantier Deux de ces caissons occuperont le sous-sol même du Boulevard des Capucines. Dès le mois prochain, un véritable chantier fermé occupera donc la chaussée du boulevard, le plateau Sud et partie du plateau Nord mais l'on ménagera une chaussée auxiliaire de 10 mètres de largeur pour aider au détournement des voitures en même temps qu'un trottoir de 4 mètres de large sera réservé le long de la clôture de chantier. Ce chantier sera ouvert dès que les travaux actuellement en cours à l'angle Nord de la place de l'Opéra seront terminés, c'est-à-dire vers la fin février, et ce n'est probablement pas avant la fin de l'année que la chaussée du boulevard des Capucines pourra être rendue à la circulation normale. L'administration municipale, préoccupée de la gêne que causeront à la circulation, au cœur même de Paris, des travaux de cette importance, n'a arrêté le programme qu'on vient de lire qu'après avoir pris l'avis des techniciens les plus autorisés réunies en commission spéciale. Elle espère que le public supportera cette gêne temporaire sans se plaindre, en tenant compte du but à atteindre et des nouveaux moyens de transport qui vont lui être offerts. Tel est le texte de la communication du préfet de la Seine. Chez le préfet de police Toutes les questions intéressant la circulation dans Paris des voitures et des pétons devant être soumises au préfet de police, et la teneur de la note ci-dessus ne mentionnant pas qu'il avait été consulté pour ce cas des plus intéressant, nous avons cherché, hier soir, à rencontrer M. Lépine. Le préfet de police était fort étonné. La note l'avait surpris. « On parle, nous a-t-il dit, d'une commission d'études ; il ne peut évidemment être question que de la commission des ingénieurs. Mais si ces messieurs peuvent, en effet, prendre une détermination concernant les premiers travaux d'établissement du Métropolitain, qui se font sous la haute direction d'un ingénieur de la Ville, je n'en ai pas moins voix consultative. Mieux que personne je suis placé pour connaître les besoins de la circulation parisienne, surtout quand il s'agit de quartiers aussi fréquentés que celui de l'Opéra. Mon avis est nécessaire pour barrer une rue quelconque ; à plus forte raison devait-il m'être demandé aujourd'hui. Aussi mon intention est-elle la suivante : dès demain, je vais demander des explications à la préfecture de la Seine, pour connaître, d'abord l'origine de la note publiée sur les travaux futurs et ensuite pour qu'il me soit donné communication des plans qui viennent d'être projetés. Ce n'est que par l'étude de ces derniers que je pourrai me rendre compte si je dois, oui ou non, autoriser la mise en train des travaux. » Et le public ? L'opinion du préfet de police semble refléter assez bien l'impression générale que produira la note dans le public. Qu'on se rende bien compte, en effet, de sa teneur. Transformé en un immense chantier fermé, voilà un des points de la capitale le plus fréquentés des Parisiens et le plus connus de l'étranger qui va être, des mois durant, interdit à la circulation, à part une chaussée et un trottoir provisoire ménagés dans l'axe du boulevard des Capucines. Ce sont les habitudes de toute une grande ville troublées pour longtemps ; c'est l'encombrement organisé dans tout un quartier central, c'est l'accès à l'Opéra interdit ; ce sont de nombreux commerçants atteints dans la libre jouissance de coûteux emplacements. L'administration municipale devine sans doute le tollé général que la note va soulever et chez les intéressés proprement dits et dans la population parisienne en général, puisqu'elle croit bon de s'adresser, en terminant, à la patience du public et de lui faire entrevoir des avantages futurs pour lui faire supporter les graves inconvénients présents. Mais – ou nous nous trompons fort – le public, malgré ces précautions oratoires, prendrait la chose plutôt du mauvais côté et trouverait que le Métropolitain aurait dû s'arranger de telle façon qu'il ne fut pas forcé de bouleverser pendant des mois une place qui est l'une des gloires de Paris.
Conversation avec un ingénieur. – Un sous-sol compliqué. – Les explications de M. de Selves. La note communiquée lundi soir par la préfecture de la Seine sur les travaux du Métropolitain place de l'Opéra, note que nous avons reproduite hier, n'a pas comme on pense, réjoui les commerçants directement intéressés par leur emplacement. D'autre part, elle n'a pas comblé de joie les Parisiens, non seulement gênés dans leur circulation, mais attristés de voir l'un des plus beaux endroits de la capitale transformé en chantier. Aussi avons-nous voulu obtenir des renseignements complémentaires sur ces travaux qui vont bientôt commencer et que la note officieuse n'expliquait pas, nous a t-il semblé, avec la clarté désirable. Nous sommes donc allés, hier, dans les bureaux du service technique du Métropolitain, où l'on nous a donné des détails intéressants. Au service technique du métro Nous y avons vu, notamment, la maquette en plâtre d'une vaste construction de maçonnerie, qui s'enfoncera dans le sous-sol de la place de l'Opéra à une profondeur de 21 mètres. Elle ressemble assez, cette construction, à une espère de forteresse, percée de portes et de fenêtres semi-circulaires. Elle aura la forme d'un triangle de 38 mètres de longueur dont la base, qui occupera l'espace compris entre la rue du Quatre-Septembre et l'avenue de l'Opéra, n'aura pas moins de 26 mètres de large. C'est dans ces massifs de fondation, selon les termes techniques, nous a-t-on dit, que les trois lignes du Métropolitain se croiseront à des profondeurs différentes. Tout au fond, passera la ligne Opéra-Auteuil, qui aura sa tête de ligne entre l'Opéra et la rue Drouot. Au-dessus on établira un plancher métallique sur lequel passera la ligne Palais-Royal-place du Danube, recouverte elle-même d'un autre plancher métallique sur lequel sera construire la voie de la ligne Boulevard Courcelles-Ménilmontant. Enfin, sur cette voie, un troisième plancher métallique supportera la chaussée. - Et alors, pendant combien de temps la place de l'Opéra sera-t-elle en partie obstruée ? - Vous pensez bien que pour mener à bonne fin une oeuvre de cette importance, il ne faut pas que quelques jours. Nous commencerons dans le courant du mois prochain et comptons avoir fini en novembre. - Les Parisiens ne vont donc plus oser passer place de l'Opéra pendant neuf mois ! On passera tout de même ! Mais l'ingénieur auquel nous nous adressons se récrie : - Mais on pourra passer toute de même ! On fera seulement un petit détour ; car si la moitié du refuge de la place doit être comprise dans l'enceinte de la palissade, on ménagera dans l'autre partie une chaussée auxiliaire de 7 m 50 de large qui suffira pour le passage des voitures et, pour les piétons, deux trottoirs de 4 mètres le long de la palissade, l'un du côté de l'Opéra, l'autre du côté de l'Avenue. De plus, pour faciliter la circulation des voitures du côté de l'avenue, on rétrécira de 1 m 50 le trottoir qui tourne au coin du boulevard des Capucines et de la place. Vous voyez donc qu'on s'alarme trop. - Mais ne pouvait-on éviter tous ces travaux en même temps ? - C'est parce qu'il était impossible de faire autrement qu'on s'est résolu à les entreprendre avec, d'ailleurs, l'approbation des chefs de services de la Ville et même les conseillers municipaux. Un travail difficile Et notre interlocuteur termine en nous disant que les travaux en question ne seront commencés que dès que la rue Aubert sera rendue à la circulation. Il faudra travailler dans une profondeur de 10 mètres d'eau, à l'aide de cages à plongeurs, et les matériaux seront déblayés par des bennes actionnées par l'air comprimé. C'est donc une opération longue et douloureuse que va subir Paris, mais, puisqu'on nous déclare qu'elle est inévitable, ayons donc du courage ! A la préfecture de la Seine Nous sommes allés, d'autre part, demander à la préfecture de la Seine quelque renseignements au sujet de la mesure prise. M. de Selves étant tout à ses réceptions très nombreuses du matin, c'est le directeur du cabinet du préfet de la Seine qui répond à nos questions : - Soyez persuadé que le préfet de la Seine a saisi la gravité de la situation dès qu'il a connu le projet de M. Bienvenüe, ingénieur en chef du Métropolitain. Mais que faire ? … Les travaux en question sont indispensables, lui déclaraient les techniciens. Du moins M. de Selves institua-t-il une commission composée d'hommes compétents qui ont examiné la proposition de M. Bienvenüe et qui ont, eux aussi, dû s'incliner devant l'absolue nécessiter de porter atteinte momentanément à l'un des points de Paris les plus séduisants. Dès lors, le préfet ne pouvait que se ranger à l'avis des techniciens et le projet de M. Bienvenue sera réalisé. Mais, si M. de Selves pense que les services rendus par les voies nouvelles feront vite oublier aux Parisiens les ennuis qu'ils auront éprouvés du fait de leur établissement, il a tenu à adresser à la population de Paris la communication que vous avez publié, destinée à lui faire comprendre l'intérêt qui s'attache à l'exécution des travaux. L'innovation intéressante de M. de Selves, expliquant aux Parisiens les raisons qui militent en faveur d'un projet assurément fort gênant, est à noter, et il est à souhaiter qu'elle ne reste pas isolée.
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